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13/11/2018 | FRANCE | N°17NC01730

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 17NC01730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CTAC a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2016 par lequel le préfet de la Moselle a suspendu pour une durée de deux mois à compter du 1er décembre 2016 l'agrément n° S 057 F209 de l'installation de contrôle technique automobile qu'elle exploite.

Par un jugement n° 1606030 du 31 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés l

e 17 juillet 2017, le 30 novembre 2017 et le 21 décembre 2017, le ministre de la transition écologiq...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CTAC a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2016 par lequel le préfet de la Moselle a suspendu pour une durée de deux mois à compter du 1er décembre 2016 l'agrément n° S 057 F209 de l'installation de contrôle technique automobile qu'elle exploite.

Par un jugement n° 1606030 du 31 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 juillet 2017, le 30 novembre 2017 et le 21 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société CTAC devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par la société CTAC tendant au versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le principe d'interdiction d'exercer une activité dans la réparation ou le commerce automobile s'applique aux contrôleurs ainsi qu'aux " autres fonctions exercées dans ces réseaux " et " aux fonctions au sein du réseau " visées par l'alinéa 3 du I de l'article L. 323-1 du code de la route et à l'article R. 323-11 du même code, comprenant notamment celles de gérant des centres de contrôle technique rattachés à un réseau ;

- M. A...ne pouvait donc exercer des fonctions de responsable d'un centre de contrôle technique de véhicules légers et des fonctions de gérant d'un commerce de détails d'équipements ;

- l'application de ce principe ne méconnaît pas le principe d'égalité ;

- le principe de séparation des activités de contrôle technique et de réparation ou commerce automobile ne s'applique pas qu'aux seuls équipements de contrôle et au seul bâtiment dans lequel sont effectuées les opérations de contrôle ;

- le respect de ce principe doit également être apprécié au regard de la situation de la zone de contrôle par rapport à l'environnement, de la configuration d'ensemble de l'exploitation et de son emprise immobilière, y compris les parkings et accès au centre de contrôle ;

- la visite de surveillance effectuée le 17 août 2016 par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) a révélé que la séparation des activités de contrôle technique des véhicules légers de la société CTAC et de réparation et commerce automobile de la société Dunes Pneus voisine n'était pas conforme aux dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route et à celles du 3.6 de l'annexe III de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes ;

- à cet égard, les entrées des installations de contrôle technique de véhicules et de l'entreprise de commerce et de réparation automobile et de stockage des pneumatiques n'étaient pas clairement distinguées, d'autant que l'enseigne " Autovision " était placée au-dessus de ces dernières et que l'accès au parking des deux entreprises gérées par M. A...s'effectue par la même entrée ;

- le bâtiment occupé par le centre de contrôle technique exploité par la société CTAC abrite un local de stockage de pneumatiques utilisés pour l'activité de réparation et de commerce automobile de la société mitoyenne Dunes Pneus ;

- la société CTAC n'avait pas informé le préfet des modifications apportées par le contrat de bail commercial du 1er juillet 2015 ;

- la société n'a pas analysé les compteurs d'exception depuis le mois de mars 2016 ;

- la sanction prononcée à l'égard de la société CTAC n'est pas disproportionnée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 octobre 2017, le 11 décembre 2017 et le 16 mars 2018, la société CTAC, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) en tout état de cause, d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a aucun risque de confusion résultant du positionnement de l'enseigne " Autovision ", qui ne méconnaît pas le principe de séparation des activités de contrôle et de réparation ou de commerce automobile ;

- le fait que des pneumatiques soient stockés dans le bâtiment ne démontre pas une activité de commerce et de réparation automobile de la société CTAC ;

- le local est loué par la société Dunes Pneus ;

- il n'y a aucune communication entre les locaux ;

- les manquements au suivi des compteurs d'exception fournis par l'organisme technique central ont été immédiatement corrigés à la suite du contrôle des services de la DREAL ;

- aucune prescription n'impose des modalités précises ou contraignantes quant à la mise à jour de ce document mentionnant les conclusions d'analyse des compteurs d'exception ;

