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19/03/2019 | FRANCE | N°18NC01984

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 mars 2019, 18NC01984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Marne a décidé son transfert vers l'Allemagne pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801261 du 15 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018, MmeA..., représentée par Me B

...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Marne a décidé son transfert vers l'Allemagne pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801261 du 15 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018, MmeA..., représentée par Me B...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 4 juin 2018 portant transfert de Mme A... vers l'Allemagne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de procéder au réexamen de la demande de Mme A...au titre de l'asile dans le délai de quinze jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article 19 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'annulation de l'arrêté de transfert emporte par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Les parties ont été informées, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy du 11 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...a été entendu au cours de laudience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...A..., ressortissante albanaise née le 4 avril 1974, est entrée sur le territoire français le 28 octobre 2017 pour déposer une demande d'asile. La consultation des données de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées le 11 décembre 2013 puis le 3 juin 2015 en Allemagne. Les autorités de ce pays, saisies le 13 février 2018, ont implicitement donné leur accord pour la reprise en charge de l'intéressée. Par deux arrêtés du 4 juin 2018, le préfet de la Haute-Marne a décidé de transférer Mme A...auprès des autorités allemandes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme A...relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant transfert vers l'Allemagne :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 4 juin 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a ordonné le transfert de Mme A...vers l'Allemagne est intervenue moins de six mois après la décision par laquelle l'Allemagne a donné son accord pour sa prise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a été interrompu par l'introduction, par MmeA..., du recours qu'elle a présenté contre cette décision sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 juin 2018 qui a statué sur la décision de transfert en litige. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ainsi, à la date du 15 décembre 2018, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de MmeA.... Il s'ensuit qu'à cette date, la décision de transfert est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation du jugement du 15 juin 2018 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant transfert :

6. Aux termes de l'article 19 du règlement du 26 juin 2013 : " (...) 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. /Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. /3. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande. /Toute demande introduite après qu'un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. ".

7. Si la requérante fait valoir que l'Allemagne, qu'elle a quittée pour rejoindre l'Albanie, a cessé d'être responsable de l'examen de sa demande d'asile par application des paragraphes 2 et 3 de l'article 19 du règlement n° 604/2013, les éléments qu'elle produit, notamment un extrait de son passeport délivré le 12 octobre 2017 et une copie d'un jugement de divorce du 17 juillet 2017, ne sont pas de nature, en l'absence d'éléments sur la durée de son séjour en-dehors de l'Allemagne et de ses conditions d'entrée en France, faute notamment de tampon des services douaniers des Etats traversés, à établir que l'Allemagne, ne serait plus responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, le préfet de la Haute-Marne n'a pas méconnu les dispositions des paragraphes 2 et 3 de l'article 19 du règlement n°604/2013 en estimant que les conditions qu'elles posaient n'étaient alors pas remplies.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Si Mme A... fait valoir que son frère réside régulièrement en France, elle n'apporte pas les pièces de nature à établir ce lien familial alors qu'elle n'a pas déclaré la présence d'un membre de sa famille dans le formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen doit, par suite, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

9. Il ne ressort pas de l'arrêté attaqué qui est suffisamment motivé qu'il serait fondé sur des circonstances de droit ou de fait inexacts.

10. Il ne ressort pas de la décision assignant la requérante pour une durée de quarante-cinq jours et l'obligeant à se rendre dans les locaux du commissariat de Chaumont tous les jours à 15 heures, exceptés les dimanches et jours fériés, qu'elle serait disproportionnée au regard de ses garanties de représentation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation du jugement du 15 juin 2018 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert prise par le préfet de la Haute-Marne le 4 juin 2018, sur ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision du 4 juin 2018 et sur les conclusions aux fins d'injonction.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

N° 18NC01984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01984
Date de la décision : 19/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SCP MARIN-COUVREUR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-19;18nc01984 ?
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