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24/09/2015 | FRANCE | N°14NC01561

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 14NC01561


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision en date du 5 décembre 2011 par laquelle le directeur des affaires médicales du centre hospitalier régional universitaire de Reims l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire dans l'intérêt du service, et la décision du 2 février 2012 par laquelle le directeur général adjoint de l'établissement hospitalier a rejeté son recours gracieux à l'encontre de cette mesure de suspension.

Par un jugem

ent n° 1200520 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision en date du 5 décembre 2011 par laquelle le directeur des affaires médicales du centre hospitalier régional universitaire de Reims l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire dans l'intérêt du service, et la décision du 2 février 2012 par laquelle le directeur général adjoint de l'établissement hospitalier a rejeté son recours gracieux à l'encontre de cette mesure de suspension.

Par un jugement n° 1200520 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2014, et un mémoire en réplique enregistré le 27 mai 2015, le centre hospitalier régional universitaire de Reims, représenté par la société d'avocats Bismuth, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 juin 2014 ;

2°) de rejeter la demande de Mme E...;

3°) de mettre à la charge de Mme E...le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les auteurs des décisions du 5 décembre 2011 et du 2 février 2012 bénéficiaient d'une délégation de signature du directeur général du centre hospitalier en vertu, respectivement, d'un arrêté du 1er octobre 2011 et d'un arrêté du 20 avril 2009, régulièrement publiés au recueil des actes administratifs de la préfecture ;

- ces arrêtés, également notifiés aux cadres de direction et au trésorier principal de l'établissement sanitaire, précisent qu'ils feront l'objet d'un affichage ;

- ils ont également donné lieu à une information du conseil de surveillance ;

- ces mesures de publicité étaient suffisantes ;

- le moyen tiré de ce que l'établissement hospitalier n'apporterait pas la preuve du caractère suffisant d'une publicité par voie d'affichage est inopérant ;

- ce moyen étant le seul qu'ont retenu les premiers juges, le jugement attaqué s'en trouve dépourvu de motivation ;

- le directeur peut suspendre, à titre conservatoire, un praticien hospitalier dont le comportement compromet le fonctionnement du service public ;

- Mme E...ne saurait se prévaloir de l'absence d'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre ;

- les problèmes comportementaux de l'intéressée ressortaient du rapport de l'agence régionale de santé du 11 juin 2010 ;

- ils sont confirmés par le chef du pôle de psychiatrie adulte, dans ses courriers des 25 octobre, 4 novembre et 14 novembre 2011 ;

- ils justifiaient la suspension de l'agent en urgence.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 octobre 2014 et le 10 juillet 2015, Mme E..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Reims aux entiers dépens et au versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés portant délégation de signature doivent faire l'objet d'une publication par voie d'affichage en application de l'article R. 6143-38 du code de la santé publique ;

- l'article D. 6143-35 du même code ne prévoit pas de mesure de publication différente pour les délégations de signature ;

- le centre hospitalier ne démontre pas que les arrêtés de délégation de signature auraient été affichés dans les conditions prévues par l'article R. 6143-38 ;

- en l'absence de publicité régulière de ces délégations de signature, les décisions litigieuses sont entachées d'un vice d'incompétence ;

- les premiers juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des moyens d'annulation ;

- les décisions litigieuses sont entachées d'illégalité dès lors que la décision du 5 décembre 2011 vise un courrier du 3 novembre 2011 qui ne lui a pas été communiqué ;

- aucune urgence, ni aucune circonstance exceptionnelle susceptible de mettre en cause la continuité du service et la sécurité des patients ne justifiaient sa suspension dans l'intérêt du service ;

- la décision de suspension n'a été suivie d'aucune procédure disciplinaire, ni même d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ;

- la décision attaquée constitue une sanction déguisée dès lors que l'autorité compétente n'en a pas été informée et n'a pris à son encontre aucune mesure particulière ;

- les faits qui lui sont reprochés, notamment dans les courriers du chef du pôle de psychiatrie adulte et dans le rapport de l'agence régionale de santé du 11 juin 2010, ne sont pas établis ;

- la mesure de suspension est disproportionnée au regard des faits reprochés et constitue une sanction déguisée ;

- elle fait l'objet d'une discrimination ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de droit, d'un détournement de pouvoir et d'un détournement de procédure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2009-1765 du 30 décembre 2009 relatif au directeur et aux membres du directoire des établissements publics de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour MmeE....

