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24/09/2015 | FRANCE | N°14NC02138

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 14NC02138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté en date du 5 juin 2014 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 1401387 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2014, M. C... B..., représenté par Me A..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté en date du 5 juin 2014 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 1401387 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2014, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 octobre 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 juin 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 250 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés de ce que le préfet n'a pris en compte, dans l'examen de sa demande de titre de séjour, ni la durée de sa présence sur le territoire français, ni l'emploi envisagé pour son recrutement ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnait l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- le préfet a examiné sa demande sur le seul fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que cette demande était présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ;

- le préfet était seul compétent pour lui délivrer l'autorisation de travail requise en vue de l'attribution d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ;

- le préfet a omis de vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiaient la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" puis, ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" était envisageable ;

- le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée pour rejeter sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas examiné la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, permettant l'octroi d'un titre de séjour " salarié " à l'étranger qui ne remplirait pas les conditions prévues par l'article L. 313-10 ;

- il n'a pas pris en compte les motifs exceptionnels et humanitaires présentés dans la demande ;

- la décision portant refus de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales, par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Une mise en demeure a été adressée le 16 mars 2015 au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant ivoirien, né le 21 juillet 1986, est entré régulièrement en France le 23 octobre 2011, sous couvert d'un visa de court séjour ; que l'intéressé ayant présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne a, par un arrêté du 5 juin 2014, rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ; que le requérant relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 octobre 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi ; qu'il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ; que, d'autre part, le dispositif de régularisation institué à l'article L. 313-14 n'a pas pour objet de dispenser l'étranger, avant qu'il ne commence à exercer une activité professionnelle, d'obtenir l'autorisation de travail exigée par le 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail auquel renvoie l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, la procédure permettant d'obtenir une carte de séjour pour motif exceptionnel est distincte de celle de l'article L. 5221-2, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'autorisation de travail soit délivrée préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire ;

4. Considérant que pour refuser à M. B...la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne, après avoir relevé que le dossier de l'intéressé, transmis pour avis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne, avait été classé sans suite " pour non réponse de l'employeur ", a estimé que l'intéressé ne satisfaisait pas aux conditions posées par ces dispositions ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. B...avait notamment produit à l'appui de sa demande de titre de séjour une promesse d'embauche en vue d'occuper un poste commercial, à compter du 7 avril 2014, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; que, dans ces conditions, en se bornant à constater le classement sans suite de la demande d'autorisation de travail, sans procéder à un examen particulier de la situation de M. B... et notamment de ses qualifications, de son expérience et de ses diplômes, ainsi que des caractéristiques de l'emploi auquel il postulait, le préfet de la Marne a entaché d'une erreur de droit la décision par laquelle il a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 5 juin 2014 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

6. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de M. B... soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Marne de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 250 euros que M. B...demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1401387 du 14 octobre 2014 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ainsi que l'arrêté en date du 5 juin 2014 par lequel le préfet de la Marne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M.B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 250 (mille deux cent cinquante) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

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N° 14NC02138


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02138
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : KAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-09-24;14nc02138 ?
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