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13/11/2018 | FRANCE | N°17NC01154

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 17NC01154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 28 octobre 2013 par laquelle la directrice de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de la SARL Pharmacie Maphiba, du n° 6 place Mercier à Besançon au n° 17 de la rue de l'Amitié, dans la même commune, ensemble la décision rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision.

L'EURL Pharmaci

e Gillet, la SARL Pharmacie du stade, la SARL Pharmacie de la Grette, M.B..., pour la p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 28 octobre 2013 par laquelle la directrice de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de la SARL Pharmacie Maphiba, du n° 6 place Mercier à Besançon au n° 17 de la rue de l'Amitié, dans la même commune, ensemble la décision rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision.

L'EURL Pharmacie Gillet, la SARL Pharmacie du stade, la SARL Pharmacie de la Grette, M.B..., pour la pharmacie Saint-Ferjeux B...ont présenté des conclusions en intervention au soutien de la demande du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté.

Par un jugement n° 1400719 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté l'ensemble de ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mai 2017, le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté, L'EURL Pharmacie Gillet, la SARL Pharmacie du stade, la SARL Pharmacie de la Grette et M.B..., pour la pharmacie Saint-FerjeuxB..., tous représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision précitée de la directrice de l'agence régionale de santé de Franche-Comté du 28 octobre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le recours contentieux du Conseil régional de l'ordre des pharmaciens n'est pas tardif eu égard à l'interruption du délai de recours par le recours hiérarchique formé le 19 décembre 2013 auprès du ministre de l'emploi, du travail et de la santé ;

- en se fondant, pour apprécier les quartiers devant être desservis en médicaments, sur la notion d'îlots regroupés pour des indicateurs statistiques, qui n'a pas de valeur juridique, plutôt que sur la population telle qu'elle est issue du dernier recensement général, ainsi que l'exige la combinaison des articles L. 5125-4 et L. 5125-10 du code de la santé publique, l'administration et les premiers juges ont commis une erreur de droit ;

- les premiers juges ne peuvent à la fois considérer que la rue de Dole est infranchissable, ce qui permet de distinguer les quartiers Risler et Saint-Ferjeux, et soutenir que la pharmacie de la Grette est intégrée au quartier Risler ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation dès lors que la pharmacie Saint-Ferjeux B...est en réalité intégrée au quartier Saint-Ferjeux et dessert en médicaments l'essentiel de ce quartier et que la création de la pharmacie situé au 6 place Mercier s'est faite à titre dérogatoire au vu de la population du quartier Saint-Ferjeux jouxtant la rue de Dole ;

- le quartier Saint-Ferjeux dans sa partie située entre la rue de Dole et le boulevard Kennedy est desservi par l'officine de Saint-Ferjeux ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la clientèle de l'officine transférée sera exclusivement constituée des clients du centre commercial, qui représentent une population de passage ne pouvant être prise en compte pour apprécier la satisfaction des besoins en médicaments au sens de l'article L. 5123-3 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2017, la SELARL Maphiba, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des appelants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en tant qu'elle émane des quatre pharmacies qui n'avaient pas qualité pour former appel du jugement attaqué, la requête est irrecevable ;

- la question de la délimitation des quartiers demeure sans incidence sur la légalité de l'autorisation accordée dans la mesure où le transfert de la pharmacie Maphiba n'entraîne aucun abandon de la population et optimise la desserte au sens de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ;

- la population du quartier d'origine continuera à être desservie dans des conditions satisfaisantes ;

- le transfert de la pharmacie Maphiba n'a pu qu'optimiser la desserte en médicaments de la population du quartier Saint-Ferjeux - Rosemont.

La requête a été communiquée au ministre des solidarités et de la santé qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 24 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée

au 21 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- Le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la SELARL Maphiba.

Une note en délibéré, enregistrée le 17 octobre 2018, a été présentée pour la SELARL Maphiba.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...D..., en sa qualité de gérant de la SELARL " Pharmacie Maphiba ", a sollicité de la directrice générale de l'agence régionale de santé de Franche-Comté l'autorisation de transférer l'officine de pharmacie exploitée par cette société du n° 6, place Mercier au n° 17, rue de l'Amitié à Besançon. Par une décision du 28 octobre 2013, la directrice régionale de l'agence a autorisé ce transfert. Le Conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté, après avoir saisi le ministre de l'emploi, du travail et de la santé d'un recours hiérarchique implicitement rejeté, ainsi que l'EURL Pharmacie Gillet, la SARL " Pharmacie du stade ", la SARL " Pharmacie de la Grette " et M. B..., représentant la pharmacie Saint-FerjeuxB..., relèvent appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande du Conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté tendant à l'annulation de cette décision du 28 octobre 2013.

