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26/09/2017 | FRANCE | N°16NC00353

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 26 septembre 2017, 16NC00353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 juin 2015 par lequel le préfet de la Marne lui a prescrit l'obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1501205 du 18 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2

016, M. A..., représenté par Me Jeannot demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 juin 2015 par lequel le préfet de la Marne lui a prescrit l'obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1501205 du 18 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2016, M. A..., représenté par Me Jeannot demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 15 juin 2015 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot de la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge de renonciation par cette avocate au bénéfice de la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- la décision d'obligation de quitter le territoire est intervenue en méconnaissance de son droit à être entendu tel que reconnu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne alors qu'il n'avait présenté aucune demande de titre de séjour et pouvait faire valoir des éléments d'ordre médical ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen préalable ce que révèle l'absence d'indication relative à son état de santé dans l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté attaqué méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que le préfet n'a pas vérifié la disponibilité des soins dans son pays d'origine ni leur accessibilité, et n'a en particulier pas sollicité l'avis médical prévu à l'article R. 313-22 du même code ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ;

- elle n'est pas motivée en fait et en particulier s'agissant des risques qu'il encourt en cas de retour en Arménie ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2016, le préfet de la Marne conclut :

1°) à titre principal, à ce qu'il n'y ait plus lieu de statuer sur la requête, le requérant ayant finalement accepté d'exécuter l'obligation de quitter le territoire en prenant place le 6 août 2015 sur un vol en direction de son pays d'origine ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Kolbert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant arménien né le 9 juin 1966, est entré irrégulièrement en France le 9 octobre 2002 et y a déposé, entre cette date et le 26 novembre 2009, quatre demandes d'asile politique, toutes rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées, pour trois d'entre elles, par la Commission de recours des réfugiés et la Cour nationale du droit d'asile, en dernier lieu par une décision du 31 janvier 2011 ; que de même, il a déposé, depuis l'année 2010, plusieurs demandes de titre de séjour, notamment en qualité d'étranger malade, mais sans jamais compléter les dossiers alors déposés en dépit des demandes formulées par les services préfectoraux saisis ; qu'en dernier lieu, il s'est présenté, le 2 juin 2015, à la préfecture de la Marne pour y former une demande de titre de séjour dont il a obtenu récépissé, lequel était assorti d'une convocation à se présenter à nouveau le 15 juin 2015 ; qu'ayant déféré à cette convocation, il a reçu notification d'un arrêté du 15 juin 2015 par lequel le préfet de la Marne lui a prescrit l'obligation de quitter sans délai le territoire français, en désignant l'Arménie comme pays de destination ; que M. A...relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, que si le préfet de la Marne fait valoir, sans d'ailleurs l'établir, que M. A...aurait finalement décidé de quitter le territoire et obtenu à cet effet, un titre de transport aérien qu'il aurait utilisé le 4 août 2015, cette circonstance n'est pas de nature à priver d'objet la requête d'appel ; qu'ainsi, il y a toujours lieu de statuer sur cette dernière ;

3. Considérant, en second lieu, que l'arrêté obligeant M. A...à quitter le territoire français a été pris sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa rédaction alors applicable et aux termes duquel : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des écritures du préfet de la Marne que M. A...s'est présenté en préfecture le 2 juin 2015 pour y demander un titre de séjour, en se prévalant notamment de son état de santé et qu'il a été invité à se représenter le 15 juin 2015 pour y fournir des documents complémentaires ; qu'il produit à l'instance des certificats médicaux relatifs à cet état de santé, et datés respectivement des 21 janvier, 25 mars, 8 avril et 9 juin 2015 ; que le préfet, qui se borne à soutenir que l'intéressé n'avait jamais, au cours de ses demandes antérieures, fourni les éléments nécessaires à leur instruction, tout en se référant à des documents dans lesquels ses services avaient alors relevé l'absence de production de documents originaux ou du passeport de l'intéressé, ne conteste pas qu'il était ainsi nécessairement informé, à la date de l'arrêté attaqué, de l'existence et du contenu des certificats mentionnés ci-avant ; que l'arrêté du 15 juin 2015 ne comporte toutefois aucune indication relative à la demande de M.A..., à la situation qui l'a motivée ou à la possibilité d'envisager, à cet égard, la régularisation de son séjour ; que dans ces conditions, et alors même que l'intéressé ne pouvait justifier de son entrée régulière sur le territoire, treize ans plus tôt ni de la régularité de son séjour, le préfet doit être regardé, en prenant directement à son égard une obligation de quitter sans délai le territoire français, comme n'ayant pas procédé à un examen complet de sa situation individuelle et comme ayant, ce faisant, commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2015 l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, et par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination d'une telle mesure ;

6. Considérant que le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., implique seulement le réexamen de sa situation, sans qu'il soit nécessaire qu'il soit pourvu d'une autorisation provisoire de séjour, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A...soit aujourd'hui présent sur le territoire français ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Marne de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

7. Considérant que M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jeannot, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette dernière de la somme de 1500 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1501205 du 18 juin 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 15 juin 2015 par lequel le préfet de la Marne a fait obligation à M. A...de quitter sans délai le territoire français et fixé son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Jeannot, avocate de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

5

N° 16NC00353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00353
Date de la décision : 26/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-09-26;16nc00353 ?
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