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23/05/2017 | FRANCE | N°15NC02513

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 mai 2017, 15NC02513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de région Alsace a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la désignation par le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires de M. C...A...en qualité de délégué syndical, intervenue le 8 octobre 2014.

Par un jugement n° 1405521 du 2 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist

rée le 21 décembre 2015 et un mémoire enregistré le 21 mars 2017, la chambre de commerce et d'in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de région Alsace a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la désignation par le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires de M. C...A...en qualité de délégué syndical, intervenue le 8 octobre 2014.

Par un jugement n° 1405521 du 2 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2015 et un mémoire enregistré le 21 mars 2017, la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Alsace, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la désignation de M. C...A...en qualité de délégué syndical CFE-CGC réseaux consulaires du 8 octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge du syndicat CFE-CGC réseaux consulaires le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge administratif est compétent pour se prononcer sur sa demande ;

- le président de la CCI a qualité pour agir en justice ;

- le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires ne pouvait pas désigner M. A...comme délégué syndical dès lors qu'en application de l'article L. 2143-3 du code du travail, une telle désignation est subordonnée aux conditions que ce syndicat recueille 10 % au moins des suffrages exprimés à l'issue des dernières élections professionnelles et qu'il dispose d'une section syndicale au sein de l'établissement à la date de désignation du délégué.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 26 avril 2017, le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires et M. C...A..., représentés par Me Bellanger, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la CCI Alsace au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en application de l'article L. 2143-8 du code du travail, les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux relèvent de la seule compétence du juge judiciaire ;

- l'administration ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail, qui sont inapplicables en l'espèce ;

- la désignation de M. A...est régulière dès lors qu'en application de la décision de la commission paritaire nationale du 6 décembre 1984, le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires est représentatif au niveau national et dispose d'une section syndicale au sein de la CCI ;

- en tout état de cause, la désignation litigieuse respecte les conditions requises par les dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 ;

- la décision de la commission paritaire nationale du 6 décembre 1984, confirmée par une délibération de cette commission en date du 30 septembre 1998 ;

- la décision de la commission paritaire nationale du 19 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour la CCI Alsace, et de MeE..., pour le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires et M.A....

1. Considérant qu'à la suite des élections à la commission paritaire régionale de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Alsace, les 19 mars et 11 avril 2013, la présidente du syndicat CFE-CGC réseaux consulaires a informé le président de ladite chambre, par un courrier du 8 octobre 2014, de la désignation de M. C...A...en tant que délégué syndical ; que la CCI Alsace relève appel du jugement du 2 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette désignation comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'en application de l'article L. 710-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 23 juillet 2010, les chambres de commerce et d'industrie de région sont des établissements publics placés sous la tutelle de l'Etat et administrés par des dirigeants d'entreprise élus ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle " ; qu'aux termes du III de l'article 40 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services : " Les agents de droit public sous statut employés par les chambres de commerce et d'industrie territoriales, à l'exception de ceux employés au sein de leurs services publics industriels et commerciaux, sont transférés à la chambre de commerce et d'industrie de région, qui en devient l'employeur, au 1er janvier 2013. Des commissions paritaires régionales auprès des chambres de commerce et d'industrie de région sont instituées dans les conditions prévues par la commission paritaire nationale, au plus tard dans un délai de six mois après le transfert des agents de droit public à la chambre de commerce et d'industrie de région au 1er janvier 2013 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'elles instituent, en lieu et place des commissions paritaires locales, des commissions paritaires régionales pour chaque chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 et de l'article 10 de la loi du 23 juillet 2010 que la commission paritaire nationale a été habilitée par le législateur à adopter le statut des CCI et à prévoir les conditions d'institution des commissions paritaires régionales ; que la décision du 19 décembre 2012 de la commission paritaire nationale modifiant le statut du personnel administratif des CCI prévoit, par son article 6.2.1, que l'ensemble des personnels des services industriels et commerciaux gérés par les CCI sont exclus du calcul des effectifs des agents électeurs et éligibles aux commissions paritaires régionales ;

4. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de la CCI Alsace comme portée devant un ordre de juridiction incompétent au motif que la désignation de M. A...comme délégué syndical constituait une décision prise par une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée de l'exécution d'une mission de service public, et ne révélant au surplus ni la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, ni l'existence d'un acte réglementaire d'organisation du service ;

5. Considérant que les délégués syndicaux au sein de la CCI de région sont désignés par les organisations syndicales qui, ainsi qu'il sera dit au point 12 ci-après, sont regardées comme représentatives au regard des résultats obtenus aux dernières élections à la commission paritaire régionale ; qu'il résulte des dispositions de l'article 6.2.1 de la décision de la commission paritaire nationale du 19 décembre 2012 que tant les agents composant le collège électoral à la commission paritaire régionale que les agents éligibles sont exclusivement des agents statutaires de droit public ; qu'eu égard à la nature administrative de la CCI de région dont les agents ont un statut de droit public, les litiges relatifs à la désignation des délégués syndicaux au sein de cet établissement relèvent de la compétence de la juridiction administrative, quand bien même l'initiative de cette désignation revient à une personne morale de droit privé dépourvue de toute mission de service public, tel un syndicat ;

