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30/06/2017 | FRANCE | N°16NC02365

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2017, 16NC02365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Ardennes a rejeté la demande de titre de séjour qu'il avait présentée le 27 juillet 2015.

Par un jugement n° 1600141 du 28 septembre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2016, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600141 du 28 septembre 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Ardennes a rejeté la demande de titre de séjour qu'il avait présentée le 27 juillet 2015.

Par un jugement n° 1600141 du 28 septembre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2016, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600141 du 28 septembre 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Ardennes a rejeté la demande de titre de séjour qu'il avait présentée le 27 juillet 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention salarié dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B... soutient que :

- le préfet des Ardennes était bien compétent pour examiner sa demande car il n'a pas quitté le département ;

- la décision n'est pas motivée ;

- il remplit les conditions fixées par la circulaire du 28 novembre 2012 pour être admis exceptionnellement au séjour en qualité de salarié ;

- le préfet n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments qu'il a développés s'agissant de son travail ;

- le préfet a commis une erreur de droit en écartant sa demande au seul motif que l'emploi d'agent de sécurité ne figure pas dans la liste des métiers en tension alors qu'il sollicitait une admission exceptionnelle au séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2017, le préfet des Ardennes conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant malien, né le 11 septembre 1985, est entré en France le 17 septembre 2010 sous couvert d'un visa de long séjour " étudiant ". Il s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui a ensuite été renouvelé jusqu'à ce que, le 3 janvier 2014, le sous-préfet de Reims lui notifie un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Le 27 juillet 2015, M. B... a présenté au préfet des Ardennes une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre d'une activité salariée. Le préfet n'a pas répondu à cette demande, ce qui a fait naître une décision implicite de rejet.

2. M. B... relève appel du jugement du 28 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Par une décision du 6 février 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à une admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet des Ardennes a fait valoir dans son mémoire en défense qu'il a rejeté la demande de M. B...aux motifs, d'une part qu'il n'était pas territorialement compétent pour statuer et, d'autre part, que le métier d'agent de sécurité, pour lequel le requérant a présenté un contrat de travail à durée indéterminée en vue d'obtenir une autorisation de travail, ne figure pas sur la liste relative à la région Champagne-Ardennes, à laquelle fait référence l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisé, pris pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 313-10, auquel renvoie l'article L. 313-14.

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police (...) ".

6. Si M.B..., alors employé de la société La Marlière, avait un domicile à Reims et effectuait des séjours dans sa famille à Toulouse, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'attestation d'un des responsables de la société, qu'il disposait d'un logement au-dessus de l'établissement exploité par la société La Marlière dans les Ardennes. Par conséquent, sa demande de titre de séjour relevait de la compétence du préfet des Ardennes.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

8. Les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version antérieure à la loi du 16 juin 2011, limitaient le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission était sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national. L'article 27 de la loi du 16 juin 2011 a supprimé la condition relative à l'exercice d'une activité dans un métier connaissant de telles difficultés (Conseil d'Etat, 19 janvier 2015, n° 375373).

9. Dès lors, le préfet des Ardennes ne pouvait pas légalement rejeter la demande de M.B..., tendant à son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14, au seul motif que l'emploi d'agent de sécurité ne figure pas dans la liste des métiers en tension annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet des Ardennes a rejeté sa demande de titre de séjour. Par conséquent, le requérant est fondé à demander l'annulation du jugement et de la décision en cause.

Sur l'injonction et l'astreinte :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Enfin, aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

12. Eu égard aux motifs d'annulation indiqués aux points 6 et 9, le présent arrêt n'implique pas que le préfet des Ardennes prenne une décision dans un sens déterminé, mais seulement qu'il se prononce à nouveau sur la demande de M. B...sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a donc lieu de lui adresser une injonction en ce sens. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. A...B....

Article 2 : Le jugement n° 1600141 du 28 septembre 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 3 : La décision implicite par laquelle le préfet des Ardennes a rejeté la demande de titre de séjour présentée le 27 juillet 2015 par M. B...est annulée.

Article 4 : Il est enjoint au préfet des Ardennes de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

2

N° 16NC02365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02365
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DAVID-ESPOSITO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-06-30;16nc02365 ?
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