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09/02/2017 | FRANCE | N°16NC00556

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 février 2017, 16NC00556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Woustviller a refusé de mettre un terme à l'emprise irrégulière à laquelle elle s'est livrée en implantant sur sa propriété une canalisation d'assainissement ainsi qu'un regard de visite.

Par un jugement n° 1401244 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistr

és les 31 mars et 5 septembre 2016, M. D... E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Woustviller a refusé de mettre un terme à l'emprise irrégulière à laquelle elle s'est livrée en implantant sur sa propriété une canalisation d'assainissement ainsi qu'un regard de visite.

Par un jugement n° 1401244 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars et 5 septembre 2016, M. D... E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401244 du 3 février 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Woustviller une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. E...soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas en quoi l'illégalité de la décision n'est pas établie et ne précise pas le motif d'intérêt général justifiant le refus de démolition ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs puisqu'il admet l'irrégularité de l'emprise tout en écartant l'illégalité du refus d'y mettre fin ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en faisant peser sur lui la charge de démontrer l'absence de motif d'intérêt général, alors que c'est à la commune qu'il incombe d'en établir l'existence ;

- le motif d'intérêt général n'est pas établi au vu des éléments fournis par la commune ;

- le plan parcellaire produit par la commune est erroné et minimise à dessein l'ampleur de l'emprise irrégulière.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 et 20 septembre 2016, la commune de Woustviller, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. E...à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle admet que le premier plan parcellaire qu'elle a produit est erroné et en produit un nouveau, purgé d'erreur ; pour le reste, elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me F...pour la commune de Woustviller.

Considérant ce qui suit :

1. En 1992, la commune de Woustviller a fait procéder à l'implantation d'une canalisation d'assainissement traversant notamment la parcelle cadastrée section 2 n° 186, située impasse de Nancy sur son territoire, ainsi que d'un regard de visite sur la même parcelle. Cette parcelle était alors la propriété de M. B...A.... Au décès de ce dernier, en 1996, M. D...E...et son épouse ont hérité de l'ensemble immobilier lui appartenant impasse de Nancy et, en particulier, de la parcelle cadastrée section 2 n° 186.

2. Le 15 octobre 2012, après des travaux d'aménagement de la voirie de l'impasse, M. E... a adressé à la commune une réclamation dont l'un des griefs portait sur l'emprise irrégulière de la canalisation d'assainissement et du regard de visite sur sa propriété. La commune n'ayant pas répondu à cette réclamation, il a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de son refus de mettre fin à l'emprise irrégulière.

3. M. E...relève appel du jugement du 3 février 2016 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

4. M. E...soutient que le jugement n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas en quoi l'illégalité de la décision n'est pas établie et ne précise pas le motif d'intérêt général justifiant le refus de démolition.

5. Toutefois, après avoir admis le caractère irrégulier de l'emprise litigieuse, le tribunal a rappelé les règles jurisprudentielles à mettre en oeuvre en la matière, en vertu desquelles l'illégalité d'une décision rejetant une demande de démolition d'un ouvrage public édifié irrégulièrement ne résulte pas de ce seul état de fait, mais est en outre subordonnée à l'absence de possibilité de régularisation et d'atteinte excessive à l'intérêt général en cas de démolition. Le tribunal a ensuite fait application de ces règles en relevant l'utilité de la canalisation litigieuse et en soulignant que M. E... s'était borné à faire valoir l'irrégularité de l'emprise, autrement dit une seule des conditions à remplir pour établir l'illégalité de la décision contestée.

6. Le tribunal a ainsi suffisamment motivé son jugement eu égard à l'argumentation dont l'avait saisi le requérant. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Les conclusions dirigées contre le refus de démolir un ouvrage public irrégulièrement édifié sont absorbées par celles qui tendent à ce qu'il soit enjoint de le démolir. Le juge effectue un contrôle du bilan sur l'ensemble. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à l'annulation d'une décision rejetant une demande de démolition d'un ouvrage public dont une décision juridictionnelle a jugé qu'il a été édifié irrégulièrement et à ce que cette démolition soit ordonnée, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, s'il convient de faire droit à cette demande. Il doit rechercher, d'abord, si, eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général (Conseil d'Etat, 13 février 2009, n° 295885).

8. Il est constant que la canalisation litigieuse et son regard de visite, qui ont le caractère d'un ouvrage public, sont irrégulièrement implantés sur la parcelle cadastrée section 2 n° 186.

9. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs même pas soutenu, que cette situation ne pourrait pas faire l'objet d'une régularisation, notamment par l'institution d'une servitude de passage.

10. Par ailleurs, et en tout état de cause, la démolition de l'ouvrage entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général.

11. En effet, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... subisse une gêne autre que minime du fait de la présence de l'ouvrage public sur sa propriété. Dans son rapport du 29 mars 2012, l'expert judiciaire désigné par le président du tribunal administratif à la demande de M. E...estime ainsi que seul le regard de visite, que l'arasement du terrain naturel a rendu proéminent, peut constituer une " légère gêne pour l'accès des engins au hangar " du requérant, tout en précisant que ce petit obstacle peut être aisément contourné. Au demeurant, M. E...ne s'est jamais plaint d'une quelconque gêne auparavant, alors que l'ouvrage est implanté sur la parcelle depuis 1992 et qu'il était donc déjà présent lorsqu'il est devenu propriétaire de celle-ci en 1996.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le tronçon de canalisation litigieux fait partie du réseau qui collecte les eaux usées des immeubles d'habitation riverains de la rue de Nancy et de la zone d'activités de la commune. Sa mise hors service nécessiterait, pour maintenir l'acheminement des eaux usées depuis l'impasse de Nancy, de coûteux travaux de dévoiement du collecteur sur plusieurs centaines de mètres et de construction d'un poste de refoulement.

13. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le refus de la commune de procéder à la suppression de l'ouvrage et à la remise en état des lieux est entaché d'illégalité.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Woustviller qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. E... réclame au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. E... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Woustviller au titre de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : M. E...versera à la commune de Woustviller une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E...et à la commune de Woustviller.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 16NC00556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00556
Date de la décision : 09/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-03-02-08-02-01 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Liberté individuelle, propriété privée et état des personnes. Propriété. Emprise irrégulière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : M et R AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-02-09;16nc00556 ?
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