Sur la fin de non-recevoir opposée en appel par la SELARL Maphiba :

2. L'EURL Pharmacie Gillet, la SARL " Pharmacie du stade ", la SARL " Pharmacie de la Grette " et M. B..., représentant la pharmacie Saint-FerjeuxB..., sont intervenus devant le tribunal administratif à l'appui du recours pour excès de pouvoir présenté par le Conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté contre la décision du 28 octobre 2013 par laquelle la directrice générale de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a autorisé le transfert précité de l'officine de pharmacie exploitée par la SELARL " Pharmacie Maphiba ". Elles auraient eu qualité pour introduire elles-mêmes un tel recours. Elles sont dès lors recevables à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de leur intervention, alors même que le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté a seul formé un recours administratif dans le délai de recours contentieux, leur intervention volontaire en première instance étant ouverte sans condition de délai. En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la SELARL " Pharmacie Maphiba " doit être écartée.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

3. D'une part, la publication d'une décision administrative dans un recueil autre que le Journal officiel fait courir le délai du recours contentieux à l'égard de tous les tiers si l'obligation de publier cette décision dans ce recueil résulte d'un texte législatif ou réglementaire lui-même publié au Journal officiel de la République française. En vertu de l'article R. 5125-8 du code de la santé publique, lui-même publié au Journal officiel de la République française, la décision du directeur général de l'agence régionale de santé autorisant un transfert d'officine pharmaceutique doit être publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...). ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.".

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige du 28 octobre 2013 autorisant le transfert de la pharmacie Maphiba a été publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Doubs le 4 novembre 2013. Le Conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté a formé, le 23 décembre 2013, soit dans le délai de deux mois à compter de cette publication, un recours hiérarchique auprès du ministre chargé de la santé à l'encontre de cette décision de transfert, prorogeant ainsi le délai de recours contentieux à l'encontre de la décision du 28 octobre 2013 jusqu'à l'intervention d'une décision implicite née le 23 février 2014 du silence gardé par le ministre. Par suite, sa demande de première instance, introduite le 15 avril 2014, n'était pas tardive. La fin de non-recevoir opposée en première instance et tirée du caractère tardif de sa demande ne pouvait qu'être écartée.

Sur la légalité de la décision du 28 octobre 2013 :

6. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative ne peut autoriser le transfert d'une officine de pharmacie que si la nouvelle implantation répond de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil, alors même que l'implantation précédente de cette officine aurait été située dans le même quartier, ou, lorsque le transfert implique un changement de quartier au sein d'une même commune, qu'à la double condition, d'une part, qu'il permette de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil et, d'autre part, qu'il n'ait pas pour effet de compromettre l'approvisionnement de la population résidente du quartier d'origine.

7. En l'espèce, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que la directrice générale de l'agence régionale de santé s'est bornée, pour délimiter les quartiers d'accueil et d'origine de la Pharmacie Maphiba, à ne retenir que les seules données chiffrées relatives aux " îlots regroupés pour des indicateurs statistiques " (IRIS), définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui constituent des unités de base pour le recueil des données statistiques n'ayant ni pour objet, ni pour effet de donner une unité géographique et humaine aux zones qu'elle comprennent. La directrice générale de l'agence régionale de santé a ainsi considéré que le transfert du siège de la SELARL " Pharmacie Maphiba " impliquait un changement de quartier au sein d'une même commune, de la zone Iris Risler, comptant 2 121 habitants et desservie jusqu'alors par trois officines, vers la zone Iris Saint-Ferjeux, comptant 2 539 habitants mais dépourvue d'officine, alors qu'il ressort par ailleurs de nombreuses pièces du dossier, et notamment des fiches quartiers établies par l'observatoire socio-urbain en 2014 que les Iris Saint-Ferjeux et Risler sont compris dans un seul et même quartier présentant une unité géographique et humaine suffisante, dénommé Saint-Ferjeux Rosemont et comprenant 6 176 habitants. Ce faisant, la directrice générale a commis une erreur de droit dans la délimitation des quartiers de nature à entacher d'illégalité la décision du 28 octobre 2013.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté et l'EURL Pharmacie Gillet, la SARL " Pharmacie du stade ", la SARL " Pharmacie de la Grette " et M. B..., représentant la pharmacie Saint-FerjeuxB..., sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté, de l'EURL Pharmacie Gillet, de la SARL " Pharmacie du stade ", de la SARL " Pharmacie de la Grette " et de M. B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la SELARL " Pharmacie Maphiba " demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 mars 2017 et la décision de la directrice générale de l'agence régionale de santé Franche-Comté du 28 octobre 2013 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera globalement au conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté, à l'EURL Pharmacie Gillet, à la SARL " Pharmacie du stade ", à la SARL " Pharmacie de la Grette " et à M. B..., représentant la pharmacie Saint-Ferjeux B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SELARL " Pharmacie Maphiba " sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté, à l'EURL Pharmacie Gillet, à la SARL " Pharmacie du stade ", à la SARL " Pharmacie de la Grette " et à M. B..., représentant la pharmacie Saint-FerjeuxB..., au ministre des solidarités et de la santé et à la SELARL " Pharmacie Maphiba ".

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N° 17NC01154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01154
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

55-03-04-01 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Pharmaciens. Autorisation d'ouverture ou de transfert d'officine.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-13;17nc01154 ?
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