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06/03/2018 | FRANCE | N°16NC01297

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 16NC01297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 19 juin 2014 par laquelle la ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à la reprise de l'ancienneté acquise dans ses fonctions de militaire et de condamner l'Etat à lui verser la somme correspondant à la différence entre le traitement qu'il aurait dû percevoir et celui qu'il a effectivement perçu, ainsi qu'une indemnité réparant son préjudice moral à raison de 120 euros par mois de retard.

Par un jugement

n° 1402071 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 19 juin 2014 par laquelle la ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à la reprise de l'ancienneté acquise dans ses fonctions de militaire et de condamner l'Etat à lui verser la somme correspondant à la différence entre le traitement qu'il aurait dû percevoir et celui qu'il a effectivement perçu, ainsi qu'une indemnité réparant son préjudice moral à raison de 120 euros par mois de retard.

Par un jugement n° 1402071 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2016, un mémoire complémentaire enregistré le 7 novembre 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 16 août 2017, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 mai 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 juin 2014 rejetant sa demande de reprise d'ancienneté ;

3°) d'enjoindre à la ministre de la justice de le reclasser au 6ème échelon de son grade de lieutenant pénitentiaire, pourvu de l'indice majoré 477 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme correspondant à la différence entre le traitement qu'il aurait dû percevoir et celui qu'il a effectivement perçu ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il résulte du III de l'article 32 du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire que son ancienneté acquise en qualité de militaire sous contrat, assimilable à celle d'agent non titulaire de l'Etat, doit être reprise à l'occasion de son reclassement dans le grade de lieutenant pénitentiaire ;

- ni l'article 32 du décret du 14 avril 2006, ni l'article L. 4139-3 du code de la défense ne subordonnent cette reprise d'ancienneté à la circonstance qu'il ait conservé la qualité de militaire à la date de sa nomination dans son nouveau grade ;

- la décision contestée méconnaît le principe d'égalité dès lors que d'anciens militaires placés dans la même situation que lui ont bénéficié de la reprise d'ancienneté qui lui a été refusée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 17 du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat, ainsi que l'article 32-4 du décret du 14 avril 2006, issu du décret du 17 mai 2017 modifiant les statuts particuliers de divers corps de l'administration pénitentiaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2017, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;

- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;

- le décret n° 2017-1009 du 10 mai 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., radié des cadres de l'armée de terre le 20 septembre 2008 après seize ans de service, a été nommé le 3 octobre 2011 dans un emploi réservé aux militaires et anciens militaires, en qualité d'élève à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire, afin de suivre la formation de lieutenant pénitentiaire ; que, nommé stagiaire le 3 octobre 2012, il a été titularisé le 3 octobre 2013 et classé à cette date au 1er échelon du grade de lieutenant pénitentiaire ; que, par un courrier du 28 mai 2014, M. B...a demandé à bénéficier d'un reclassement prenant en compte ses services militaires ; que, par une décision du 19 juin 2014, la ministre de la justice a rejeté cette demande aux motifs que l'intéressé n'était plus militaire à la date de sa nomination dans la fonction publique civile et que le statut applicable aux lieutenants pénitentiaires ne permet pas de reprise d'ancienneté au titre de ses services militaires ; que le requérant fait appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser les traitements dont il estime avoir été privé du fait du reclassement contesté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 19 juin 2014 :

2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : 1° Aux militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394 ; 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils " ; qu'aux termes de l'article R. 396 du même code, alors applicable : " Le candidat aux emplois réservés bénéficiaire des dispositions des articles L. 397 et L. 398 doit : - remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; - avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 401. / L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 4139-4 du même code : " Durant le détachement prévu aux articles L. 4139-1 à L. 4139-3, le militaire perçoit une rémunération au moins égale à celle qu'il aurait perçue s'il était resté en position d'activité au sein des armées, dans des conditions fixées par décret. Aucune promotion n'est prononcée durant ce détachement et le militaire est radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration ou de sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil " ; qu'en application l'article L. 4139-14 de ce code : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : / 1° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L. 4139-16 et L. 4141-5 (...) / 8° Lors de la titularisation dans une fonction publique, ou dès la réussite à un concours de l'une des fonctions publiques pour les militaires ne bénéficiant pas du détachement prévu au premier alinéa de l'article L. 4139-1, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre " ;