- le défaut d'analyse des compteurs d'exception depuis le mois de mars 2016 n'est pas de nature à justifier la sanction administrative prononcée à son encontre ;

- si le ministre soutient que le principe d'interdiction d'exercer une activité de réparation ou de commerce automobile s'applique aux contrôleurs ou aux gérants des centres de contrôles techniques rattachés à un réseau sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article L. 323-1 du code de la route et de l'article R. 323-11 du même code dès lors que ce cumul d'activité ne garantirait pas l'objectivité des contrôles, la substitution de motifs sollicitée par le ministre ne peut justifier la légalité de l'arrêté en litige, aucune disposition n'érigeant d'incompatibilité ;

- le principe d'interdiction invoqué par le ministre méconnaîtrait le principe d'égalité en opérant une distinction injustifiée entre les centres de contrôles rattachés à un réseau et ceux qui sont indépendants ;

- la sanction est disproportionnée ;

- la société a pris des mesures correctives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société CTAC.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 2 novembre 2016 du préfet de la Moselle prononçant pour une durée de deux mois à compter du 1er décembre 2016 la suspension de l'agrément n° S 057 F209 de l'installation de contrôle technique automobile exploitée par la société CTAC.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 323-1 du code de la route : " I.-Lorsqu'en application du présent code, des véhicules sont astreints à un contrôle technique, celui-ci est effectué par les services de l'Etat ou par des contrôleurs agréés par l'Etat. / Cet agrément peut être délivré soit à des contrôleurs indépendants, soit à des contrôleurs organisés en réseaux d'importance nationale, sous réserve qu'ils n'aient fait l'objet d'aucune condamnation inscrite au bulletin n° 2 de leur casier judiciaire. / Les fonctions de contrôleur ainsi que les autres fonctions exercées dans ces réseaux sont exclusives de toute autre activité exercée dans la réparation ou le commerce automobile (...) / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement du système de contrôle et en particulier les conditions d'agrément des contrôleurs, des installations nécessaires au contrôle et des réseaux mentionnés au deuxième alinéa ". Et selon l'article R. 323-14 de ce code : " IV. - L'agrément des installations de contrôle peut être suspendu ou retiré pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques qu'il concerne si les conditions de bon fonctionnement des installations ou si les prescriptions qui leur sont imposées par la présente section ne sont plus respectées, et après que la personne bénéficiaire de l'agrément et le représentant du réseau de contrôle auquel les installations sont éventuellement rattachées ont pu être entendus et mis à même de présenter des observations écrites ou orales ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la Moselle s'est fondé, pour suspendre pour une durée de deux mois l'agrément de l'installation de contrôle technique automobile exploitée par la société CTAC, sur le fait que la présence de l'enseigne du centre de contrôle au dessus des deux portes d'un même bâtiment, l'une donnant accès à la ligne de contrôle et l'autre à un stockage de pneumatiques, induit un risque de confusion entre l'activité du centre de contrôle et celle de l'entreprise de commerce voisine, la société Dunes Pneus, ainsi que sur la circonstance que les pneumatiques stockés dans le bâtiment démontrent une activité de commerce et de réparation automobile de la société CTAC et enfin sur l'absence d'analyse des compteurs d'exception fournis par l'organisme de contrôle technique depuis le mois de mars 2016.

4. En prononçant une mesure de suspension d'agrément à l'encontre de la société CTAC à raison des graves manquements à la réglementation du contrôle technique des véhicules qui lui étaient reprochés et alors même que la société aurait pris les mesures correctrices appropriées, le préfet de la Moselle n'a pas pris une mesure de police mais a infligé à la société, dans un but répressif, une sanction administrative.

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 323-13 du code de la route : " II. L'activité d'un centre de contrôle doit s'exercer dans des locaux n'abritant aucune activité de réparation ou de commerce automobile et ne communiquant avec aucun local abritant une telle activité ". Il ressort de l'avenant au contrat de bail commercial du 1er juillet 2015 que le local du bâtiment dans lequel sont stockés les pneumatiques a été loué à la société Dunes Pneus à compter du 1er juillet 2015. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas soutenu par le ministre que les travaux séparatifs prévus par cet avenant n'aient pas été réalisés. Par suite, et alors même que l'avenant au contrat de bail commercial n'avait pas été porté à la connaissance du préfet à la date de l'arrêté en litige, c'est à tort qu'il a estimé qu'en raison de la présence de pneumatiques stockés dans ce local du bâtiment, la société CTAC exerçait une activité de commerce et de réparation automobile en méconnaissance des dispositions précitées du code de la route.

