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14/11/2017 | FRANCE | N°16NC01576

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 14 novembre 2017, 16NC01576


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 17 mars 2015 par lequel le maire de la commune d'Omont a ordonné le placement de quatre chiens lui appartenant auprès d'une association de protection animale, de condamner la commune à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral et de lui rembourser les frais afférents aux opérations de garde, de surveillance sanitaire et d'euthanasie qu'il pourrait éventuellement être a

mené à régler.

Par un jugement n° 1501467 du 14 avril 2016, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 17 mars 2015 par lequel le maire de la commune d'Omont a ordonné le placement de quatre chiens lui appartenant auprès d'une association de protection animale, de condamner la commune à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral et de lui rembourser les frais afférents aux opérations de garde, de surveillance sanitaire et d'euthanasie qu'il pourrait éventuellement être amené à régler.

Par un jugement n° 1501467 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016, M. B...C..., représenté par

MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 avril 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2015 par lequel le maire de la commune d'Omont a placé les animaux qui lui appartiennent auprès d'une association de protection animale ;

3°) de condamner la commune d'Omont à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ;

4°) de condamner la commune d'Omont à lui rembourser les frais afférents aux opérations de garde, de surveillance sanitaire et d'euthanasie qu'il pourrait éventuellement être amené à régler ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Omont le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'incompétence dès lors que cette mesure ne relève pas des pouvoirs de police municipale du maire au sens des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et que la situation n'était pas constitutive d'un trouble à la tranquillité publique ;

- le jugement ne pouvait sans contradiction de motifs considérer que les chiens étaient à la fois laissés sans surveillance et enfermés dans des cages ;

- les faits de maltraitance ne sont pas établis ;

- il a, du fait de l'illégalité de l'arrêté, subi un préjudice matériel et moral ;

- il est également exposé à l'obligation de prendre en charge d'éventuels frais de garde, de surveillance sanitaire et d'euthanasie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2016, la commune d'Omont, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que le requérant lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que

- la requête d'appel est tardive ;

- le maire est compétent pour édicter une mesure de police sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales lorsqu' est caractérisée une urgence à faire cesser les nuisances ;

- l'arrêté est suffisamment motivé ;

- le maire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- la demande de dommages et intérêts doit être rejetée en l'absence de faute.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

1. Considérant qu'après avoir été alerté par deux riverains de l'existence dans sa commune d'un chenil implanté sur un terrain appartenant à M. C...ainsi que des conditions déplorables de détention des animaux, le maire d'Omont a, par un arrêté du 17 mars 2015, ordonné le placement des chiens qui s'y trouvaient auprès de l'association de protection animale Lisa de Charleville-Mézières ; que M. C...demande à la cour l'annulation du jugement du 14 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de la commune à réparer les préjudices résultant de l'illégalité fautive de cette décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Omont :

2. Considérant que le jugement attaqué a été notifié à M. C...le 20 avril 2016 ; que ce dernier a présenté le 9 mai 2016, soit dans le délai d'appel, une demande d'aide juridictionnelle et qu'il a obtenu le bénéfice de cette aide par décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy, le 22 juillet 2016 ; que dans ces conditions, la requête d'appel de M.C..., enregistrée le 22 juillet 2016 par le greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, n'est pas tardive ; que par voie de conséquence la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune d'Omont ne peut qu'être écartée ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2015 :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs " et qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : ... 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que ... les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ... 7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces " (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-4 de ce code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 214-17 du code rural et de la pêche maritime: " Il est interdit à toute personne qui, à quelque fin que ce soit, élève, garde ou détient des animaux domestiques ou des animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité :1° De priver ces animaux de la nourriture ou de l'abreuvement nécessaires à la satisfaction des besoins physiologiques propres à leur espèce et à leur degré de développement, d'adaptation ou de domestication ; 2° De les laisser sans soins en cas de maladie ou de blessure ; 3° De les placer et de les maintenir dans un habitat ou un environnement susceptible d'être, en raison de son exiguïté, de sa situation inappropriée aux conditions climatiques supportables par l'espèce considérée ou de l'inadaptation des matériels, installations ou agencements utilisés, une cause de souffrances, de blessures ou d'accidents ; 4° D'utiliser, sauf en cas de nécessité absolue, des dispositifs d'attache ou de contention ainsi que de clôtures, des cages ou plus généralement tout mode de détention inadaptés à l'espèce considérée ou de nature à provoquer des blessures ou des souffrances./ Les normes et spécifications techniques permettant de mettre en oeuvre les interdictions prévues par les dispositions du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et, lorsqu'il comporte des dispositions spécifiques à l'outre-mer, du ministre chargé de l'outre-mer./ Si, du fait de mauvais traitements ou d'absence de soins, des animaux domestiques ou des animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité sont trouvés gravement malades ou blessés ou en état de misère physiologique, le préfet prend les mesures nécessaires pour que la souffrance des animaux soit réduite au minimum ; il peut ordonner l'abattage ou la mise à mort éventuellement sur place. Les frais entraînés par la mise en oeuvre de ces mesures sont à la charge du propriétaire " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que la police spéciale de la protection des animaux relève du préfet et que, s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale qu'en cas de danger grave ou imminent ;

