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30/11/2017 | FRANCE | N°16NC00691

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 16NC00691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Les Tilleuls a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1203530 du 16 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête, enregistrée le 19 avril 2016, la SCI Les Tilleuls demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Les Tilleuls a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1203530 du 16 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2016, la SCI Les Tilleuls demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la vérification de comptabilité a débuté avant l'envoi d'un avis de vérification, puisque l'administration lui a adressé auparavant trois propositions de rectification, des demandes de renseignements, et a exercé un droit de visite et de contrôle sur place ;

- la proposition de rectification du 8 juillet 2009 est insuffisamment motivée ;

- l'achat et la revente de l'immeuble en cause ont été réalisés dans un cadre patrimonial et cette opération ne caractérise pas une activité de marchand de biens au sens du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts ;

- l'administration ne pouvait procéder à une compensation entre la cascade de taxe sur la valeur ajoutée et un profit sur le Trésor, qui n'avait pas été notifié dans la proposition de rectification.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les autres moyens soulevés par la SCI Les Tilleuls ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

1. Considérant que la SCI Les Tilleuls a acquis le 14 septembre 2006 un immeuble à Mulhouse, qu'elle a revendu le 20 décembre 2007 après y avoir entrepris d'importants travaux de rénovation ; que l'administration fiscale a considéré que la société avait réalisé une opération de marchand de biens ; que dans le cadre d'une procédure contradictoire, par une proposition de rectification du 8 juillet 2009, l'administration a rehaussé les bases d'imposition de l'impôt sur les sociétés de la SCI Les Tilleuls au titre des années 2006 à 2007 et a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 janvier 2007 ; que la SCI Les Tilleuls relève appel du jugement du 16 février 2016, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas fait droit à ses demandes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : "L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) " ; que lorsque l'administration fait usage du droit que lui confèrent les dispositions précitées de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable en lui demandant, le cas échéant, des justifications complémentaires, sans toutefois procéder à un examen critique des documents comptables, cette procédure ne peut être assimilée à une vérification de comptabilité ; qu'en revanche, la vérification de comptabilité consiste à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par un contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont le service prend alors connaissance et dont il peut remettre en cause l'exactitude ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 2008 l'administration a procédé à un contrôle sur pièces des déclarations de la SCI Les Tilleuls relatif au montant des dépenses de travaux réalisés sur l'immeuble acquis en 2006 déduites du revenu foncier ; que dans le cadre de ce contrôle, des demandes de justificatifs ont été adressées à la société et un droit de communication a été exercé ; qu'un agent de l'administration a réalisé le 12 juin 2008 à la demande de la société une visite sur place afin d'apprécier la nature et la consistance des travaux ; qu'à l'issue de ce contrôle, une proposition de rectification a été notifiée le 31 juillet 2008, par laquelle l'administration a rehaussé le résultat de la SCI Les Tilleuls et a rectifié le revenu imposable des associés au titre de l'impôt sur le revenu ; que ces opérations de contrôle ne caractérisaient pas un contrôle sur place de la sincérité des déclarations fiscales souscrites par la société requérante, en les comparant avec ses écritures comptables ; que par conséquent, elles ne constituaient pas le début occulte d'une vérification de comptabilité de nature à entacher d'irrégularité la procédure mettant à la charge de la société les impositions en litige ; que dans ces conditions, la vérification de comptabilité relative à la plus-value réalisée lors de la revente de l'immeuble en cause n'a débuté qu'après l'envoi d'un avis le 9 mars 2009 ; que par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure aurait été irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

4. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; que la proposition de rectification du 8 juillet 2009 indique les années d'imposition, les motifs des redressements, le montant des bases d'imposition et celui des droits rappelés ; que l'administration a détaillé avec précision les participations des associés de la SCI Les Tilleuls dans d'autres sociétés, notamment dans l'annexe 1 de la proposition de rectification ; qu'elle a expliqué les conséquences qu'elle en a tirées ; que par suite, la SCI Les Tilleuls a été mise à même de formuler utilement ses observations ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit donc être écarté ;

Sur le bien fondé des impositions :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles... ; / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux... " ; qu'aux termes de l'article 206 de ce code, définissant le champ d'application de l'impôt sur les sociétés : " (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35... " ; qu'aux termes de l'article 256 du même code : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées par un assujetti agissant en tant que tel. (...) " ; qu'aux termes de l'article 257 du même code : " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 6°. Sous réserve du 7° : a) Les opérations qui portent sur des immeubles (...) et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. (...) " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'une société est réputée exercer une activité de marchand de biens si elle réalise de manière habituelle des opérations immobilières procédant d'une intention spéculative ;