6. En second lieu, selon l'annexe III de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes, alors en vigueur : " 3.6. Sur la façade du bâtiment et à la partie la plus visible du public est portée l'identification du centre de contrôle qui ne produit aucune confusion avec des entreprises de commerce ou de réparation automobile voisines. Les zones de contrôle et d'accueil de la clientèle, les places de stationnement, les entrées et sorties des personnes et des véhicules dans le bâtiment sont physiquement séparées de toute activité de commerce ou de réparation automobile ". Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté qu'à la date de la visite des services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), le 17 août 2016, l'enseigne " Autovision / contrôle technique automobile " de la société CTAC était située au dessus des deux portes d'un même bâtiment, l'un abritant l'atelier de contrôle technique de la société CTAC, l'autre un local de stockage des pneumatiques, loué à la société Dunes Pneus. Dans de telles conditions, le positionnement de l'enseigne était de nature à produire une confusion avec l'entreprise de commerce Dunes Pneus, en méconnaissance des dispositions précitées de l'annexe III de l'arrêté du 18 juin 1991.

7. Ensuite, aux termes de l'article 6.1.5 de l'annexe V de l'arrêté du 18 juin 1991 : " 6.1. Chaque installation de contrôle ouvre et tient à jour : (...) 6.1.5. Un document (registre, fiches, etc.) mentionnant les conclusions des analyses des compteurs d'exception fournis par l'OTC ". Selon le e) de l'article 29 de cet arrêté : " L'OTC analyse les résultats des contrôles afin de caractériser le fonctionnement des installations et des réseaux de contrôle et de s'assurer de l'homogénéité des contrôles effectués ". Et aux termes du II de l'article R. 323-16 du code de la route : " Le fait, pour le titulaire de l'agrément des installations de contrôle, de ne pas transmettre les données relatives à un contrôle technique effectué dans ces installations dans le délai fixé par l'arrêté prévu au I de l'article R. 323-13 est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ". Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'analyse des compteurs d'exception, outils de suivi de l'exploitation, destinée notamment à corriger d'éventuelles anomalies de contrôle, n'avait pas été effectuée par la société CTAC depuis le mois de mars 2016, soit depuis près de six mois à la date de la visite des services de la DREAL en méconnaissance des dispositions précitées de l'arrêté du 18 juin 1991.

8. Compte tenu de ces graves manquements à la réglementation du contrôle technique, et alors que la société CTAC ne peut, s'agissant d'une mesure de sanction, utilement exciper de la circonstance que des mesures correctrices auraient été ultérieurement adoptées par elle, le préfet de la Moselle en décidant de suspendre pour une durée de deux mois l'agrément de l'installation de la société CTAC n'a pas infligé à celle-ci une sanction disproportionnée.

9. Ainsi, ces manquements sont de nature à justifier légalement la sanction prononcée à l'encontre de la société CTAC. Si le préfet de la Moselle s'est également fondé sur le fait que la société CTAC exerce une activité de commerce et de réparation automobile, et si ce motif est erroné ainsi qu'il a été dit au point 5, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait pris la même décision à l'égard de la société CTAC s'il ne s'était fondé que sur les motifs rappelés ci-dessus aux points 6 et 7.

10. Il résulte de tout ce qui précède, en l'absence d'autre moyen qu'il appartiendrait à la cour d'examiner par l'effet dévolutif de l'appel et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet de la Moselle du 2 novembre 2016 en estimant que la sanction prononcée à l'égard de la société CTAC revêtait un caractère disproportionné.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société CTAC demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1606030 du 31 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société CTAC devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CTAC et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 17NC01730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01730
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-04 Professions, charges et offices. Discipline professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : MULLER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-13;17nc01730 ?
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