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18/10/2016 | FRANCE | N°15NC01422

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2016, 15NC01422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et Mme C...A...née B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 10 février 2015 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Par un jugement no 1500715, 1500716 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Nancy a joint leurs demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2015, M. et MmeA..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et Mme C...A...née B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 10 février 2015 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Par un jugement no 1500715, 1500716 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Nancy a joint leurs demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2015, M. et MmeA..., représentés par la SELARL Guitton et D...et Blandin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 juin 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 10 février 2015 pris à leur encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me D..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :

- les arrêtés sont entachés d'incompétence de leur auteur contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ; le secrétaire général de la préfecture ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;

Sur les décisions refusant la délivrance de titres de séjour :

- le préfet devait délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet aurait dû solliciter l'avis de médecin de l'agence régionale de santé ; la décision est insuffisamment motivée sur ce point ;

- le préfet aurait dû leur délivrer des cartes de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- les décisions ne sont pas motivées contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les décisions fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

- le préfet a commis une erreur de droit en appliquant les dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont contraires aux dispositions de l'article 8 de la directive 2008/115/CE du 16 septembre 2008 ;

- les décisions ne sont pas motivées ;

- ils n'ont pas pu formuler des observations préalablement à l'adoption des décisions ;

- les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et celles de l'article 41.2 de la charte de droits fondamentaux de l'Union européenne n'ont pas été respectées ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles n'ont pas été précédées d'un examen particulier de leur situation personnelle ;

Sur les décisions fixant le pays de destination :

- les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'en remet à ses écritures de première instance et conclut au rejet de la requête.

M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 26 novembre 2015.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire et à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle :

1. Considérant que le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy a, par des décisions du 26 novembre 2015, accordé à M. et Mme A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, dès lors, les conclusions susvisées sont devenues sans objet ;

Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté n° 13.BI.20 du 20 août 2013, régulièrement publié le 23 août 2013 au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 23, accordé une délégation de signature à M. Raffy, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer " tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit " ; que, par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal, qui a suffisamment motivé son jugement, aurait écarté à tort le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés ;

Sur les décisions refusant la délivrance de titres de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ;

4. Considérant, d'une part, que M. et Mme A...n'ont pas sollicité la délivrance de cartes de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office la possibilité de leur délivrer de tels titres de séjour ;

5. Considérant, d'autre part, que M. A...n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'était tenu ni d'examiner d'office la possibilité de lui délivrer un tel titre de séjour, ni de consulter le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine, ni de motiver son arrêté sur ce terrain ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que Mme et M.A..., de nationalité turque, sont entrés irrégulièrement en France, selon leurs dires, respectivement le 9 octobre 2012 et le 1er janvier 2013 ; que s'ils font valoir que des membres de la famille de M. A...séjournent en France, ils ne sont pas dépourvus d'attaches en Turquie où ils ont vécu jusqu'à l'âge de 31 ans et 33 ans et où réside notamment un frère de M.A... ; que les circonstances que leur fille Delfin Meryem, née le 27 février 2004 en Turquie, est scolarisée en France et que leur second enfant est né le 23 septembre 2013 sur le territoire français ne sont pas suffisantes pour démontrer leur insertion sociale ; que les requérants faisant tous deux l'objet d'une mesure de refus de séjour, ils pourront poursuivre leur vie familiale dans leur pays d'origine ; que, dans ces conditions, compte tenu notamment de la brièveté du séjour en France des intéressés, les décisions leur refusant la délivrance de titres de séjour n'ont pas porté au droit de M. et Mme A...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que s'il se prévaut de son état de santé, M. A...ne précise ni la nature des pathologies dont il souffrirait, ni leur gravité et n'établit pas qu'il devrait se maintenir sur le territoire français pour y être soigné : que, par suite, et pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 7, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des appelants doit être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

10. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 7, les arrêtés attaqués ne porteront pas atteinte à l'unité de la cellule familiale qui pourra se reconstituer en Turquie ; que, par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que la fille des requérants poursuive sa scolarité dans ce pays ; que, par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes des décisions en litige que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de M. et MmeA... ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant, d'une part, que dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour ; qu'en l'espèce, les décisions de refus de séjour opposées à M. et Mme A...indiquent de manière précise et circonstanciée la situation des requérants ainsi que les motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé pour rejeter leurs demandes ; que les arrêtés en litige mentionnent l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que les appelants, qui ne peuvent utilement se prévaloir directement, à l'appui de leurs recours, des objectifs fixés par l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors qu'à la date de la décision contestée, ce texte avait été transposé en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français ne sont pas motivées ;

13. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

14. Considérant que M. A...n'apporte aucun élément de nature à démontrer que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, si tel était le cas, il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur les décisions fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

15. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 modifiant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes du II de cet article dans sa rédaction alors applicable : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;

16. Considérant qu'en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est égal à la limite supérieure prévue à l'article 7 de la directive, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers, dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait privée de base légale en raison de l'incompatibilité des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code précité avec l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, comme c'est le cas en l'espèce, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a par suite pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation ; qu'ainsi, et en l'absence de demande ou d'éléments présentés par M. et Mme A...relatifs à la prolongation du délai de trente jours, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient insuffisamment motivées doit être écarté ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français en assortissant cette obligation d'un délai de départ volontaire ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne peut être utilement invoqué par M. et Mme A...à l'encontre des décisions en litige ;

19. Considérant, en quatrième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;

20. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; que ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, cependant, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

21. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui fixe le délai de départ volontaire qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas expressément informé M. et Mme A...qu'en cas de rejet de leurs demandes de titres de séjour, ils seraient susceptibles d'être contraints de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en les invitant à formuler leurs observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder les intéressés comme ayant été privés de leur droit à être entendu qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ;

23. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des termes mêmes des arrêtés attaqués, qui mentionnent qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de faire usage du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de trente jours imparti aux requérants, que le préfet a examiné la situation personnelle des requérants et n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence en décidant d'assortir les décisions portant obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire de trente jours ; que si les appelants soutiennent qu'il appartenait au préfet de fixer un délai de départ volontaire supérieur, les circonstances qu'ils invoquent, tenant à la nécessité pour M. A...de poursuivre des soins en France et à la scolarisation de ses enfants, ne sont pas de nature à regarder les décisions limitant le délai de départ volontaire à trente jours comme étant entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les décisions fixant le pays de destination :

24. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

25. Considérant que M. et Mme A...se bornent à soutenir qu'ils ne peuvent être éloignés à destination de la Turquie alors que leurs vies seraient en danger dans ce pays en raison de leurs engagements politiques ; qu'ils n'établissent toutefois par aucun document suffisamment probant le caractère personnel, réel et actuel des risques allégués en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, par suite, et alors au demeurant que leurs demandes tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles formées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y plus lieu de statuer sur les demandes d'aide juridictionnelle provisoire et de sursis à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les requêtes de M. et Mme A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A..., à Mme C...A...née B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 15NC01422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01422
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SICHLER
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-10-18;15nc01422 ?
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