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26/11/2015 | FRANCE | N°15NC00256

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 novembre 2015, 15NC00256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 par lequel le préfet des Vosges a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement d'une liaison entre la RD 164 et la RD 17 à Bulgnéville et a déclaré cessibles les propriétés nécessaires à l'opération.

Par un jugement n° 1401632 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 fé

vrier 2015, le département des Vosges, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 par lequel le préfet des Vosges a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement d'une liaison entre la RD 164 et la RD 17 à Bulgnéville et a déclaré cessibles les propriétés nécessaires à l'opération.

Par un jugement n° 1401632 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2015, le département des Vosges, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401632 du 2 décembre 2014 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C...;

3°) de mettre à la charge de Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le projet répond à une finalité d'intérêt général et que ses inconvénients ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'il présente ;

- l'article L. 11-1-1 3° du code de l'expropriation n'est pas méconnu ;

- l'arrêté de déclaration d'utilité publique est suffisamment motivé ;

- l'avis d'ouverture d'enquête publique a été régulièrement publié ;

- le déroulement de l'enquête publique n'est pas irrégulier ;

- l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme n'est pas méconnu ;

- l'opération répond à un intérêt général et non à un intérêt privé ;

- ses inconvénients ne sont pas excessifs par rapport à ses avantages.

Par un mémoire enregistré le 13 mars 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie informe la cour que le ministre de l'intérieur est compétent pour répondre à la requête.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2015, MmeC..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du département des Vosges au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les inconvénients du projet sont excessifs par rapport à ses avantages eux-mêmes contestés ;

- l'article L. 11-1-1 3° du code de l'expropriation est méconnu ;

- l'avis d'ouverture d'enquête publique n'a pas été publié ;

- le déroulement de l'enquête publique est irrégulier ;

- l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme est méconnu ;

- l'opération ne répond pas à un intérêt général et tend à satisfaire un intérêt privé ;

Le ministre de l'intérieur a été mis en demeure de produire ses observations le 22 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour MmeC....

Une note en délibéré présentée pour Mme C...a été enregistrée le 19 novembre 2015.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 29 avril 2014, le préfet des Vosges a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement de la liaison entre la RD 164 et la RD 17 dans la commune de Bulgnéville et a déclaré cessibles les parcelles nécessaires à cette opération. Le département des Vosges interjette appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

3. Il appartient au juge administratif, lorsqu'est contestée devant lui l'utilité publique d'une telle opération, de vérifier successivement que celle-ci répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'est pas en mesure de la réaliser dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

4. Les travaux d'aménagement projetés ont pour objet de dévier d'un carrefour à angle droit reliant la RD 164 et la RD 17 et situé dans le bourg de Bulgnéville, la circulation des camions desservant pour l'essentiel la fromagerie implantée à l'extérieur du village sur la RD 17. Le projet doit permettre d'assurer davantage de tranquillité pour les quelques riverains actuellement concernés et de sécurité pour les piétons empruntant les trottoirs et le carrefour en cause, à angle droit, n'est pas adapté aux poids lourds de grande dimension qui doivent, dans certains cas, empiéter sur l'autre voie de circulation pour effectuer le virage entre les deux routes départementales. La nouvelle liaison envisagée entre les deux voies se situe par ailleurs à proximité d'un lotissement prolongé par un autre lotissement en développement. Il n'est pas allégué et il ne ressort pas des pièces du dossier que le département des Vosges était en mesure de réaliser la même opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un avis de la direction des territoires, que le carrefour entre les deux routes départementales ne peut être considéré comme dangereux ni même accidentogène, dès lors que seuls deux accidents sans gravité dus à des refus de priorité et n'impliquant pas des poids lourds ont été relevés en 1994 et 1995. Si le département des Vosges fait par ailleurs valoir que le nombre prévu de camions n'atteint pas un seuil de nuisance important et que les inconvénients pour les habitants des lotissements seront en tout état de cause inférieurs à ceux que subissent les riverains actuels plus proches de la circulation, ces allégations ne sont suffisamment démontrées ni par les pièces produites devant le juge qui, si elles montrent l'emplacement de la nouvelle voie par rapport au lotissement ne permettent pas d'en apprécier les inconvénients pour les habitants, ni par les études effectuées en vue de l'enquête publique qui ne comportent pas d'analyse précise des nuisances pour les habitants des lotissements, ainsi que l'a relevé le commissaire enquêteur au terme de l'avis défavorable rendu à l'issue de l'enquête publique. Il ressort également du dossier et notamment de l'avis de la direction départementale des territoires que, même en tenant compte de l'implantation de panneaux par la commune, la déviation créée sera de nature à favoriser une vitesse excessive, y compris sur la partie de la RD 17 ne faisant pas l'objet de modifications, dans la mesure où les véhicules venant de la sortie de l'autoroute A 31 proche de la RD 164 n'auront plus à traverser une portion de voie urbanisée pour emprunter la RD 17. Ce même avis de la direction départementale des territoires expose également que la visibilité dans un des embranchements existant actuellement sera réduite par les travaux, aggravant les risques d'insécurité pour les piétons et que le nouvel embranchement créé pour les véhicules provenant de la fromagerie aura une forme en "Y" ne favorisant pas un ralentissement avant l'agglomération. Ainsi, les inconvénients pour la tranquillité et la sécurité des futurs riverains de la nouvelle voie présentent un caractère excessif de nature à retirer aux travaux projetés leur caractère d'utilité publique.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le département des Vosges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a anulé l'arrêté préfectoral contesté.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeC..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le département Vosges et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge du département Vosges au profit de Mme C...la somme de 1 500 euros que celle-ci demande au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du département Vosges est rejetée.

Article 2 : Le département des Vosges versera à Mme C...une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département des Vosges, à Mme C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

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N° 15NC00256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00256
Date de la décision : 26/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-11-26;15nc00256 ?
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