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11/12/2018 | FRANCE | N°16NC02071

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 16NC02071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... Del Popolo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites par lesquelles la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents de travail survenus les 1er septembre 2005 et 19 novembre 2013 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi.

Par un jugement n° 1404732 du 28 juillet 2016, le tribunal admini

stratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... Del Popolo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites par lesquelles la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents de travail survenus les 1er septembre 2005 et 19 novembre 2013 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi.

Par un jugement n° 1404732 du 28 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2016, un mémoire complémentaire enregistré le 20 juillet 2018 et cinq mémoires en réplique enregistrés les 20 et 28 septembre 2018 et les 11 et 12 novembre 2018, M. B... Del Popolo, représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juillet 2016 ;

2°) d'annuler les décisions implicites rejetant ses demandes tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents de travail survenus les 1er septembre 2005 et 19 novembre 2013 ;

3°) de reconnaître l'imputabilité au service des deux accidents de travail survenus les 1er septembre 2005 et 19 novembre 2013 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Il soutient que :

- le signataire du mémoire en défense n'a pas qualité pour agir ;

- les décisions contestées sont entachées d'incompétence ;

- l'accident survenu le 1er septembre 2005 sur le lieu du service et pendant les heures de travail est présumé imputable au service ;

- aucun délai ne peut lui être opposé pour la déclaration de cet accident ;

- la commission de réforme qui s'est prononcée sur sa situation ne comportait pas de médecin psychiatre ;

- l'accident du 19 novembre 2013 est imputable au service alors même qu'il est survenu à son domicile et après qu'il a été licencié ;

- ce licenciement a été annulé par un arrêt de la présente cour du 5 juin 2018 ;

- son employeur était tenu d'assurer sa protection en application des articles 2, 3, 11 et 26 de la partie n° 1 de la charte sociale européenne et des articles 2 et 3 de la partie n° 2 de cette même charte.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2018, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions visant à ce que la cour reconnaisse l'imputabilité au service des accidents survenus les 1er septembre 2005 et 19 novembre 2013 dès lors que de telles conclusions sont nouvelles en appel.

Par une ordonnance du 20 septembre 2018, l'instruction a été close à la date du 9 octobre 2018.

M. Del Popolo a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2016 modifiée le 24 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux courriers adressés les 3 octobre 2013 et 7 décembre 2013 à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg, M. Del Popolo, secrétaire administratif de l'administration pénitentiaire, a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'eczéma du cuir chevelu qu'il indique avoir contracté le 1er septembre 2005 et du choc émotionnel qu'il aurait éprouvé le 19 novembre 2013. En l'absence de réponse de l'administration, il a saisi le tribunal administratif de Strasbourg aux fins d'obtenir l'annulation des décisions implicites rejetant ses demandes d'imputabilité et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral. Il relève appel du jugement du 28 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité du mémoire en défense présenté par la ministre de la justice :

2. Par une décision du 6 juillet 2018 publiée au Journal officiel de la République française du 12 juillet 2018, M. D...A..., adjoint au chef du bureau du contentieux administratif, a reçu délégation pour signer au nom de la ministre de la justice l'ensemble des actes relevant du bureau du contentieux administratif et du conseil de la sous-direction des affaires juridiques générales et du contentieux, à l'exclusion des décrets. La fin de non recevoir opposée par M. Del Popolo au mémoire en défense présentée par l'administration ne peut donc qu'être écartée.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents survenus les 1er septembre 2005 et 19 novembre 2013 :

3. Les conclusions tendant à ce que la cour reconnaisse l'imputabilité au service des accidents survenus les 1er septembre 2005 et 19 novembre 2013 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, par un arrêté du 5 mars 2012 publié au Journal officiel de la République française le 11 mars suivant, MmeC..., directrice interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg, a reçu délégation pour signer l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité. Ainsi, Mme C...était compétente pour se prononcer sur les demandes d'imputabilité au service présentées par M. Del Popolo. Si le requérant fait valoir que l'arrêté du 5 mars 2012 omet de rappeler les textes applicables en matière de gestion du personnel, mentionne uniquement le premier prénom de MmeC..., vise des textes omettant de se référer au " ministère de la justice et des libertés " et permet aux directeurs interrégionaux de subdéléguer leur signature sans préciser expressément que cette possibilité est également offerte aux directrices, l'ensemble de ces circonstances est sans influence sur la régularité de la délégation dont bénéficie MmeC....

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ". En application de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, la commission de réforme est consultée notamment sur l'application des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Ces dispositions imposent donc la consultation de cette commission dans tous les cas où le bénéfice du 2° de l'article 34 de la loi précitée est demandé par un agent, hormis le cas où le défaut d'imputabilité au service est manifeste, afin de déterminer notamment si l'accident qui est à l'origine de l'affection est ou non imputable au service.

6. M. Del Popolo a présenté le 3 octobre 2013 une demande visant à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une pathologie affectant son cuir chevelu, survenue selon lui le 1er septembre 2005, sans produire, ni devant l'administration, ni devant le juge, de document médical susceptible de justifier de l'existence de cette maladie et des circonstances dans lesquelles elle est apparue. Dans ces conditions, eu égard au délai de huit années séparant la survenue de l'accident allégué et la demande d'imputabilité du requérant, et en l'absence de tout élément médical susceptible d'établir l'existence de sa pathologie, celle-ci est manifestement dénuée de lien avec le service et ne nécessitait pas la consultation de la commission de réforme. M. Del Popolo n'est donc pas fondé à soutenir que la décision implicite rejetant sa demande du 3 octobre 2013 serait entachée d'un vice de procédure.

7. En troisième lieu, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

8. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. Del Popolo n'établit pas que la maladie affectant son cuir chevelu serait consécutive à un évènement survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et présenterait un lien direct avec le service.

9. D'autre part, si M. Del Popolo allègue avoir subi un choc émotionnel le 19 novembre 2013 à l'occasion d'un échange téléphonique avec la responsable des ressources humaines de la direction interrégionale des services pénitentiaires, l'intéressé ne produit aucun document médical susceptible de justifier de l'existence de ce choc, survenu à son domicile en dehors du service, et de ses conséquences sur son état de santé. Il n'établit donc pas que l'administration aurait méconnu les dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 en refusant de lui en accorder le bénéfice.

10. En quatrième lieu, si M. Del Popolo soutient qu'il devait être protégé par son employeur en application des articles 2, 3, 11 et 26 de la partie n° 1 de la charte sociale européenne et des articles 2 et 3 de la partie n° 2 de cette même charte, il n'apporte pas à l'appui d'un tel moyen les précisions qui permettraient d'en apprécier le bien fondé.

11. En dernier lieu, M. Del Popolo, qui n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions implicites rejetant ses demandes d'imputabilité au service, ne justifie d'aucun préjudice moral.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. Del Popolo n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Del Popolo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... Del Popolo et à la ministre de la justice, garde des sceaux.

Copie en sera adressée à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg.

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N° 16NC02071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02071
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : BARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-11;16nc02071 ?
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