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26/11/2015 | FRANCE | N°15NC00393

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 novembre 2015, 15NC00393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 31 mars 2014 par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1401569 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2015, complétée par un mémoire d

e production du 13 octobre 2015, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 31 mars 2014 par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1401569 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2015, complétée par un mémoire de production du 13 octobre 2015, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401569 du 14 octobre 2014 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle du 31 mars 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me C... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. B...soutient que :

En ce qui concerne la décision lui refusant un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant arménien né le 22 novembre 1964, est entré irrégulièrement en France le 18 août 2011 pour y solliciter le statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 28 février 2013, confirmée le 3 mars 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. L'intéressé a demandé, le 18 octobre 2013, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 31 mars 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B...relève appel du jugement du 14 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2014.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, en vertu des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. Le refus de titre de séjour contesté vise les textes dont il fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement, notamment les circonstances relatives au rejet de sa demande d'asile et les éléments ayant justifié le refus de titre de séjour sollicité pour raisons médicales. Ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, cette décision répond aux exigences de motivation posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " et aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ".

4. M. B...soutient qu'il a fait des efforts d'intégration importants, notamment par son investissement dans les associations Emmaus 54 ou la FNSOF, ce que les attestations produites en première instance et en appel permettent d'établir, et qu'il n'a plus de famille en Arménie alors qu'il a un frère qui réside en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé n'est entré en France qu'en octobre 2011 et que son séjour ne s'est prolongé que le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile et de sa demande de titre de séjour pour raisons médicales. Il a, par ailleurs, vécu habituellement en dehors du territoire français jusqu'à l'âge de 37 ans et ne justifie pas ne plus disposer d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M.B..., qui ne produit au demeurant aucun élément probant sur la régularité du séjour de son frère, n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il n'avait d'ailleurs pas invoquées dans sa demande de titre de séjour. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé a rendu le 15 novembre 2013 un avis selon lequel l'état de santé de M.B..., ressortissant arménien, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existe un traitement approprié pour sa prise en charge médicale dans son pays d'origine. Les certificats médicaux produits en première instance par l'intéressé, pas plus que les éléments du compte-rendu d'hospitalisation rédigé le 2 octobre 2014 produit en appel, ne permettent de contredire sérieusement ces éléments. Dans son avis du 14 août 2014 rendu sur une deuxième demande de titre de séjour pour raisons de santé, le médecin de l'agence régionale de santé a d'ailleurs réitéré les termes de son précédent avis. Il s'ensuit que M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sollicité au regard de son état de santé, le préfet de Meurthe-et-Moselle a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. La décision portant refus de titre de séjour comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ainsi qu'il a été dit au point 2. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait de la décision litigieuse doit, par suite, être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement dont M. B...a besoin est indisponible dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en raison de son état de santé, il ne pourrait lui être fait obligation de quitter le territoire français sans méconnaître les dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

12. M. B...soutient qu'il est menacé dans son pays dès lors qu'il y est confronté à l'administration dans le cadre d'un conflit foncier et qu'il est engagé dans l'opposition politique aux autorités arméniennes. La lettre du 20 février 2011 qu'il allègue avoir reçue des services de police d'Erevan produite en première instance et le courrier de son avocat lui transmettant un courrier à l'entête de la direction générale de la police d'Erevan du 24 mars 2014 ne présentent pas en l'espèce des garanties d'authenticité suffisantes et ne sont pas de nature à établir la réalité des allégations de M.B.... En l'absence d'éléments probants produits par l'intéressé, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 31 mars 2014 par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 15NC00393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00393
Date de la décision : 26/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-11-26;15nc00393 ?
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