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23/01/2018 | FRANCE | N°17NC02214

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 23 janvier 2018, 17NC02214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Givet a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, de nommer un expert afin d'examiner l'état des immeubles situés 27 rue du Luxembourg à Givet.

Par une ordonnance n° 1700924 du 11 mai 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

La société Gascogne Flexible, par une requête en tierce oppos

ition, a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de déclarer nulle et non...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Givet a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, de nommer un expert afin d'examiner l'état des immeubles situés 27 rue du Luxembourg à Givet.

Par une ordonnance n° 1700924 du 11 mai 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

La société Gascogne Flexible, par une requête en tierce opposition, a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de déclarer nulle et non avenue l'ordonnance du 11 mai 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, de rejeter la demande d'expertise de la commune de Givet et de dire que ladite ordonnance et le rapport d'expertise lui seront inopposables.

Par jugement n°1700995-1701026 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2017, et des mémoires complémentaires enregistrés les 23 octobre et 20 novembre 2017, la société Gascogne Flexible, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de déclarer non avenue et en tout cas, infondée, l'ordonnance du 11 mai 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de dire que ladite ordonnance et le rapport de l'expert désigné lui seront inopposables ;

4°) subsidiairement, de rejeter la demande de désignation d'un expert formée par la commune de Givet ;

5°) de dire, au cas cette demande d'expertise serait maintenue, que celle-ci devra être ordonnée en sa présence ;

6°) de mettre la société Gascogne hors de cause ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Givet la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance du 11 mai 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a été notifiée à la société Gascogne de même que l'arrêté de péril pris le 19 mai 2017 par la commune à la suite de l'expertise, alors que c'est elle qui est propriétaire des immeubles en litige ;

- l'ordonnance du 11 mai 2017 n'a pas été précédée d'un avertissement du propriétaire et aucun élément ne vient prouver qu'elle a été informée de la saisine du juge des référés et avant que l'expert ne dépose son rapport ;

- l'ordonnance du 11 mai 2017 est mal fondée au regard des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation en ce que l'expertise diligentée n'était pas utile ;

- elle a déposé une demande de permis de démolir les immeubles objets de la présente procédure et la procédure engagée par la commune de Givet n'avait d'autre but que de récupérer le site une fois les travaux réalisés au moindre coût.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2017, la commune de Givet, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de rejeter l'ensemble des demandes de la société Gascogne Flexible ;

2°) de confirmer le jugement du 18 juillet 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de mettre à la charge de la société Gascogne Flexible la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761- du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Gascogne, à laquelle l'avertissement a été envoyé le 8 mai 2017, est la présidente de la société Gascogne Flexible ;

- il ne peut être sérieusement allégué, dans ces circonstances, que la société Gascogne Flexible n'aurait pas été informée conformément aux dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ;

- la société Gascogne Flexible a été informée, avant la clôture des opérations d'expertise, de la procédure qui a été engagée ;

- cette procédure est régulière et opposable à la société Gascogne Flexible ;

- la société Gascogne ne l'a jamais informée de l'identité exacte du véritable propriétaire des immeubles litigieux ;

- la demande d'expertise était parfaitement justifiée ;

- la demande de permis de démolir dont se prévaut la société Gascogne Flexible a été déposée postérieurement à la procédure de péril imminent ;

- l'arrêté de péril du 19 mai 2017 ne se rattache pas en tant que tel à l'exécution de l'ordonnance du 11 mai 2017 qui a uniquement désigné un expert ;

- le moyen tiré de ce que la procédure de péril imminent n'aurait pu être mis en oeuvre dans la mesure où l'incendie à l'origine des désordres trouverait son origine dans des éléments extérieurs aux bâtiments est inopérant ;

- les allégations de la société Gascogne Flexible sur les interprétations de la commune sont sans rapport avec le présent litige et, au demeurant, étayées d'aucune pièce justificative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 2 mai 2017, la présidente de la cour a désigné M. Kolbert, premier vice-président de la cour, comme juge de référés en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. A la demande de la commune de Givet (Ardennes), le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, saisi au titre des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, a, par ordonnance du 11 mai 2017, désigné, sur le fondement de l'article R. 531-1 du code justice administrative, un expert afin de donner un avis sur l'état de deux immeubles cadastrés AP n°124 et 125, situés 27 rue du Luxembourg et dans lesquels s'est produit un incendie le 30 mars précédent, en se prononçant sur la gravité du péril qu'ils présentent et, le cas échéant, en proposant les mesures provisoires de nature à faire cesser le péril. A la suite des opérations d'expertise, le maire de Givet a, le 19 mai 2017, pris un arrêté de péril ordonnant des mesures provisoires pour garantir la sécurité. La société Gascogne Flexible a formé devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne une tierce opposition afin que l'ordonnance du 11 mai 2017 soit déclarée nulle et non avenue. La société Gascogne Flexible interjette appel du jugement du 18 juillet 2017 par lequel, sur renvoi du juge des référés, la formation collégiale du tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé de la tierce-opposition :

2. Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 556-1 du code de justice administrative : " Lorsque le juge administratif est saisi par le maire, sur le fondement de l'article L. 129-3 du code de la construction et de l'habitation ou de l'article L. 511-3 du même code, d'une demande tendant à la désignation d'un expert, il est statué suivant la procédure de référé prévue à l'article R. 531-1. ". Aux termes de l'article R. 531-1 du même code : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction. Il peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Il peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. / Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels. / Par dérogation aux dispositions des articles R. 832-2 et R. 832-3, le délai pour former tierce opposition est de quinze jours. ". Enfin, aux termes de l'article R. 832-1 : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. ".

En ce qui concerne le recours à la procédure de péril :

4. Les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Il reste qu'en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées.

5. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'incendie survenu le 30 mars 2017 puisse être regardé en l'espèce comme un événement extérieur propre à faire obstacle à ce que le maire de Givet use des pouvoirs qu'il détient des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation. L'appelante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés aurait dû rejeter la demande d'expertise présentée par la commune de Givet comme ne relevant pas de cette procédure ni, par suite, que le tribunal administratif aurait dû accueillir, pour ce motif, la tierce opposition dont il était saisi.

En ce qui concerne le respect de la procédure :

6. La validité de l'ordonnance par laquelle le juge des référés ordonne la mesure d'expertise prévue par les dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation n'est pas subordonnée à la justification de ce que les propriétaires de l'immeuble concerné ont été, avant que le juge ne se prononce, informés de la demande d'expertise présentée par le maire.

7. Dans ces conditions, la circonstance que l'avertissement du 8 mai 2017 que le maire a pris l'initiative d'envoyer préalablement à la saisine du juge des référés, ait été adressé non à la société Gascogne Flexible, mais à la société Gascogne SA est sans incidence sur la régularité et le bien fondé de cette ordonnance alors au surplus que la société Gascogne SA est l'actionnaire unique de la société Gascogne Flexible, société par actions simplifiée à associé unique et que les termes du courrier adressé au maire de Givet, le 12 mai 2017, par cette société démontrent que l'ensemble des informations qui ont pu lui être données s'agissant de cette procédure ont nécessairement été portées à la connaissance de la société Gascogne Flexible. Pour les mêmes motifs, la société Gascogne Flexible ne saurait davantage se plaindre du défaut d'avertissement des opérations d'expertise prescrites par cette ordonnance avant l'achèvement de celles-ci.

En ce qui concerne l'utilité de l'expertise :

8. La société Gascogne Flexible soutient que le recours à la procédure prévue par l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation par le maire de Givet ne présentait pas d'utilité dans la mesure où elle avait déposé un permis de démolir concernant les deux immeubles ayant fait l'objet de cette procédure.

9. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, le dossier de ce permis de démolir n'a été officiellement enregistré par la commune que le 17 mai 2017, soit postérieurement à la saisine du juge des référés. A supposer même que le maire de Givet en aurait eu connaissance avant cette saisine, cette circonstance serait sans incidence sur l'appréciation de l'utilité de la mesure d'expertise qui ne dépend que de la caractérisation, à cette date, d'une situation de péril imminent, sans préjuger de la suite qui serait donnée, à l'issue de son instruction, à la demande de permis de démolir. En l'espèce, les pièces du dossier et notamment les clichés photographiques pris pendant et après l'incendie, permettent d'établir que, pour des motifs liés à la sécurité publique, l'état des bâtiments justifiait le recours à la procédure d'urgence prévue par l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation.

10. Si la société Gascogne Flexible fait enfin valoir que la procédure mise en oeuvre masquerait l'intention de la commune de lui faire réhabiliter à ses frais les bâtiments litigieux pour ensuite les récupérer à un moindre coût, ce détournement de pouvoir qu'elle allègue n'est pas corroboré par les pièces du dossier.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Gascogne Flexible n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa tierce opposition formée contre l'ordonnance du 11 mai 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Givet, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame la société Gascogne Flexible au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

13. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Gascogne Flexible le paiement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Givet sur le fondement des mêmes dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Gascogne Flexible est rejetée.

Article 2 : La société Gascogne Flexible est condamnée à verser à la commune de Givet une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Gascogne Flexible et à la commune de Givet.

Fait à Nancy, le 23 janvier 2018

Le juge des référés

Signé : Eric Kolbert

La République mande et ordonne au préfet des Ardennes, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

Le Greffier en chef,

Jean-Pierre Bontemps

6

17NC02214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 17NC02214
Date de la décision : 23/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL AHMED HARIR

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-01-23;17nc02214 ?
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