1. Considérant que MmeE..., praticien hospitalier au centre hospitalier régional universitaire de Reims, a été suspendue de ses fonctions, à titre conservatoire et dans l'intérêt du service, par une décision du directeur des affaires médicales du 5 décembre 2011 ; que le recours gracieux formé par l'intéressée contre cette décision a été rejeté le 2 février 2012 par le directeur général adjoint de l'établissement de santé ; que le centre hospitalier régional universitaire de Reims relève appel du jugement du 3 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces deux décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions litigieuses du 5 décembre 2011 et du 2 février 2012 au motif que ni le directeur des affaires médicales, ni le directeur général adjoint n'étaient compétents pour prononcer la suspension de MmeE..., en l'absence d'une publication régulière des décisions du 1er octobre 2011 et du 20 avril 2009 par lesquelles le directeur général de l'établissement de santé leur avait, respectivement, consenti une délégation de signature, notamment pour les questions relatives à la gestion du personnel ; que, retenant ainsi l'un des moyens soulevés par MmeE..., le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer expressément sur les autres moyens de la requête, a suffisamment motivé le jugement attaqué ; que, par suite, le centre hospitalier régional universitaire de Reims n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature " ; qu'en application de l'article D. 6143-35 du même code, dans sa rédaction issue du décret susvisé du 30 décembre 2009 relatif au directeur et aux membres du directoire des établissements publics de santé, les délégations de signature " sont notifiées aux intéressés et publiées par tout moyen les rendant consultables " ; qu'aux termes de l'article R. 6143-38 du code de la santé publique, qui s'applique sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du même code, les décisions réglementaires des directeurs des établissements publics de santé " sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège (...) " ;

4. Considérant que le centre hospitalier régional universitaire de Reims soutient que la décision du 1er octobre 2011 et celle du 20 avril 2009 par lesquelles le directeur général de l'établissement de santé a, respectivement, donné délégation de signature à MmeD..., directeur des affaires médicales, et à M.A..., directeur général adjoint, ont fait l'objet d'une publicité suffisante au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Marne le 13 octobre 2011 et le 5 mai 2009 ; que, toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 6143-38 du code de la santé publique, lequel a pour objet de fixer le régime de publicité des actes des établissements de santé, que, pour être exécutoires, les deux décisions de délégation de signature, qui présentent un caractère réglementaire, devaient faire l'objet d'un affichage sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers ; que les dispositions précitées de l'article D. 6143-35 du code de la santé publique, lesquelles ne s'appliquent au demeurant qu'à la seule délégation de signature consentie le 1er octobre 2011, ne dérogent pas à l'article R. 6143-38 du même code, qui s'applique sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions de ce code ; que ni la transmission des décisions de délégation au trésorier principal et au conseil de surveillance de l'établissement de santé, ni la diffusion, au sein de cet établissement, de notes à destination des cadres de direction, informant ceux-ci de la transmission des décisions pour publication au recueil, ne saurait suppléer à l'affichage requis par l'article R. 6143-38 ; qu'en outre, la mention portée dans ces notes, selon lesquelles l'affichage incombe aux directeurs d'établissement n'est pas de nature à établir la réalité de cet affichage ; que, dans ces conditions, l'administration ne justifie pas d'une publication régulière des délégations de signature consenties au directeur des affaires médicales et au directeur général adjoint de l'établissement, avant que ceux-ci ne prennent les décisions litigieuses des 5 décembre 2011 et 2 février 2012 ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces décisions étaient entachées d'incompétence ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier régional universitaire de Reims n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions des 5 décembre 2011 et 2 février 2012 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeE..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le centre hospitalier régional universitaire de Reims au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées sur ce point par Mme E...ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Reims le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier régional universitaire de Reims est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier régional universitaire de Reims versera à Mme E...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme E...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional universitaire de Reims et à Mme B...E....

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N° 14NC01561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01561
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-07-02-02 Actes législatifs et administratifs. Promulgation - Publication - Notification. Publication. Formes de la publication.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELARL BISMUTH

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-09-24;14nc01561 ?
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