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26/11/2015 | FRANCE | N°14NC01704

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2015, 14NC01704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...et Mme A...C...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 30 janvier 2014 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Par un jugement nos1402272, 1402273 du 4 août 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a joint ces demandes avant de les rejeter.>
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2014, M. et Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...et Mme A...C...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 30 janvier 2014 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Par un jugement nos1402272, 1402273 du 4 août 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a joint ces demandes avant de les rejeter.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2014, M. et MmeE..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 août 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés 30 janvier 2014 pris à leur encontre par le préfet de la Moselle.

Ils soutiennent que :

- les décisions de refus de titre séjour sont insuffisamment motivées ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leurs situations personnelles ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent le droit d'être entendu tel que consacré par les stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- les décisions fixant le délai de départ volontaire méconnaissent les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2015, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.

M. et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 17 octobre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. E...et Mme C...épouseE..., ressortissants bosniens, sont entrés irrégulièrement en France le 19 juillet 2013, selon leurs déclarations ; que leurs demandes tendant à la reconnaissance de la qualité de refugié ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décisions du 23 décembre 2013 ; que par arrêtés du 30 janvier 2014, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés ; que M. et Mme E...relèvent appel du jugement du 4 août 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur les décisions de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-13 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du présent code (...) / Elle est également délivrée de plein droit au conjoint de cet étranger (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions susmentionnées, après avoir visé notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indiquent que les intéressés ont déposé une demande d'asile, que le préfet a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, que leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions du 23 décembre 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et qu'en application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ne bénéficiaient du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ; que ces décisions mentionnent également qu'il peuvent dès lors se voir refuser la délivrance d'une carte de résident en application des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code précité ; que si les décisions en litige indiquent également qu'il n'a pas paru opportun de les admettre au séjour à titre dérogatoire ou pour des motifs exceptionnels ou humanitaires, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. et Mme E...se sont prévalus de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, si le préfet devait examiner d'office, ainsi qu'il l'a fait et sans qu'il soit besoin de solliciter les observations préalables du demandeur, s'il y avait lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation de M. et MmeE..., il n'avait pas à expliciter les éléments d'appréciation l'ayant conduit à estimer que l'admission au séjour des intéressés ne se justifiait ni à titre dérogatoire, ni au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, en l'absence de circonstances autres que celles invoquées dans leurs demandes de titre de séjour en qualité de réfugié ; que, par suite, et alors même que les dispositions de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger ayant bénéficié de la protection subsidiaire, laquelle protection est examinée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en même temps que la qualité de réfugié lors de l'examen de la demande d'asile, ne sont pas visées par les décisions en litige, celles-ci énoncent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont donc suffisamment motivées ;

4. Considérant, en second lieu, que les requérants soutiennent que Mme E... présente des troubles psychiatriques en lien avec des évènements traumatisants vécus en Bosnie et qu'elle bénéficie en France d'une prise en charge médico-psychologique et d'un traitement médicamenteux, dont elle ne pourra plus bénéficier en cas de retour dans son pays d'origine ; que, toutefois, les certificats médicaux et le rapport médical produits par les requérants se bornent à indiquer que l'état de santé Mme E...nécessite un traitement médicamenteux et un suivi psychologique ; que, par suite, et alors que Mme E...n'a pas sollicité de titre de séjour en qualité d'étranger malade, elle n'établit pas par les pièces produites qu'elle ne pourra poursuivre son traitement en Bosnie et y poursuivre une vie privée et familiale normale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants ne peut qu'être écarté ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant que les dispositions, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que la directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

6. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

7. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la seule circonstance que le préfet de la Moselle n'aurait pas expressément informé M. et Mme E...qu'en cas de rejet de leurs demandes de titre de séjour, ils seraient susceptibles d'être contraints de quitter le territoire français, en les invitant à formuler leurs observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder les intéressés comme ayant été privés de leur droit à être entendu, qui figure au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne ;

Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire :

9. Considérant que par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions portant obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions qui l'accompagnent, telle la décision fixant le délai de départ volontaire ; que, par suite, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre des décisions en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté ;

Sur les décisions fixant le pays de destination :

10. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant que si M. et Mme E...soutiennent qu'ils encourent des risques en cas de retour dans leur pays d'origine, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations de nature à établir le caractère réel, personnel et actuel des risques encourus en cas de retour en Bosnie ; que, par suite, et alors au demeurant que leurs demandes tendant à la reconnaissance de la qualité de refugié ont été rejetées en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 1er septembre 2014, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme A... C...épouse E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

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N° 14NC01704


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01704
Date de la décision : 26/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : CHATEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-11-26;14nc01704 ?
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