6. Considérant, en second lieu, qu'en application de l'article L. 2143-8 du code du travail, qui figure au livre premier de la deuxième partie de ce code : " Les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels sont de la seule compétence du juge judiciaire (...) " ; que toutefois, l'article L. 2111-1 qui figure également au livre premier de la deuxième partie de ce code précise que " Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. / Elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé (...) " ;

7. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, les agents électeurs et éligibles à la commission paritaire régionale de la CCI Alsace sont des agents statutaires de droit public ; que par suite et en tout état de cause, les dispositions du livre premier de la deuxième partie du code du travail, dont l'article L. 2143-8 de ce code, ne trouvent pas à s'appliquer à la contestation, par la CCI Alsace, de la désignation de M. A... comme délégué syndical ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CCI Alsace est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la CCI Alsace devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la recevabilité de la demande de la CCI Alsace :

9. Considérant que la CCI Alsace a produit à l'instance la délibération du 10 janvier 2011 par laquelle son assemblée générale a donné tout pouvoir à M. Jean-Louis Hoerlé, président de la chambre, pour ester en justice ; qu'ainsi, la fin de non recevoir opposée par le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

10. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2111-1 du code du travail, citées au point 6 ci-dessus, que, contrairement à ce que soutient la CCI Alsace, les dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail fixant les conditions de désignation des délégués syndicaux dans les entreprises ne s'appliquent pas aux CCI de région ;

11. Considérant, d'autre part, que par une décision du 30 septembre 1998, la commission paritaire nationale des chambres de commerce et d'industrie a " maintenu en vigueur " une décision du 6 décembre 1984 fixant les règles relatives à l'exercice des droits syndicaux dans les chambres de commerce et d'industrie ; que si la CCI Alsace soutient que la décision du 6 décembre 1984 est en réalité une circulaire du ministre chargé du commerce, lequel est incompétent pour réglementer l'exercice du droit syndical dans les chambres de commerce et d'industrie, la commission paritaire nationale doit être regardée comme en ayant repris l'ensemble des dispositions par sa décision du 30 septembre 1998 ; qu'aux termes du III de la décision du 6 décembre 1984, confirmée par la commission paritaire nationale : " Chaque syndicat représentatif ayant constitué une section syndicale dans la chambre de commerce et d'industrie désigne, selon les effectifs de la chambre, un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès du président de la compagnie consulaire ou de ses représentant " ;

12. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 712-11 du code de commerce : " I - La représentativité des organisations syndicales des établissements du réseau des chambres de commerce et d'industrie est déterminée d'après les critères de l'article L. 2121-1 du code du travail, sous réserve des dispositions du présent article relatives à la mesure de l'audience. (...) III - Sont représentatives auprès d'un établissement du réseau des chambres de commerce et d'industrie les organisations syndicales ayant recueilli le seuil d'audience prévu à l'article L. 2122-1 du code du travail, mesuré à partir des résultats obtenus aux élections à la commission paritaire de l'établissement. (...) " ; que le seuil d'audience prévu à l'article L. 2122-1 du code du travail est fixé à 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires n'a présenté aucun candidat lors des élections à la commission paritaire régionale de la CCI Alsace des 19 mars et 11 avril 2013 ; qu'ainsi, l'organisation syndicale ne remplit pas, au sein de cet organisme, la condition d'audience fixée par les dispositions combinées du III de l'article L. 712-11 du code de commerce et de l'article L. 2122-1 du code du travail lui permettant d'être regardée comme une organisation syndicale représentative ; qu'à cet égard, le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires ne saurait se prévaloir des dispositions de la décision du 6 décembre 1984, selon lesquelles tout syndicat représentatif au niveau national est considéré comme tel dans chacune des chambres de commerce et d'industrie, qui sont contraires sur ce point aux dispositions fixées par le législateur, lesquelles subordonnent la représentativité d'une organisation syndicale auprès d'un établissement du réseau à l'audience qu'elle a obtenue aux dernières élections à la commission paritaire de cet établissement ; que, par suite, en l'absence de représentativité auprès de la CCI Alsace, le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires ne pouvait y désigner M. A...comme délégué syndical ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, que la CCI Alsace est fondée à demander l'annulation de la désignation de M. A...par le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires en qualité de délégué syndical au sein de l'établissement ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCI Alsace, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires et M. A... demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat CFE-CGC réseaux consulaires le versement de la somme que la CCI Alsace demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1405521 du 2 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La désignation, par le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires, de M. C...A...en qualité de délégué syndical auprès de la chambre de commerce et d'industrie de région Alsace est annulée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de région Alsace, au syndicat CFE-CGC réseaux consulaires et à M. C... A....

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N° 15NC02513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02513
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Problèmes particuliers posés par certaines catégories de services publics - Service public administratif.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Droit syndical.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP ALEXANDRE LEVY KAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-23;15nc02513 ?
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