5. Considérant que, par un arrêté du 17 mars 2015, le maire de la commune d'Omont a ordonné le placement de plusieurs chiens de races malinois et berger allemand, appartenant à M. C..., auprès d'une société de protection animale, au motif que ces animaux étaient l'objet de maltraitances compte tenu de leurs conditions de détention et d'une absence de soins ; que le maire d'Omont qui a entendu ainsi mettre un terme à ces maltraitances n'était toutefois pas compétent pour prendre, ainsi qu'il l'a fait, une telle décision sur le fondement des articles L. 214-23 et R. 214-17 du code rural et de la pêche maritime et que la mesure litigieuse n'est pas davantage au nombre de celles qu'il pouvait prendre sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dans le cadre de ses pouvoirs de police municipale, dès lors que les mauvais traitements envers les animaux ne relèvent ni du bon ordre, ni de la sécurité ou de la salubrité publiques ; qu'il n'est, en outre, pas établi que les animaux saisis se trouvaient en situation de divagation ou qu'ils troublaient la tranquillité publique ; que si la commune se prévaut enfin de la nécessité de prendre d'urgence des mesures de sauvegarde, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation des animaux relevait d'un cas de danger grave ou imminent justifiant l'exécution immédiate de mesures de sûreté au sens des dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; que par suite la décision litigieuse, qui a été prise par une autorité incompétente, ne peut qu'être annulée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2015 ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune :

7. Considérant, d'une part, que si l'illégalité entachant ainsi la décision ayant ordonné le placement des animaux est constitutive d'une faute, une telle faute n'est de nature à engager la responsabilité de la commune que pour autant qu'elle soit directement à l'origine de préjudices subis par le requérant ; que, toutefois, le vice d'incompétence affectant cette décision ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme étant à l'origine des préjudices matériels et moral invoqués par le requérant, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la mesure litigieuse était indispensable pour satisfaire aux impératifs de protection des animaux, qu'elle aurait donc, en tout état de cause, dû être prescrite par le préfet des Ardennes et qu'en outre, la mise à exécution par la gendarmerie de la mesure de placement, s'est opérée, dans le cadre des poursuites également engagées par l'autorité judiciaire, à la suite de la plainte déposée par une association de protection animale ;

8. Considérant, d'autre part, et ainsi qu'il vient d'être dit, que le placement effectif des animaux auprès d'une association de protection animale s'est opéré, dans le cadre des poursuites pénales, sous le contrôle du procureur de la République de Charleville-Mézières et sur le fondement de l'article 99-1 du code de procédure pénale qui dispose notamment que " Les frais exposés pour la garde de l'animal dans le lieu de dépôt sont à la charge du propriétaire " ; qu'ainsi M. C...n'est pas davantage fondé à demander la condamnation de la commune d'Omont à lui rembourser les frais afférents aux opérations de garde, de surveillance sanitaire et d'euthanasie de ses animaux ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par M. C...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 17 mars 2015 du maire d'Omont sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Omont présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et à la commune d'Omont.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

2

N° 16NC01576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01576
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Police.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : LE BORGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-14;16nc01576 ?
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