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20/11/2018 | FRANCE | N°17NC00166

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 17NC00166


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valeo Thermiques Moteurs a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 24 décembre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'inscrire l'établissement du site de Reims de la société Valeo Systèmes Thermiques sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des

travailleurs exposés à l'amiante.

Par un jugement no 1500397 du 1er décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valeo Thermiques Moteurs a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 24 décembre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'inscrire l'établissement du site de Reims de la société Valeo Systèmes Thermiques sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés à l'amiante.

Par un jugement no 1500397 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2017, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valeo Thermiques Moteurs, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1500397 du 1er décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 24 décembre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'inscrire l'établissement du site de Reims de la société Valeo Systèmes Thermiques sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés à l'amiante ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social d'inscrire l'établissement du site de Reims de la société Valeo Systèmes Thermiques sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés à l'amiante pour la période de 1956 à 1997 au moins, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle enquête, attribuée à une inspection du travail ne relevant pas de la région Champagne-Ardenne ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail, chargé de diligenter l'enquête en vue d'une inscription du site Valéo de Reims sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés à l'amiante, a manqué d'impartialité et a entravé l'action du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le site de Reims ne devait pas être inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de la cessation anticipée d'activité eu égard à la nature de son activité ;

- l'établissement remplit les conditions fixées par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

- la décision attaquée méconnaît le principe d'égalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2017, la société Valéo Systèmes Thermiques, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valeo Thermiques Moteurs de Reims en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le caractère significatif des activités de calorifugeage n'est pas établi ;

- aucun élément probant n'est produit concernant la fréquence de l'utilisation de matériaux amiantés pour les activités de calorifugeage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail a pris en compte l'ensemble des éléments pour établir son rapport, notamment le rapport de la société Technologia ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que le manque d'impartialité n'était pas établi ;

- l'établissement de Reims ne satisfait pas aux conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valeo Thermiques Moteurs.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 5 mai 2014, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement Valeo Thermiques Moteurs, situé à Reims, a sollicité, pour la seconde fois, l'inscription de cet établissement sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés à l'amiante. A l'issue d'une enquête administrative diligentée par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Champagne-Ardenne, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté cette demande par une décision du 24 décembre 2014. Par un jugement du 1er décembre 2016, dont le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valeo Thermiques Moteurs relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande d'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : /1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif (...)". Il résulte de ces dispositions que seuls peuvent être légalement inscrits sur la liste qu'elles prévoient les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté, sur la période en cause, une part significative de l'activité de ces établissements. Les opérations de calorifugeage à l'amiante doivent, pour l'application de ces dispositions, s'entendre des interventions qui ont pour but d'utiliser l'amiante à des fins d'isolation thermique.

3. La société Chausson, créée en 1957, à Reims, avait initialement pour activité la production de réfrigérateurs. A partir de 1960, elle s'est reconvertie dans la fabrication de radiateurs pour l'automobile. Cette activité, consistant principalement dans la production d'échangeurs thermiques, s'est poursuivie à la suite de son rachat, en 1987, par la société Valéo Systèmes Thermiques.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi par la société Technologia ainsi que du rapport de l'inspecteur du travail du 18 août 2014, que des salariés de l'établissement ont été conduits à réaliser des travaux de décalorifugeage et de calorifugeage, notamment des fours de 1960 à 1994, des tourniquets de brasage de 1960 à 1983, des tuyaux d'eaux chaudes et de vapeurs desservant les différents ateliers de l'établissement et la chaufferie jusque dans les années 80, en utilisant principalement des cordons ou de la bourre d'amiante. L'amiante était aussi utilisée pour l'isolation des câbles électriques. Ces travaux, qui avaient pour objet d'assurer une isolation thermique, entrent dans le champ des activités visées à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

5. Il ressort également des pièces du dossier que, sur la période de 1960 à au moins 1997, les salariés étaient amenés à manipuler des plaques d'amiante qui étaient découpées, en fonction des besoins, directement par les salariés sur leurs postes de travail, notamment lors des opérations de brasage de certaines parties des radiateurs destinés aux véhicules de tourisme ou aux engins militaires. Ces plaques servaient aussi à fabriquer des joints utilisés, entre autres, pour leur propriété d'isolant thermique dans le montage des moteurs. Elles étaient aussi employées pour assurer l'isolation thermique des moules à injection en plastique réalisés pour des constructeurs automobiles sur la période de 1974 à 1987. Ces opérations, eu égard à leur finalité d'isolation thermique, doivent être regardées comme des opérations de calorifugeage.

6. Si l'estimation annuelle des quantités d'amiante utilisées dans l'établissement n'est pas de nature à démontrer que les activités de calorifugeage constituaient l'activité principale du site de Reims, il n'en demeure pas moins que ces opérations, telle que l'intervention au niveau des fours, étaient inhérentes au processus de production et réalisées régulièrement, quotidiennement ou plusieurs fois par mois, par des salariés polyvalents. De même, si les opérations de maintenance étaient assurées par des équipes dédiées, dont les tuyauteurs serruriers, il ressort du rapport de la société Technologia que, chaque été, nombre de salariés participaient à la maintenance préventive, notamment des fours. S'agissant plus spécifiquement des opérations de décalorifugeage et de calorifugeage des conduits de vapeur par les tuyauteurs serruriers, elles étaient réalisées selon une fréquence au moins hebdomadaire et étaient susceptibles d'exposer ces salariés à un niveau élevé d'empoussièrement à l'amiante, ainsi que ceux des ateliers situés à proximité et dépourvus de tout cloisonnement. Dans ces conditions, eu égard à la régularité des opérations de calorifugeage sur la période de 1960 à 1997 et au nombre de salariés concernés compte tenu de leur polyvalence et de la configuration des lieux, les activités de calorifugeage au sein de l'établissement Valéo Thermiques Moteurs de Reims doivent être regardées comme significative au regard de l'ensemble des activités du site sur la période de 1960 à 1997.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valéo Thermiques Moteurs est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 décembre 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt implique nécessairement l'inscription de l'établissement Valéo Thermiques Moteurs de Reims sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Il y a lieu d'enjoindre à la ministre du travail de procéder à cette inscription dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valéo Thermiques Moteurs de Reims, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Valéo Systèmes thermiques la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Valeo Systèmes thermiques la somme que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valéo Thermiques Moteurs de Reims demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1500397 du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de Châlons-enChampagne et la décision du 24 décembre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'inscrire l'établissement du site de Reims de la société Valéo Systèmes Thermiques sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés à l'amiante sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la ministre du travail d'inscrire l'établissement Valéo Thermiques Moteurs de Reims sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement Valeo Thermiques Moteurs de Reims, à la société Valeo Systèmes Thermiques et à la ministre du travail.

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N° 17NC00166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00166
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-03 Travail et emploi. Conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : BERKOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-20;17nc00166 ?
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