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19/07/2018 | FRANCE | N°17NC02809-17NC02810

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 19 juillet 2018, 17NC02809-17NC02810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 juin 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1703777 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral contesté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 novembre 2017 sous le n° 17NC02809, le préfet d

u Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 juin 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1703777 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral contesté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 novembre 2017 sous le n° 17NC02809, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de MmeB....

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article L. 313-14 du même code n'est pas méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, MmeB..., représentée par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que la cour enjoigne au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et subsidiairement de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

- à ce qu'une somme de 1 500 euros à verser à Me A...soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la circulaire du 28 novembre 2012 peut être utilisée à titre indicatif pour apprécier sa situation ;

- elle remplit les conditions d'une admission exceptionnelle au séjour.

II. Par une requête enregistrée le 22 novembre 2017 sous le n° 17NC02810, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article L. 313-14 du même code n'est pas méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, MmeB..., représentée par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que la cour enjoigne au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et subsidiairement de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

- à ce qu'une somme de 1 500 euros à verser à Me A...soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la circulaire du 28 novembre 2012 peut être utilisée à titre indicatif pour apprécier sa situation ;

- elle remplit les conditions d'une admission exceptionnelle au séjour.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux dossiers par des décisions du 20 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante russe, est entrée irrégulièrement en France le 27 décembre 2010 selon ses déclarations, avec son époux, également de nationalité russe. Après trois rejets de demande du statut de réfugié et d'une demande d'admission au séjour à titre exceptionnel le 31 août 2015, la requérante a, de nouveau, sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 25 mars 2017, après s'être maintenue irrégulièrement sur le territoire. Par arrêté du 15 juin 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Le préfet forme appel du jugement du 15 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

2. Les requêtes n° 17NC02809 et 17NC020810 présentées par le préfet du Bas-Rhin sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée irrégulièrement en France le 27 décembre 2010 à l'âge de 22 ans pour rejoindre son mari et qu'un enfant est né le 28 janvier 2011 à Strasbourg. Toutefois, les époux se sont séparés en 2014 et par un jugement du 7 novembre 2016 le tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé le divorce au motif que la vie commune avait cessé, en accordant au père de l'enfant un droit de visite et d'hébergement. Il est constant que le mari de la requérante est reparti en Russie. Si Mme B...fait valoir la scolarité de son fils pendant près de quatre ans en France à la date de l'arrêté contesté, il ne s'agit, compte tenu du jeune âge de l'enfant, que d'une scolarité en maternelle. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce que le fils de l'appelante, de nationalité russe comme ses parents, poursuive sa scolarité en Russie où réside son père qui pourra, éventuellement, exercer ses droits de visite et d'hébergement de son fils.

6. Si Mme B...a suivi des cours de français durant deux ans dans une association et a atteint le niveau B1 du cadre européen de référence pour les langues et qu'elle est bénévole dans plusieurs associations, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait tissé en France des liens amicaux ou familiaux d'une intensité telle que le refus de titre de séjour contesté serait de nature à porter atteinte à sa vie privée et familiale. De même la circonstance que l'appelante est inscrite à la faculté de lettres de Strasbourg pour 2016/2017 n'est pas de nature à établir que la décision attaquée porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts de cette décision.

7. Dans ces conditions, alors qu'il n'est pas contesté que Mme B...ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit au titre du 7° de l'article L. 313-11, le préfet du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, qui s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire national, a passé la majeure partie de sa vie en Russie où vit sa mère, n'a pas d'attaches amicales et familiales intenses en France, sauf avec son fils qui pourra repartir avec elle. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté préfectoral contesté.

8. Il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif et la cour.

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

10. Si Mme B...ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 7, la requérante ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant son admission exceptionnelle au séjour.

11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté contesté. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par Mme B...ne peuvent qu'être rejetées.

13. La cour statuant sur la requête n° 17NC02809 tendant à l'annulation du jugement du 15 avril 2017 du tribunal administratif de Strasbourg, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17NC02810 tendant au sursis à exécution de ce jugement.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes 17NC02809 et 17NC02810 sont jointes.

Article 2 : Le jugement n° 1703777 du 7 novembre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17NC02810.

Article 4 : Les conclusions de Mme B...à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Bas-Rhin, à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg.

2

N° 17NC02809 et 17NC02810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02809-17NC02810
Date de la décision : 19/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-19;17nc02809.17nc02810 ?
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