La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2018 | FRANCE | N°17NC00301

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 octobre 2018, 17NC00301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a implicitement rejeté son recours hiérarchique présenté le 10 avril 2015 à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail de Troyes du 11 février 2015 autorisant son licenciement.

Par un jugement n° 1501947 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2017, M. D...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a implicitement rejeté son recours hiérarchique présenté le 10 avril 2015 à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail de Troyes du 11 février 2015 autorisant son licenciement.

Par un jugement n° 1501947 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2017, M. D...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 janvier 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de l'inspecteur du travail de Troyes du 11 février 2015 autorisant son licenciement, ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique.

Il soutient que :

- l'employeur a fait obstacle à l'information du comité d'entreprise de la société SMPA sur la situation économique de cette société et du groupe auquel elle appartient ;

- l'entretien préalable au licenciement a été conduit dans des conditions irrégulières ;

- son licenciement est privé de cause réelle et sérieuse dès lors que l'activité du groupe était viable, que les dirigeants ont fait preuve d'une légèreté blâmable en laissant se dégrader la trésorerie des sociétés françaises du groupe tout en privilégiant celle de la société roumaine et qu'aucune action n'a été entreprise afin de réduire les frais disproportionnés facturés par les sociétés holdings du groupe ;

- l'administration est tenue de vérifier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement externe ;

- le mandataire liquidateur ne justifie pas avoir respecté son obligation de reclassement ;

- il a omis de procéder à un examen particulier de la situation de chaque salarié protégé en se bornant à transmettre une lettre circulaire aux entreprises consultées, accompagnée de la liste des postes supprimés.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2017, la SCP Croizat Barault Maigrot, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Une mise en demeure a été adressée le 13 juin 2017 à la ministre du travail, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 10 juillet 2018, l'instruction a été close à la date du 26 juillet 2018, à 16 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 1er août 2014, le tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société SMPA, qui a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits de menuiserie destinés au secteur du bâtiment. Par un jugement du 30 septembre 2014, le même tribunal a prononcé la conversion de ce redressement en liquidation judiciaire et décidé une poursuite provisoire de l'activité pendant une période de deux mois. En l'absence d'offre de reprise recevable, il a été mis fin à cette poursuite d'activité par un jugement du 23 octobre 2014. Le directeur régional des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne a, par une décision du 6 novembre 2014, homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société SMPA. L'inspecteur du travail de Troyes a, par une décision du 11 février 2015, autorisé le licenciement de M.A..., salarié protégé de l'entreprise. Le recours hiérarchique exercé par l'intéressé le 10 avril 2015 a été implicitement rejeté par la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. M. A...relève appel du jugement du 5 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 avril 2015 et de la décision implicite rejetant son recours hiérarchique.

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

En ce qui concerne la consultation du comité d'entreprise :

2. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise a rendu un avis le 14 janvier 2015 sur le projet de licenciement de M.A.... Ce dernier ne conteste pas les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise s'est ainsi prononcé sur sa situation.

4. Il résulte par ailleurs des articles L. 1235-10 et L. 1233-58 du code du travail que, lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif requérant l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. En revanche, il n'appartient pas à ces autorités d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi et, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi. Par conséquent, à supposer que M. A...ait entendu se prévaloir d'une irrégularité dans la procédure de consultation du comité d'entreprise appelé à se prononcer sur le plan de sauvegarde de l'emploi de la société SMPA, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

5. Si le requérant soutient encore que l'employeur a entravé la mission de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise le 20 février 2014 en vue d'examiner les comptes sociaux de l'année 2013, cette circonstance, à la supposer avérée, est sans rapport avec la procédure de licenciement et, par suite, est sans influence sur la légalité de la décision contestée.

En ce qui concerne le déroulement de l'entretien préalable :

6. En application de l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit convoquer celui-ci, avant toute décision, à un entretien préalable.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été reçu en entretien le 5 janvier 2015 par l'administrateur judiciaire de la société SMPA. Si le requérant fait état de la brièveté de cet entretien, il n'est pas établi que l'administrateur judiciaire se serait refusé à un échange avec le salarié sur l'un des points que celui-ci aurait souhaité aborder. M. A...ne conteste pas non plus que le collègue présent lors de son audition l'assistait dans les conditions prévues par l'article L. 1232-4 du code du travail. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'entretien préalable à son licenciement aurait été conduit dans des conditions irrégulières.