4. Considérant que ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée ; qu'en revanche, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, avant son intégration ou sa titularisation, a, faute d'avoir sollicité son détachement, cessé d'être militaire et a pu, de ce fait, s'il remplissait les conditions d'ancienneté et de service, bénéficier d'une pension militaire de retraite ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., militaire engagé par contrat le 1er août 1992, a été radié des cadres de l'armée le 20 septembre 2008 et, cessant d'être militaire, a ainsi pu bénéficier d'une pension militaire de retraite ; qu'eu égard à la cessation de son état militaire, l'intéressé a été nommé élève lieutenant pénitentiaire le 3 octobre 2011 sans pour autant avoir été détaché dans cet emploi ; qu'ainsi, il ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 4139-3, citées au point 3, qui réservent toute reprise d'ancienneté au seul militaire placé en position de détachement dans l'attente de sa titularisation ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaitrait ces dispositions ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du III de l'article 32 du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, dans sa version alors applicable : " Les lieutenants pénitentiaires qui avaient auparavant la qualité d'agent non titulaire de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics en relevant sont classés à un échelon déterminé en prenant en compte, sur la base des durées fixées à l'article 33 pour chaque avancement d'échelon, une fraction de leur ancienneté de services dans les conditions suivantes : 1° Les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie B sont retenus à raison des trois quarts de leur durée ; 2° Les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie C sont retenus à raison de la moitié de leur durée (...) " ; que ces dispositions limitent le bénéfice des mesures de reclassement prenant en compte les services accomplis en qualité d'agent non titulaire de l'Etat aux seules personnes justifiant de cette qualité à la date de leur nomination dans le grade de lieutenant pénitentiaire ;

7. Considérant que M. B...soutient qu'en sa qualité d'ancien militaire engagé par contrat, il peut prétendre aux mesures de reclassement prévues par les dispositions précitées de l'article 32 du décret du 14 avril 2006 pour les agents non titulaires de l'Etat ; que toutefois, ainsi qu'il a déjà été dit, le requérant a cessé d'exercer ses fonctions de militaire le 20 septembre 2008 et a été nommé élève lieutenant pénitentiaire le 3 octobre 2011 avant d'être titularisé le 3 octobre 2013 ; que cette circonstance, à supposer même que les militaires sous contrat puissent être regardés comme des agents non titulaires de l'Etat, fait obstacle en tout état de cause à l'application des mesures de reclassement prévues par l'article 32 du décret du 14 avril 2006 ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat : " Les corps de fonctionnaires classés dans la catégorie B par leurs statuts particuliers et inscrits par eux en annexe au présent décret relèvent des dispositions de celui-ci (...) " ; que le corps de commandement du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, dont le premier grade est celui de lieutenant pénitentiaire, ne figure pas dans l'annexe du décret du 11 novembre 2009 ; que, dans ces conditions, M. B...ne saurait bénéficier des mesures de reclassement prévues par l'article 17 de ce décret pour les militaires dont les services ne peuvent être pris en compte, lors de leur titularisation, en application des dispositions des articles L. 4139-1, L. 4139-2 et L. 4139-3 du code de la défense ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant ne saurait non plus se prévaloir des mesures de reclassement désormais prévues par l'article 32-4 du décret du 14 avril 2006, issu de l'article 63 du décret du 10 mai 2017 modifiant les statuts particuliers de divers corps de l'administration pénitentiaire, qui n'étaient pas applicables à la date de la décision contestée ;

10. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que des collègues de M.B..., placés dans la même situation que lui, auraient bénéficié d'une reprise d'ancienneté lors de leur nomination dans le grade de lieutenant pénitentiaire est sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui a été prise conformément aux dispositions légales et réglementaires précitées ; que, dès lors, le moyen tiré d'un prétendu manquement au principe d'égalité entre les fonctionnaires ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins de condamnation de l'Etat :

11. Considérant que M. B...n'établit pas que l'administration aurait procédé à son reclassement dans des conditions irrégulières en refusant de prendre en compte ses services militaires ; que, par suite, il ne saurait prétendre au versement des traitements qui résulteraient selon lui d'une reprise d'ancienneté au titre de ces même services ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; qu'il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

2

N° 16NC01297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01297
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-04 Fonctionnaires et agents publics. Changement de cadres, reclassements, intégrations.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : TASSIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-06;16nc01297 ?
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