La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2018 | FRANCE | N°17NC01505

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 18 avril 2018, 17NC01505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 7 avril 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence jusqu'au 26 août 2017, ainsi que la décision du 10 juin 2016 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a fixé les modalités de cette assignation à résidence.

Par un jugement n° 1606184 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 ju

in 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) avant dire droit, de surseoir à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 7 avril 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence jusqu'au 26 août 2017, ainsi que la décision du 10 juin 2016 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a fixé les modalités de cette assignation à résidence.

Par un jugement n° 1606184 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) avant dire droit, de surseoir à statuer et de saisir la juridiction pénale compétente de la question préjudicielle suivante : " La décision d'un juge d'application des peines statuant sur une demande d'aménagement de peine et portant suspension des effets d'une interdiction judiciaire du territoire français prononcée à l'encontre d'un individu emporte-t-elle disparition ou suspension des effets de précédentes interdictions judiciaires du territoire ' " ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 avril 2017 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'intérieur du 7 avril 2016 ainsi que l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 10 juin 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- l'interdiction définitive du territoire prononcée à son encontre le 21 septembre 2010 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Colmar s'est substituée aux mêmes peines déjà prononcées en 1995 et 2001 ;

- l'exécution de l'interdiction définitive du territoire prononcée à son encontre le 21 septembre 2010, qui ne faisait que réitérer les peines déjà prononcées en 1995 et 2001, a été suspendue par le jugement du 2 juin 2015 du juge de l'application des peines ;

- à supposer que l'interdiction définitive du territoire prononcée à son encontre le 21 septembre 2010 ne se soit pas substituée aux mêmes interdictions prononcées en 1995 et 2001, le juge de l'application des peines avait, en tout état de cause, entendu par son jugement du 2 juin 2015 suspendre l'application de ces interdictions ;

- en l'assignant à résidence sur le fondement des deux interdictions judiciaires du territoire prononcées en 1995 et 2001, le ministre de l'intérieur a entaché son arrêté du 7 avril 2016 d'un défaut de base légale ;

- l'illégalité de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 7 avril 2016 emporte l'illégalité de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 10 juin 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mars 2018.

Un mémoire présenté pour le préfet du Bas-Rhin a été enregistré le 15 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 131-30 du code pénal : " Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. / L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. / Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. / L'interdiction du territoire français prononcée en même temps qu'une peine d'emprisonnement ne fait pas obstacle à ce que cette peine fasse l'objet, aux fins de préparation d'une demande en relèvement, de mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir ". L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 5° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorité administrative peut décider l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire prononcée à titre de peine complémentaire et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays.

2. M. B...A..., ressortissant turc, entré sur le territoire français en septembre 1990, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Commission de recours des réfugiés du 26 février 1992. Entre 1994 et 2010, M. A...a fait l'objet de sept condamnations pénales, essentiellement pour trafic de stupéfiants. Le 19 décembre 1995, il a ainsi été condamné par la chambre des appels correctionnels de Paris à une peine de six mois d'emprisonnement pour importation, offre ou cession non autorisée de stupéfiants. De même le 16 août 2001, M. A...a été condamné par le tribunal correctionnel de Mulhouse à une peine de trois ans d'emprisonnement pour acquisition, transport, offre ou cession et importation non autorisée de stupéfiants, usage illicite de stupéfiants et contrebande de marchandise prohibée. Dans ces deux cas, les peines prononcées à l'encontre de M. A...ont été assorties, par application des dispositions précitées de l'article 131-30 du code pénal, d'une interdiction définitive du territoire français. Le 21 septembre 2010, M. A...a de nouveau été condamné par la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Colmar à une peine de neuf ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende notamment pour transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisée de stupéfiants en récidive, contrebande de marchandise prohibée en récidive, importation non déclarée de marchandise dangereuse pour la santé, la moralité ou la sécurité publique. Cette peine était également assortie d'une interdiction définitive du territoire français. A la suite de cette condamnation, M. A...a été placé en détention le 29 mai 2009 avec une date prévisible de libération fixée au 26 août 2016. Par un jugement du 2 juin 2015, le juge de l'application des peines du Tribunal de grande instance de Nancy a, d'une part admis M. A...au régime de la liberté conditionnelle pour la période allant du 17 février 2016 au 26 août 2017, d'autre part conditionné cette mesure à une épreuve de placement extérieur probatoire du 17 août 2015 au 17 février 2016, enfin suspendu jusqu'au 26 août 2017 les effets de la peine d'interdiction du territoire français prononcée par l'arrêt du 21 septembre 2010 de la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Colmar. Par un arrêté du 7 avril 2016, le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décidé l'assignation à résidence de M.A..., tant qu'il n'aura pas la possibilité de déférer à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Par un arrêté du 10 juin 2016, le préfet du Bas-Rhin a organisé les modalités de l'assignation à résidence prononcée par le ministre de l'intérieur. M. A...fait appel du jugement du 27 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

3. Devant les premiers juges, M. A...a soutenu que la décision du 7 avril 2016 du ministre de l'intérieur l'assignant à résidence était dépourvue de base légale dès lors que par son jugement du 2 juin 2015, le juge d'application des peines du tribunal de grande instance de Nancy avait suspendu jusqu'au 26 août 2017 l'exécution de la mesure d'interdiction définitive de territoire français, qui constitue une peine complémentaire, prononcée à son encontre. Le tribunal administratif de Strasbourg a écarté le moyen au motif que les peines d'interdiction définitive du territoire français dont étaient assorties les condamnations prononcées à l'encontre de M. A...en 1995 et 2001 n'avaient pas été suspendues par le jugement du 2 juin 2015 et continuaient ainsi d'être exécutoires.

4 L'interdiction définitive du territoire prononcée à l'encontre de M. A...le 21 septembre 2010 par la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Colmar s'est substituée aux mêmes peines complémentaires déjà prononcées en 1995 et 2001. Le jugement du 2 juin 2015 du juge de l'application des peines ayant suspendu l'exécution de l'interdiction définitive du territoire prononcée le 21 septembre 2010, qui n'avait fait que réitérer les précédentes peines complémentaires, la décision du ministre de l'intérieur du 7 avril 2016 assignant M. A...à résidence, en vue de l'exécution de cette interdiction définitive du territoire, est ainsi dépourvue de base légale. Par voie de conséquence, la décision du 10 juin 2016 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a fixé les modalités de cette assignation à résidence est également dépourvue de base légale.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir le juge d'application des peines d'une question préjudicielle, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 avril 2017 ainsi que les décisions du ministre de l'intérieur du 7 avril 2016 et du préfet du Bas-Rhin du 10 juin 2016 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 17NC01505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01505
Date de la décision : 18/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-04-18;17nc01505 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award