Sur le motif économique du licenciement :

8. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Le licenciement d'un de ces salariés, lorsqu'il est envisagé, ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire. Il ne lui appartient pas, en revanche, de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail.

9. Pour délivrer l'autorisation de licenciement contestée, l'inspecteur du travail a relevé notamment que la société SMPA avait fait l'objet d'un jugement du tribunal de commerce de Troyes du 30 septembre 2014 prononçant sa liquidation judiciaire, puis d'un second jugement du même tribunal du 23 octobre 2014 mettant fin à la poursuite provisoire d'activité et entraînant la cessation totale et définitive d'activité de la société. Si M. A...soutient que les anciens dirigeants de la société SMPA ont, par leur légèreté blâmable, provoqué la faillite de cette société et celle des autres entreprises du groupe dont elle fait partie, il n'appartenait pas à l'inspecteur du travail de se prononcer sur ce point. Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'inspecteur du travail se serait mépris, dans son examen de la demande de licenciement, sur la réalité du motif économique invoqué par l'employeur.

Sur le respect des obligations de reclassement :

10. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

11. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. A ce titre, les entreprises du groupe doivent être regardées comme celles dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

12. Il ressort des pièces du dossier que la liquidation judiciaire de la société SMPA le 30 septembre 2014 a eu pour conséquence la suppression de la totalité de ses effectifs. Cette liquidation s'est accompagnée, à la même date, de celle des huit autres sociétés françaises du groupe Menuiseries Technology auquel appartenait la société SMPA, entrainant la suppression de la totalité des postes existants dans ces entreprises. Par des courriers du 24 octobre 2014, l'administrateur judiciaire de la société SMPA a interrogé les trois sociétés holdings du groupe, Holcop SAS, Holcop II et N2MC, ainsi que la société de droit roumain SIMPE SRL, située à Alba (Roumanie), sur l'existence de postes vacants. A cette correspondance, suivie d'un courrier de relance le 30 octobre 2014, l'administrateur avait joint un tableau comportant la liste non nominative des salariés de la société SMPA classés par catégorie professionnelle et précisant, pour chaque salarié concerné, les fonctions exercées, la situation géographique de son domicile, son âge et son ancienneté. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administrateur judiciaire n'aurait pas procédé à une recherche de reclassement personnalisée du fait de l'envoi de lettres circulaires. Les entreprises sollicitées ont toutes apportées une réponse négative. Il n'est pas établi que d'autres entreprises que celles qui ont été contactées par l'administrateur auraient fait partie du même groupe que la société SMPA. Si M. A...conteste l'absence de poste disponible au sein de la société SIMPE SRL, il ressort des pièces du dossier que cette société a été liquidée par un jugement du tribunal d'Alba du 16 janvier 2015. Ainsi, les sociétés du groupe auquel appartenait la société SMPA ne disposaient d'aucun poste de travail comparable aux fonctions exercées par le requérant. Si ce dernier soutient que l'administrateur judiciaire devait envisager des reclassements externes dans le cadre des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, l'administrateur produit sur ce point des éléments dont il ressort qu'il a entrepris des démarches auprès d'entreprises du secteur, conduisant d'ailleurs à des propositions d'emplois aux salariés licenciés. M. A...invoque encore un manquement aux obligations conventionnelles de reclassement mais n'apporte pas, à l'appui de ses allégations, les précisions qui permettraient d'en apprécier la portée. Par suite, l'inspecteur du travail a pu légalement considérer que l'employeur avait satisfait à l'obligation de recherche de reclassement qui lui incombait au titre des dispositions précitées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à la SCP Croizat Barault Maigrot, mandataire liquidateur de la société SMPA, et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Marino, président de chambre,

- M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

- Mme Haudier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2018.

Le rapporteur,

Signé : J.-M. GUERIN-LEBACQLe président,

Signé : Y. MARINOLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

4

N° 17NC00301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00301
Date de la décision : 23/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : VERDIER MOUCHABAC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-10-23;17nc00301 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award