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21/03/2019 | FRANCE | N°17NC00984

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17NC00984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et des majorations auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et de prononcer le rétablissement du déficit foncier qu'ils avaient déclaré au titre de l'année 2008 à 59 872 euros.

Par un jugement avant-dire droit n°1200688 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné un supplément d'instruction en vue de permettre à M. et Mme C...de ju

stifier, pour chacune des années en litige, du montant des dépenses afférentes aux t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et des majorations auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et de prononcer le rétablissement du déficit foncier qu'ils avaient déclaré au titre de l'année 2008 à 59 872 euros.

Par un jugement avant-dire droit n°1200688 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné un supplément d'instruction en vue de permettre à M. et Mme C...de justifier, pour chacune des années en litige, du montant des dépenses afférentes aux travaux ayant porté sur les parties de leur immeuble qui sont classées à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Par un second jugement n°1200688 du 28 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2017, M. et MmeC..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

- d'annuler le jugement susvisé du 28 février 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;

- d'admettre la déductibilité de leur revenu global au titre de l'année 2007 et de l'année 2008 de l'intégralité des dépenses exposées à raison de leur quote-part de travaux pour les parties communes, soit les sommes de 91 140,40 euros pour l'année 2007 et 49 075,60 euros pour l'année 2008, afin de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et des majorations auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et de rétablir le montant du déficit qu'ils avaient déclaré au titre de l'année 2008 ;

- à titre subsidiaire, d'admettre la déductibilité des dépenses effectuées à raison des seules parties classées, stricto sensu, de l'ensemble immobilier pour la somme de 84 802,63 euros relative à l'année 2007 ;

- à titre infiniment subsidiaire, de répartir cette dernière somme au titre des appels de fonds 2007 et 2008, soit respectivement les sommes de 55 122 euros et 29 680 euros ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'opération immobilière en cause se caractérise par sa double finalité qui est, d'une part, d'assurer la préservation d'un monument historique au moyen des travaux sur les façades et toitures classées à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, d'autre part, de reconvertir cet édifice protégé en locaux d'habitation ;

- dans le cas où seules certaines parties du monument sont classées ou inscrites, les dépenses se rapportant à leur conservation ou leur entretien, soit qu'elles concernent directement ces parties du monument, soit qu'elles soient rendues indispensables à la préservation de l'état général de l'immeuble, peuvent être déduites du revenu global imposable en application de l'article 156-I-3° du code général des impôts ;

- en l'espèce, deux budgets distincts ont bien été établis, l'un portant sur les parties privatives concernant la transformation de l'ensemble immobilier et un autre concernant les dépenses d'entretien et de restauration sur les parties communes dont les parties classées ;

- par ailleurs, en application de la doctrine administrative, en l'espèce la réponse ministérielle B...du 17 mars 1997, les travaux relatifs aux parties non inscrites peuvent être admis en déduction lorsque l'arrêté d'inscription relatif à l'immeuble vise par son ampleur la protection de l'ensemble architectural, tel étant le cas en l'espèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique enregistré le 3 août 2018, les requérants concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C...ont acquis le 24 décembre 2007 un local au sein d'un ensemble immobilier composé d'une ancienne usine construite au XIXe siècle et désaffectée à Elbeuf (Seine Maritime). Ce bâtiment, qui a fait l'objet d'un arrêté préfectoral du 2 décembre 1997 portant classement partiel à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques s'agissant de ses façades, des toitures et de l'emprise foncière de la cour, a fait l'objet de travaux en vue d'une transformation en locaux d'habitation. Les requérants, en application de l'article 156-I-3° du code général des impôts, ont déduit de leurs revenus imposables à l'impôt sur le revenu des dépenses d'entretien et de réparation afférentes aux parties communes de l'immeuble incluant les parties classées, à hauteur respectivement de 91 140 euros pour 2007 et de 49 076 euros pour 2008. Par une proposition de rectification du 17 décembre 2009, établie selon la procédure contradictoire, l'administration a remis en cause l'intégralité de ces déductions. Les contribuables relèvent appel du jugement du 28 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'admission desdites dépenses en tant que charges déductibles de leurs revenus imposables au titre des années 2007 et 2008.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1°) pour les propriétés urbaines, a) les dépenses de réparation et d'entretien ... b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ... "." L'article 156 du même code dispose que : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés (...) que possèdent les membres du foyer fiscal (...), sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...). / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire ou ayant fait l'objet d'un agrément ministériel (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que dans le cas où seules certaines parties d'un monument historique ont été classées à l'inventaire supplémentaire, ne sont déductibles, sur le fondement de ces dispositions, que les dépenses qui se rapportent à des travaux, des fournitures ou des services qui sont nécessaires à la conservation et à l'entretien des parties classées, soit que ces travaux concernent directement ces parties du monument, soit qu'ils soient rendus indispensables à leur préservation par l'état général de l'immeuble, ce qu'il appartient au contribuable de justifier, notamment par la production de documents attestant du lien entre les dépenses litigieuses et les parties classées. Dans l'hypothèse où le contribuable produit de tels documents, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'établir que les charges en cause ne sont pas déductibles.

