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26/06/2018 | FRANCE | N°16NC02692

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 juin 2018, 16NC02692


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juin 2015 par lequel le président du conseil régional de Lorraine lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours les 19, 24 et 26 juin 2016.

Par un jugement n° 1504431 du 6 octobre 2016, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistr

e le 6 décembre 2016, M. D... A..., représenté par Me C..., demande la cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juin 2015 par lequel le président du conseil régional de Lorraine lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours les 19, 24 et 26 juin 2016.

Par un jugement n° 1504431 du 6 octobre 2016, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2016, M. D... A..., représenté par Me C..., demande la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 6 octobre 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 juin 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la région Lorraine le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la sanction litigieuse a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas pu bénéficier d'un entretien préalable ;

- cette sanction méconnaît le principe " non bis in idem " ;

- l'infraction pour laquelle il a été condamné ne présente aucun lien avec le service ;

- la sanction litigieuse a pour lui des conséquences financières, alors que de telles conséquences ont paru inappropriées au conseil de discipline ;

- cette sanction est motivée par son activité syndicale ;

- l'administration a engagé une action disciplinaire plus d'un an après les faits ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2017, la région Grand Est, laquelle a succédé à la région Lorraine, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de M. A...et de Mme B...pour la région Grand Est.

1. Considérant que M.A..., adjoint technique principal des établissements d'enseignement exerçant les fonctions de cuisinier au lycée Pierre et Marie Curie de Freyming Merlebach, a été condamné, le 26 mai 2014 par le tribunal correctionnel de Sarreguemines, à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir vandalisé le véhicule d'une des enseignantes de l'établissement ; qu'estimant que ces faits étaient de nature à porter atteinte à la réputation de la collectivité, le président du conseil régional de Lorraine a, par un arrêté du 3 juin 2015, infligé à l'intéressé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours ; que M. A... fait appel du jugement du 6 octobre 2016 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que, par un courrier du 26 février 2015, le président du conseil régional de Lorraine a informé M. A...de son intention d'engager une procédure disciplinaire à son encontre en lui précisant les faits reprochés et lui rappelant son droit d'obtenir la communication de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix ; que le rapport disciplinaire était joint à ce courrier ; qu'aucune disposition ne prévoit d'entretien préalable avant que l'autorité compétente ne décide d'engager une procédure disciplinaire ou de prononcer une sanction ; que le requérant, qui a disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance de son dossier et organiser sa défense avant que le conseil de discipline ne se prononce sur sa situation le 2 avril 2015, a été mis à même de présenter ses observations devant cet organe disciplinaire en étant assisté de ses conseils, dont son avocate ; que, par suite, le moyen tiré d'une prétendue méconnaissance des garanties de la procédure disciplinaire doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les procédures pénales et disciplinaires engagées à l'occasion d'un acte ou d'un comportement reprochés à un fonctionnaire ont des objectifs différents et sont indépendantes l'une de l'autre ; qu'ainsi, M. A...ne saurait utilement soutenir faire l'objet d'une mesure disciplinaire à raison de faits identiques à ceux pour lesquels il a été pénalement condamné par le tribunal correctionnel de Sarreguemines ; que le moyen tiré d'une méconnaissance de la règle " non bis in idem " doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait, à la date de l'arrêté contesté, de délai au-delà duquel aucune procédure disciplinaire ne peut plus être engagée à l'encontre d'un fonctionnaire ; que dès lors, le moyen tiré de ce que M. A... a été sanctionné plus d'un an après qu'il a commis les faits reprochés, ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 20 mars 2014, M. A...a dégradé le véhicule d'une enseignante du lycée dans lequel il travaille, en y inscrivant des menaces, puis, le 3 avril 2014, a incendié ce véhicule sur le lieu de résidence de l'intéressée, occasionnant non seulement sa destruction mais également la dégradation d'un autre véhicule et de la clôture arborée d'une résidence ; qu'il a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis pour destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes ; que, quand bien même ils ont été commis en dehors du service, les faits dont M. A...s'est rendu coupable, rapportés par la presse locale et impliquant deux agents du même service, ont porté atteinte à la réputation de son administration ; qu'ils revêtent un caractère fautif et justifient le prononcé d'une sanction disciplinaire ; qu'il n'est pas établi que l'administration aurait sanctionné le requérant en raison de son activité syndicale ; que M. A...ne saurait se prévaloir de ce que le conseil de discipline s'est prononcé pour une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours avec sursis afin de ne pas lui faire subir de perte financière ; qu'en décidant d'exclure M. A...temporairement du service pendant trois jours, l'administration, qui a tenu compte de la gravité des faits commis et des bons états de service de l'intéressé, n'a pas pris à son encontre une sanction disproportionnée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme dont la région Grand Est demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Grand Est présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et à la région Grand Est.

4

N° 16NC02692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02692
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : AF AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-26;16nc02692 ?
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