La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2019 | FRANCE | N°18NC01461

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2019, 18NC01461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800164 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2018, le préfet du Doubs demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M.A....

Il soutient que les in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800164 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2018, le préfet du Doubs demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M.A....

Il soutient que les informations qui lui ont été communiquées par le conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France établissent que les drépanocytoses graves peuvent être traitées en République de Guinée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2018, M.A..., représenté par Me Ben Daoud, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le préfet du Doubs avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 10 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., ressortissant guinéen (République de Guinée) né le 2 septembre 1990 à Conakry, est entré régulièrement en France le 9 septembre 2012 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant, valable du 24 août 2012 au 24 août 2013. M. A...a sollicité le 4 octobre 2016 la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé. Par un arrêté du 18 mai 2017, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un tel titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un jugement rendu le 19 septembre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté au motif qu'il était contraire aux dispositions du 11° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M.A.... Par un arrêté du 5 janvier 2018, le préfet du Doubs a de nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à M.A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un jugement du 24 avril 2018, par le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté pour méconnaissance des dispositions précitées. Le préfet du Doubs relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

4. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est atteint de drépanocytose homozygote, maladie hématologique d'origine génétique sans traitement curatif à l'exception des greffes de moelle osseuse, qu'il souffre de nombreuses complications chroniques, notamment de crises douloureuses, d'épisodes de priapisme, d'épisodes d'anémie ayant nécessité des transfusions et qu'il a suivi un traitement au long cours par chimiothérapie orale. Dans son avis rendu le 27 février 2017, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié en République de Guinée. Pour soutenir que le défendeur peut être traité dans son pays d'origine, le préfet du Doubs se prévaut de courriels émanant du médecin référent auprès du directeur général des étrangers en France qui indiquent que les adultes sont moins exposés que les enfants aux accidents vasculaires liés à la drépanocytose et il fait valoir que, selon les données issues de la fiche pays extraite de la base MedCOI (medical country of origin information), il existe en Guinée un traitement préventif des crises vaso-occlusives de la maladie par l'hydroxycarbamide.

6. Dans un courriel du 26 septembre 2017, le médecin référent auprès du directeur général des étrangers en France indique avoir lu le jugement du 19 septembre 2017, par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du préfet du Doubs du 18 mai 2017, et " admettre (...) qu'il existe un risque de complications pour les malades atteints de drépanocytose homozygote ". M. A...produit un certificat médical du professeur Pierre Simon Rohrlich, daté du 20 septembre 2016, soulignant que le traitement qu'il suit ne peut être poursuivi dans son pays d'origine, faute de moyens alors que les risques de complications aiguës graves, de type accident thoracique aigu, accident vasculaire cérébral et crise vaso-occlusive avec nécrose tissulaire sont réels, un certificat du docteur Berceanu du 13 juin 2017 qui précise que les pathologies dont il souffre nécessitent un suivi médical rapproché dans un milieu hématologique spécialisé, habitué à la prise en charge des drépanocytoses graves, ce qui ne peut être réalisé en Guinée et des attestations du ministère de la santé de la République de Guinée, datées des 8 juin 2017 et 24 juillet 2018, qui indiquent que ce pays ne dispose pas de structures spécialisées pour la prise en charge correcte des drépanocytaires. Le préfet du Doubs ne produit aucun élément permettant d'établir que l'état de santé de M. A...serait amélioré depuis son arrêté du 18 mai 2017 qui a été annulé par le jugement précité du 19 septembre 2017, devenu depuis définitif. Dans ces conditions, eu égard à la gravité de la pathologie qui affecte le défendeur, le préfet du Doubs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 5 janvier 2018.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Doubs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 5 janvier 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer à M. A...un tel titre de séjour dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ben Daoud, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ben Daoud de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Doubs est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ben Daoud, avocat de M.A..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 18NC01461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01461
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SCP HENNEMANN-BRETON-BEN DAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-01-31;18nc01461 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award