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19/01/2017 | FRANCE | N°16NC00478

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 19 janvier 2017, 16NC00478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies Navigables de France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner M. D...au paiement d'une amende de 150 euros pour occupation sans autorisation d'un chemin de halage appartenant au domaine public fluvial et d'une amende de 150 euros pour dégradation de ce chemin.

Par un jugement n° 1400674 du 6 janvier 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné M. D...à payer une amende de 150 euros au titre de l'action publique et a rejeté les conclusions

présentées au titre de la dégradation du chemin.

Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies Navigables de France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner M. D...au paiement d'une amende de 150 euros pour occupation sans autorisation d'un chemin de halage appartenant au domaine public fluvial et d'une amende de 150 euros pour dégradation de ce chemin.

Par un jugement n° 1400674 du 6 janvier 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné M. D...à payer une amende de 150 euros au titre de l'action publique et a rejeté les conclusions présentées au titre de la dégradation du chemin.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mars et 9 août 2016, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Voies Navigables de France ;

3°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que de condamner l'établissement public aux entiers frais et dépens.

Il soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente dès lors qu'il pouvait bénéficier de la loi pénale plus douce résultant des articles R. 4214-38 et R. 4247-24 du code des transports qui instaure une amende relevant du juge judiciaire ;

- la procédure a été transmise au tribunal administratif par une personne incompétente ce qui rend la procédure irrégulière ;

- il n'est pas établi que le lieu de l'infraction appartienne au domaine public fluvial ;

- le chemin ne peut être qualifié de chemin de halage et les textes invoqués par Voies Navigables de France ne s'appliquent pas ;

- en tout état de cause, le chemin fait l'objet d'une superposition d'affectations et il n'est pas établi que Voies Navigables de France dispose d'un pouvoir de verbalisation ;

- les pêcheurs doivent disposer d'un droit d'accès au domaine public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2016, Voies Navigables de France conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la juridiction administrative est compétente ;

- la délégation de signature était régulièrement publiée ;

- le lieu de l'infraction appartient au domaine public fluvial ;

- la double affectation du chemin de halage ne dispense d'autorisation de circulation que les cyclistes ;

- les pêcheurs ne disposent pas d'un droit d'accès en automobile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour M.D....

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 février 2014, Voies Navigables de France a transmis au tribunal administratif de Strasbourg un dossier de contravention de grande voirie établi à l'encontre de M. D...pour infraction aux articles L. 2132-8 et 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, en raison de la présence, le 15 janvier 2014, du véhicule de l'intéressé sur le chemin de halage situé sur le territoire de la commune de Koenigsmacker, longeant la Moselle canalisée à cet endroit.

2. M. D... interjette appel du jugement du 6 janvier 2016 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a condamné à payer une amende de 150 euros au titre de l'action publique.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. M. D...fait valoir qu'il peut prétendre à l'application rétroactive de la loi pénale plus douce résultant de l'article R. 4274-24 du code des transports entré en vigueur le 1er septembre 2014, qui prévoit que le " fait de ne pas respecter les dispositions relatives à la circulation et au stationnement sur les digues et chemins de halage et d'exploitation prévues à l'article R. 4241-68 " est puni de l'amende prévue pour les contraventions de quatrième classe d'un montant maximum de 130 euros. Le requérant soutient que le contentieux de cette amende appartient à la juridiction judiciaire et que la juridiction administrative est en conséquence incompétente pour connaître du présent litige.

4. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la saisine du tribunal administratif par Voies Navigables de France que, pour demander la condamnation de M. D..., cet établissement s'est fondé, non sur les articles R. 4241-68 et 4274-24 du code des transports, mais sur l'article L. 2132-9 du code général la propriété des personnes publiques, aux termes duquel : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente ".

5. Ce texte a été pris afin d'assurer la protection de l'intégrité ou de l'utilisation du domaine public fluvial et sa méconnaissance est constitutive de contraventions de grande voirie. Les litiges relatifs à son application relèvent de la juridiction administrative.

6. En revanche, le règlement général de police de la navigation intérieure, codifié aux articles R. 4241-68 et suivants du code des transports, a été édicté, non pour la protection de l'intégrité ou de l'utilisation des chemins de halage et d'exploitation faisant partie du domaine public fluvial, mais pour assurer la qualité et la sécurité de la navigation sur les voies fluviales intérieures. Il constitue une réglementation indépendante de celle des contraventions de grande voirie, dont la méconnaissance est sanctionnée par des amendes pénales relevant de la compétence du juge judiciaire.

7. La circonstance que ce règlement prévoit également, au titre d'une législation indépendante de celle des contraventions de grande voirie, des sanctions en cas de circulation et de stationnement irrégulier sur des chemins de halage et d'exploitation, n'a pas pour conséquence de limiter le montant des amendes infligées au titre de la législation sur les contraventions de grande voirie, ni de conférer la compétence juridictionnelle de ces contraventions au juge judiciaire.

8. Ainsi, M.D..., dont la condamnation est demandée sur le fondement des seuls textes relatifs aux contraventions de grande voirie, ne peut utilement invoquer les dispositions du règlement général de la navigation intérieure pour soutenir que l'amende qui lui a été infligée ne devait pas dépasser le montant prévu par ce règlement et que la juridiction administrative est incompétente pour connaître du présent litige.

