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04/07/2017 | FRANCE | N°16NC00242

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2017, 16NC00242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Besançon, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 66 637,20 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis dans le cadre de la liquidation de sa pension de retraite.

Par un jugement n° 1301719 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 février 2016

et 6 mars 2017, M. C... A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Besançon, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 66 637,20 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis dans le cadre de la liquidation de sa pension de retraite.

Par un jugement n° 1301719 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 février 2016 et 6 mars 2017, M. C... A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 décembre 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 66 637,20 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2013, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis dans le cadre de la liquidation de sa pension de retraite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur sa demande d'indemnisation tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ;

- l'administration a manqué à son devoir d'information et de conseil en omettant de lui préciser les conséquences, sur le montant de ses droits à pension de fonctionnaire, de la validation de services accomplis en qualité d'auxiliaire pendant huit trimestres ;

- il subit un préjudice anormal et spécial dès lors qu'ayant versé une cotisation plus importante que d'autres citoyens placés dans une situation similaire à la sienne, il bénéficie de droits à pension moins élevés en raison de l'opération de rachat de trimestres ;

- la perte de dix-neuf trimestres au titre du régime général lui a fait perdre le bénéfice de la surcote pour le calcul de sa pension de retraite de fonctionnaire, correspondant à 159,31 euros par mois ;

- la réduction du nombre de trimestres au titre du régime général entraîne une perte mensuelle de 25,18 euros sur la pension servie par ce régime ;

- le montant de son préjudice financier s'établit, eu égard à son espérance de vie et à la revalorisation de sa pension sur la base de 1,5 % par an, à la somme totale de 56 859,20 euros ;

- il a droit au remboursement de la somme de 4 508 euros correspondant au rachat litigieux de trimestres en qualité d'auxiliaire, qui a eu un effet défavorable sur ses droits à pension ;

- il subit un préjudice moral évalué à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2017, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M.A..., né le 10 janvier 1948, professeur certifié de sciences physiques, a sollicité, le 16 décembre 2008, la validation de services auxiliaires effectués entre 1965 et 1976, avant sa nomination comme fonctionnaire titulaire, en vue de la liquidation de sa pension de retraite à venir ; que le 10 décembre 2009, le recteur de l'académie de Besançon a informé l'intéressé de la durée de ces services susceptibles d'une validation, correspondant à huit trimestres, et du montant des retenues rétroactives en résultant, en lui accordant un délai d'un an pour confirmer sa demande ou y renoncer ; que le 25 janvier 2010, M. A... a décidé de confirmer sa demande de validation et un titre de perception a été émis à son encontre le 29 juin 2010 pour un montant de 4 508 euros ; que M. A...ayant demandé son admission à la retraite à compter du 1er octobre 2011, il a reçu un décompte estimatif de ses services au vu duquel il a constaté que la validation de ses services auxiliaires avait eu pour effet de réduire sa durée d'assurance de dix-neuf trimestres au titre du régime général et, par voie de conséquence, de lui faire perdre le bénéfice de la surcote pour le calcul de sa pension de fonctionnaire ; que M. A...a recherché la responsabilité de l'Etat devant le tribunal administratif de Besançon en vue d'obtenir la réparation des préjudices résultant selon lui d'un manquement de l'administration à son obligation d'information ; qu'il relève appel du jugement du 8 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, dans son mémoire présenté devant les premiers juges le 5 mai 2015, M. A... soutenait notamment, à l'appui de sa demande indemnitaire, que la responsabilité de l'Etat était engagée à raison de la rupture d'égalité devant les charges publiques dont il s'estimait victime ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Besançon ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant que si M. A...soutient que sa pension de fonctionnaire est d'un montant moins élevé que celle qui serait servie à un agent d'une ancienneté équivalente mais dont les services d'auxiliaire n'auraient pas été validés, cette circonstance résulte de sa décision personnelle de procéder à une telle validation, prise en vertu de dispositions applicables à l'ensemble des agents de la fonction publique ; que dans ces conditions, il ne saurait se prévaloir d'une rupture d'égalité devant les charges publiques ;

5. Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que M. A...a présenté le 15 décembre 2008 une demande de validation de ses services auxiliaires après avoir consulté une brochure intitulée " Retraite des fonctionnaires, Guide pratique " destinée à préparer les agents publics à leur retraite ; que si ce document fait état, notamment, de la possibilité de valider les services accomplis comme non titulaire en vue de la liquidation de la pension de fonctionnaire et rappelle les principes concernant les coefficients de minoration et de majoration, dits de décote et de surcote, susceptibles de s'appliquer au montant de la pension en fonction de la durée d'assurance accomplie par l'agent tous régimes confondus, il ne comporte aucune précision sur les conséquences éventuelles d'une telle validation sur la durée d'assurance, alors que le nombre de trimestres validés au titre de la pension de fonctionnaire peut entraîner une réduction d'un nombre plus important de trimestres au titre du régime général eu égard aux règles de calcul propres à ce régime ; que le projet de décision de validation des services auxiliaires adressé à M. A...le 10 décembre 2009, s'il détaille les périodes validées et précise le coût de cette validation, ne comporte aucune mention appelant l'attention du destinataire sur les effets susceptibles d'en résulter quant à la durée d'assurance et, par suite, au montant de la pension ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'après avoir reçu ce projet, le requérant a contacté le service gestionnaire du rectorat afin d'obtenir des renseignements sur le montant de sa pension une fois ses services auxiliaires validés ; que le service s'est alors borné à lui répondre qu'il pouvait procéder lui-même à ce calcul ; que si l'administration n'a transmis aucun renseignement erroné à M.A..., ni omis de lui communiquer des éléments de la caisse de retraite indiquant le nombre de trimestres supprimés au titre du régime général, l'absence de toute information sur les conséquences possibles d'une validation de ses services sur la durée d'assurance et, par voie de conséquence, sur le montant de sa pension de fonctionnaire, qui aurait pu alerter l'intéressé et l'inciter à s'informer davantage notamment auprès de la caisse de retraite, révèle une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

6. Considérant, par ailleurs, qu'en acceptant, dès le 25 janvier 2010, la proposition de validation du 10 décembre 2009, alors qu'il disposait d'une année pour vérifier la portée des informations y figurant, le requérant a lui-même commis une imprudence fautive de nature à réduire de moitié la responsabilité incombant à l'Etat ;

Sur l'évaluation du préjudice :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A...aurait pu prétendre, en l'absence de validation de ses services d'auxiliaire, à une pension mensuelle brute, au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'un montant de 2 657,31 euros, au lieu d'une pension de 2 498 euros, représentant ainsi une perte mensuelle d'un montant brut de 159,31 euros ; que le montant de la perte de revenus dont l'intéressé peut obtenir réparation correspond aux revenus nets qu'il a perdus, qu'il y a donc lieu d'évaluer à un montant net mensuel de 145 euros, soit 1 740 euros par an depuis le départ à la retraite du requérant le 1er octobre 2011 ; qu'eu égard à l'espérance de vie de M.A..., évaluée à 82 ans, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en évaluant ses pertes de revenus à 33 350 euros, montant qu'il y a lieu de porter à 35 000 euros afin de tenir compte des mesures de revalorisation des pensions de retraite ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...aurait pu également prétendre, en l'absence de validation, à une pension servie au titre du régime général pour un montant mensuel brut de 41,08 euros, alors qu'il ne perçoit qu'une somme de 15,90 euros ; que la perte de revenus, d'un montant mensuel brut de 25,18 euros, peut être évaluée à un montant mensuel net de 23 euros, soit un montant annuel net de 276 euros ; qu'eu égard à la date de départ à la retraite du requérant et à son espérance de vie, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 5 290 euros, montant qu'il y a lieu de porter à 5 500 euros afin de tenir compte des mesures de revalorisation ;

9. Considérant, en troisième lieu, que M. A...ne saurait obtenir le remboursement des retenues rétroactives de cotisations qu'il a versées en vue de la validation de ses services auxiliaires, dès lors qu'en application de l'article D. 2 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'acceptation de sa demande de validation constitue un choix irrévocable ; qu'il ne saurait non plus obtenir une indemnisation à ce titre, alors qu'il est indemnisé par ailleurs des pertes de revenus induites par cette validation ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. A...à raison des désagréments résultant des renseignements incomplets qui lui ont été fournis, en l'évaluant à 2 000 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et compte tenu de la part de responsabilité laissée à la charge de M.A..., qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de son préjudice en condamnant l'Etat à lui verser une somme totale de 21 250 euros ;

Sur les intérêts :

12. Considérant qu'il y a lieu d'assortir la somme de 21 250 euros des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2013, date à laquelle le requérant a demandé son indemnisation devant le tribunal administratif de Besançon ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n°1301719 du 8 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A...la somme de 21 250 (vingt-et-un mille deux cent cinquante) euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2013.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande présentée devant les premiers juges et des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'éducation nationale.

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N° 16NC00242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00242
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique. Renseignements.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BEVALOT et DUFOUR-COEURDASSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-07-04;16nc00242 ?
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