La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2015 | FRANCE | N°15NC00421

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 12 novembre 2015, 15NC00421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 14 mars 2014 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par un jugement n° 1401013-1401014 du 23 septembre 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :



I. Par une requête enregistrée le 28 février 2015 sous le n° 15NC00421, M. E... C..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 14 mars 2014 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par un jugement n° 1401013-1401014 du 23 septembre 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 28 février 2015 sous le n° 15NC00421, M. E... C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 23 septembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de l'Arménie ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros ou, dans l'hypothèse d'une jonction avec la requête présentée par son épouse, celle de 1 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 7° de l'article de L. 313-11 du même code, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article de L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2015, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête au motif qu'elle n'est pas recevable faute de satisfaire aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle du 29 janvier 2015.

II. Par une requête enregistrée le 28 février 2015 sous le n° 15NC00422, Mme D...B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 23 septembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de l'Arménie ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros ou, dans l'hypothèse d'une jonction avec la requête présentée par son époux, celle de 1 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Elle soulève les mêmes moyens que ceux qui sont exposés dans la requête susvisée, enregistrée sous le n° 15NC00421.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2015, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête au motif qu'elle n'est pas recevable faute de satisfaire aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle du 29 janvier 2015.

III. Par une requête enregistrée le 28 février 2015 sous le n° 15NC00423, M. E... C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 23 septembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de l'Arménie ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros ou, dans l'hypothèse d'une jonction avec la requête présentée par son épouse, celle de 1 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soulève les mêmes moyens que ceux qui sont exposés dans la requête susvisée, enregistrée sous le n° 15NC00421.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu à l'audience publique.

1. Considérant que M. C...et sa compagne MmeB..., tous deux ressortissants arméniens, sont entrés irrégulièrement en France le 16 décembre 2012, accompagnés de leurs deux enfants mineurs, afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que leurs demandes d'asile, instruites selon la procédure prioritaire, ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 février 2014 ; que par deux arrêtés du 14 mars suivant, le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ; que, par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. C...et Mme B...relèvent appel du jugement du 23 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que M. C... et MmeB..., qui ont sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié le 1er mars 2013, auraient présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si les décisions attaquées précisent " qu'une mesure de régularisation exceptionnelle ne parait pas justifiée " au vu de la situation personnelle des requérants, le préfet a entendu examiner d'office, ainsi qu'il en avait l'obligation, s'il y avait lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régulariser leur situation ; que, dès lors, ils ne sauraient utilement invoquer la violation des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les arrêtés du 14 mars 2014 ; qu'en outre, les requérants n'établissent pas que le préfet du Doubs aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation de leur situation en estimant qu'une mesure de régularisation exceptionnelle ne paraissait pas justifiée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. C... et Mme B..., qui font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, sont entrés en France le 16 décembre 2012, soit moins de trois ans avant que le préfet ne prenne les décisions attaquées ; que si deux de leurs enfants, nés en 2010 et 2012, sont scolarisés en France, où un troisième enfant est né en 2014, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les intéressés les emmènent avec eux dans le pays d'origine de la famille et y reconstituent la cellule familiale ; que si les requérants font encore état de risques pour leur sécurité en cas de retour en Arménie, lesquels feraient obstacle à ce qu'ils puissent y mener une vie familiale normale, les documents qu'ils produisent à l'instance, notamment des attestations de témoins, ne permettent pas d'en établir la réalité ; qu'au demeurant, leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 12 février 2014 et par la Cour nationale du droit d'asile le 5 septembre 2014 ; que, dès lors, en refusant un titre de séjour à M. C... et à Mme B..., le préfet du Doubs n'a pas porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ; que, par suite, les décisions attaquées n'ont méconnu ni les stipulations, ni les dispositions précitées ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

6. Considérant qu'il n'est ni établi, ni même allégué que les enfants de M. C... et de Mme B...ne pourraient pas être scolarisés dans le pays d'origine de la famille ; que dans ces conditions, eu égard en outre à ce qui a été dit au point 4, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet du Doubs aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré de ce que les mesures d'éloignement seraient illégales, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de séjour ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprennent ce qui vient d'être dit à l'appui des conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;

10. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet du Doubs aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

12. Considérant que les requérants, dont les demandes d'admission au statut de réfugié, instruites selon la procédure prioritaire, ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 février 2014, soutiennent qu'ils ne peuvent retourner en Arménie en raison des violences dont M. C... a été victime pour s'être opposé aux projets d'un puissant oligarque, des origines azéries de Mme B...et de l'impossibilité d'obtenir une protection de la part des autorités arméniennes ; que, toutefois, les documents produits à l'appui de leurs allégations, notamment des attestations de témoins et des documents de portée générale extraits de sites internet, ne permettent pas d'établir qu'ils se trouveraient personnellement exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes présentées par M. C...et Mme B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

''

''

''

''

2

N° 15NC00421, 15NC00422, 15NC00423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00421
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : COLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-11-12;15nc00421 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award