Sur la régularité de la procédure :

9. Il résulte des pièces produites par Voies Navigables de France que, contrairement à ce que soutient M. D..., Mme de la Personne, directrice territoriale de Voies Navigables de France Nord-est, qui a transmis la procédure au tribunal administratif de Strasbourg, avait reçu délégation pour ce faire par décision du 13 janvier 2013 du directeur général de l'établissement, régulièrement publiée au bulletin officiel des actes de Voies Navigables de France du 17 janvier 2013.

10. Ainsi, le moyen tiré par le requérant d'une irrégularité de procédure tenant à ce que le tribunal administratif n'avait pas été saisi par une autorité compétente ne peut qu'être écarté.

Sur le bien fondé de l'amende :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2111-10 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public fluvial artificiel est constitué : / 1° Des canaux (..) ; / 2° Des ouvrages ou installations appartenant à l'une de ces personnes publiques, qui sont destinés à assurer l'alimentation en eau des canaux et plans d'eau ainsi que la sécurité et la facilité de la navigation, du halage ou de l'exploitation (...) ".

12. M. D...fait valoir que le chemin sur lequel se trouvait son véhicule n'est pas utilisé pour le halage et ne peut l'être compte tenu de sa configuration et des aménagements de la rivière.

13. Toutefois, il résulte de l'instruction que si le chemin ne sert plus au halage, il est utilisé pour l'exploitation de la partie canalisée de la Moselle qu'il longe. Ainsi, il est destiné à assurer la sécurité et la facilité de la navigation ainsi que l'exploitation au sens de l'article L. 2111-10 rappelé ci-dessus et fait donc partie du domaine public fluvial, aucune circonstance de nature à s'y opposer n'étant d'ailleurs invoquée.

14. En conséquence, le moyen tiré de ce que l'amende infligée au requérant ne pouvait se fonder sur l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, qui prévoit que toute personne est tenu de faire enlever tout "empêchement" qui se trouverait sur le domaine public fluvial, ne saurait être accueilli.

15. En deuxième lieu, dès lors que L. 2132-9 s'applique sur l'ensemble des dépendances du domaine public fluvial, le moyen tiré de ce que le chemin en cause ne servirait plus au halage, ne peut être utilement invoqué. La circonstance que le véhicule de M. D... n'aurait pas gêné les utilisations du chemin est sans influence sur cette analyse, la circulation sans autorisation sur cette dépendance du domaine public suffisant à constituer la contravention de grande voirie.

16. En troisième lieu, M. D...fait valoir que le chemin litigieux est une piste cyclable qui doit faire l'objet d'une convention de superposition de gestion entre les autorités gestionnaires et que, faute d'une telle convention, il peut se prévaloir des dispositions de l'article R. 5241-68 du code des transports qui dispensent d'autorisation certains usagers lorsque la circulation leur est ouverte dans le cadre d'une superpositions d'affectation.

17. Toutefois, Voies Navigables de France produit pour la première fois en appel la convention conclue le 8 septembre 2003 pour vingt ans avec la commune de Koenigsmacker prévoyant la superposition de gestion sur le domaine public fluvial afin de permettre la création d'un itinéraire cyclable. Si cette convention autorise le passage des cyclistes, elle ne prévoit pas que les automobilistes puissent emprunter le chemin sans obtenir une autorisation, qui ne peut être délivrée que par Voies Navigables de France dans le cadre de ses pouvoirs de gestion du domaine public fluvial dont il a la charge.

18. Enfin, M. D...soutient qu'il est titulaire d'une carte de pêche qui lui donne le droit de pêcher dans les zones délimitées par un bail conclu entre la préfecture de la Moselle et l'association de pêche agréée à laquelle il appartient. Il fait valoir que le cahier des charges du bail prévoit que le préfet "veille... à ce que l'accès des pêcheurs au site de pêche soit maintenu" et que Voies Navigables de France commet une faute en ne respectant pas ces stipulations, alors au surplus que sa zone de pêche est éloignée des lieux dans lesquels le stationnement est autorisé et que l'accès en véhicule des pêcheurs est souvent admis, compte tenu du poids et du caractère encombrant de leur matériel.

19. Toutefois, les stipulations du bail invoqué par le requérant n'ont pas pour objet d'autoriser un accès en voiture aux zones de pêche. En outre, elles ne s'imposent pas à Voies Navigables de France qui n'est pas partie au contrat. Les autres circonstances invoquées par M. D...sont sans incidence sur la légalité de l'amende prononcée à son encontre. Au surplus, il est constant que l'intéressé a méconnu l'interdiction, matérialisée par un panneau de signalisation, de circuler en véhicule sur le chemin de halage en cause.

20. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à payer une amende de 150 euros au titre de la contravention de grande voirie qu'il a commise.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Voies Navigables de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, le présent litige n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions tendant à la condamnation aux dépens de l'établissement public sont sans objet et doivent être rejetées.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et à Voies Navigables de France.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

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N° 16NC00478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00478
Date de la décision : 19/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : COSSALTER et DE ZOLT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-01-19;16nc00478 ?
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