6. Considérant d'une part, que la condition d'habitude, à laquelle est subordonnée l'application des dispositions du I de l'article 35 du code général des impôts, s'apprécie en principe en fonction du nombre d'opérations réalisées et de leur fréquence ; que lorsque les associés qui jouent un rôle prépondérant ou bénéficient principalement des activités de la société sont des personnes qui se livrent elles-mêmes, de façon habituelle, à des opérations d'achat et de revente en l'état d'immeubles, la société étant l'un des instruments d'une activité d'ensemble entrant dans le champ d'application du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts, doit être réputée remplie la condition d'habitude posée par ce texte ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que la SCI Les Tilleuls a revendu, quatorze mois après l'acquisition de l'immeuble en cause, les huit lots le composant ; qu'en outre, M. A...B...était gérant et associé de la SCI Les Tilleuls à hauteur de 30 % ; qu'il doit être ainsi regardé comme jouant un rôle prépondérant dans la société ; qu'il est constant que M. B... était également associé et gérant d'autres sociétés commerciales, dont la SARL Horizon, qui avait une activité de marchand de biens, et la SARL Arches dont l'objet social était notamment le négoce de biens immeubles ; qu'au regard des fonctions de M. B...au sein de ces sociétés commerciales, ce dernier se livrait, au travers de ces sociétés, de façon habituelle, à des opérations d'achat et de revente en l'état d'immeubles ; qu'ainsi, la SCI Les Tilleuls était l'un des instruments d'une activité d'ensemble entrant dans le champ d'application du 1° du I de l'article 35 et de l'article 257 du code général des impôts ; que par suite, la SCI Les Tilleuls doit être réputée remplir la condition d'habitude posée par ce texte ;

8. Considérant d'autre part, que l'intention spéculative doit être recherchée à la date d'acquisition par la société des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la SCI Les Tilleuls a acquis un immeuble à Mulhouse le 14 septembre 2006 pour un montant total de 694 600 euros ; que dès le 3 octobre 2006, un descriptif des travaux de rénovation a été établi ; qu'un compromis de vente a été signé le 12 novembre 2007, soit quatorze mois après l'acquisition ; que l'acte de vente a été conclu le 20 décembre 2007 pour un montant de 2 300 000 euros ; que l'opération a été financée par un prêt " in fine " pour une durée de 18 ans, sans aucune assurance de garantie d'emprunt ; qu'aucune demande de subvention d'aide à l'amélioration de l'habitat n'a été formulée par la société malgré le coût des travaux réalisés ; que les sept baux d'habitation ont pris fin entre le 1er novembre 2006 et le 27 novembre 2007 ; que deux locataires ont bénéficié d'une indemnité d'éviction ; qu'une locataire a été relogée par le futur acquéreur de l'immeuble, la SCI Les Tilleuls ayant pris en charge les frais de caution et de déménagement de celle-ci ; que lors de la revente, l'immeuble était libre de tout occupant, à l'exception du local commercial ; que ces évènements successifs, intervenus sur une courte durée entre l'acquisition de l'immeuble et sa vente complète, révèlent que la société requérante avait dès l'origine une intention spéculative ; que par suite, la SCI Les Tilleuls, qui au demeurant ne produit pas ses statuts, n'est pas fondée à soutenir qu'elle a agi dans le cadre de la gestion de son patrimoine ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que l'activité de la société répondant à un objet commercial de marchand de biens, l'administration fiscale a pu estimer à bon droit que les résultats de la société requérante entraient dans le champ d'application des articles 35-I et 257 du code général des impôts ;

11. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande " ; qu'il en résulte que l'administration est fondée à invoquer des insuffisances ou omissions de toute nature pendant l'instruction de la demande laquelle doit s'entendre comme prenant effet au plus tôt à compter de l'examen de la réclamation du contribuable par l'administration et se poursuivant pendant toute la durée du contentieux devant le juge administratif statuant au fond sur le litige ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Les Tilleuls a sollicité à titre subsidiaire dans sa réclamation préalable le bénéfice de la déduction en cascade des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ; que dans sa décision du 30 mai 2012 statuant sur cette réclamation, l'administration a alors effectué sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales la compensation entre la déduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur les résultats soumis à l'impôt sur les sociétés et l'imposition du profit sur le Trésor correspondant dont la société requérante ne conteste pas l'existence ; qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le service aurait constaté l'insuffisance dont il se prévaut, au cours des procédures de contrôle et de rectification, soit avant l'examen de ladite réclamation et se serait volontairement abstenu d'y remédier ; que dès lors, l'absence d'imposition du profit sur le Trésor ne saurait en l'espèce être regardé comme résultant d'une volonté délibérée du service exprimée antérieurement à la réclamation du contribuable de ne pas opérer de redressement sur ce fondement ; que dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a effectué la compensation entre l'insuffisance ainsi constatée en raison de l'absence d'imposition du profit sur le Trésor susmentionné et le droit au bénéfice de la cascade prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Tilleuls n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Les Tilleuls est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SCI Les Tilleuls et au ministre de l'action et des comptes publics.

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N° 16NC00691


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