3. Il résulte de l'instruction que les époux C...n'ont pas sollicité la déduction des dépenses portant sur les travaux de transformation en logements du bâtiment industriel litigieux, mais uniquement la prise en compte des travaux d'entretien et de restauration afférents aux parties communes de l'immeuble dont les façades, toitures et cour classées à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Pour apprécier le caractère déductible de ces dépenses des revenus globaux au sens des dispositions précitées, il y a lieu d'examiner si, et dans quelle mesure, ces travaux sont dissociables des travaux de reconstruction portant sur les parties privatives de l'immeuble. A cet égard, les requérants produisent une attestation de l'architecte ayant réalisé l'opération de réhabilitation, lequel certifie que l'état du bâtiment nécessitait un entretien des parties communes inscrites au risque de voir l'état du bien se dégrader, indépendamment de sa transformation en habitations. Par ailleurs, il est constant que deux budgets distincts ont bien été établis par l'association qui a mené les travaux et lancé les appels de fonds auprès des différents propriétaires, l'un portant sur les parties privatives concernant la transformation de l'ensemble immobilier et un autre sur les seules parties communes. En se bornant à affirmer, d'une part, que lorsqu'un immeuble n'est plus utilisé conformément à sa destination, l'ensemble des travaux entrepris doit être regardé comme des travaux de reconstruction non déductibles au sens de l'article 31 précité du code général des impôts, et d'autre part, qu'en l'absence de projet de transformation en logements, les dépenses de restauration n'auraient pas été engagées, ce qu'elle n'établit nullement, l'administration n'établit pas que les dépenses d'entretien affectant les parties communes classées ne seraient pas dissociables des dépenses de reconstruction. En revanche, s'agissant des travaux relatifs aux parties communes mais portant sur des parties non classées, soit les lots afférents aux menuiseries intérieures, à l'isolation, le carrelage, le parquet, la plomberie et les sanitaires, l'électricité et le chauffage, les époux C...ne produisent aucun élément de nature à établir que ces dépenses seraient rendues indispensables à la préservation des façades, toitures et de la cour. Il s'ensuit que peut être admis, dans son principe, sur le terrain de la loi fiscale, le caractère déductible des dépenses d'entretien et de restauration exposées par les intéressés en ce qui concerne les seules parties classées de l'immeuble, sous réserve toutefois de la justification précise de la nature des dépenses ainsi exposées.

4. Or, il résulte des dispositions du 1° de l'article 31 du code général des impôts rappelées au point 2, que ne peuvent être déduites que les seules dépenses de réparation et d'entretien portant sur les parties communes de l'immeuble à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction ou de reconstruction, la justification de la nature des dépenses dont la déduction est sollicitée appartenant en tout état de cause au contribuable. En l'espèce, et malgré la mesure d'instruction ordonnée en ce sens en première instance par le tribunal administratif, les requérants se bornent à produire un tableau récapitulatif du maître d'oeuvre indiquant par lots les travaux réalisés sur les parties communes de l'immeuble et faisant notamment apparaître un lot " gros-oeuvre / démolition " représentant à lui seul près de la moitié du coût total des travaux. Ce faisant, ils ne justifient pas que les travaux engagés sur les parties communes présentent bien le caractère de simples dépenses de réparation et d'entretien, seules déductibles du revenu global, et non de dépenses de reconstruction.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. M. et Mme C... se sont en outre prévalus, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. B..., député, publiée au Journal officiel des débats du 17 mars 1997, dans laquelle il est précisé que les règles selon lesquelles les déficits fonciers correspondant aux immeubles classés ou inscrits sont imputables sans limitation de montant sur le revenu global " s'appliquent dans les mêmes conditions lorsque le classement ou l'inscription à l'inventaire supplémentaire ne concerne pas la totalité de l'immeuble, à condition toutefois que ce classement ou cette inscription ne soit pas limité à des éléments isolés ou dissociables de l'ensemble immobilier, tels un escalier, des plafonds ou certaines salles, mais vise la protection de l'ensemble architectural ".

6. Il résulte de l'instruction que l'arrêté préfectoral susmentionné du 2 février 1997 inscrit notamment à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques la totalité des façades et toitures de l'immeuble en cause ainsi que l'emprise foncière de la cour. Ainsi cette inscription, éclairée par le motif dont est assorti cet arrêté, alors même qu'il n'intéresse pas l'ensemble de l'immeuble, porte sur des éléments essentiels de son architecture et n'est pas limité à des éléments isolés ou dissociables. Cet arrêté doit ainsi être regardé comme visant à la protection de l'ensemble architectural. Dès lors, comme le soutiennent les requérants, en vertu de l'interprétation administrative exprimée dans la réponse ministérielle susmentionnée, le montant des travaux d'entretien et de restauration portant sur la totalité des parties communes de l'immeuble serait susceptible, dans son principe, de participer à la constitution d'un déficit imputable sur leur revenu global.

7. Toutefois, ainsi qu'il a été développé au point 4, en se bornant à produire le seul tableau récapitulatif des travaux, les requérants ne justifient pas que les travaux engagés sur les parties communes présentent bien le caractère de simples dépenses de réparation et d'entretien, seules déductibles du revenu global, et non de dépenses de reconstruction.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC00984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00984
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : MAURO et CHAMOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-21;17nc00984 ?
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