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09/05/2019 | FRANCE | N°18NC03170

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 09 mai 2019, 18NC03170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er août 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1805113 du 10 septembre 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018, MmeB..., rep

résentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 septembre 2018 du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er août 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1805113 du 10 septembre 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 septembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 1er août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B...n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 18 décembre 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante kosovare née le 26 novembre 1998, est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour le 19 janvier 2017 pour rejoindre ses parents et ses deux frères arrivés en France en 2013. Elle a présenté une demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugiée, rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 septembre 2017 et confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 juin 2018. Par arrêté du 1er août 2018, le préfet du Haut-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 10 septembre 2018 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". L'article L. 743-3 du même code dispose que : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé (...) et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI ".

3. La décision d'une juridiction statuant en dernier ressort présente un caractère définitif alors même qu'elle peut encore faire l'objet ou qu'elle a fait l'objet d'un pourvoi en cassation et il résulte des dispositions précitées qu'à compter de la notification d'une décision de rejet par la Cour nationale du droit d'asile, l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Ainsi, et nonobstant l'exercice d'un éventuel pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, en application de l'article R. 733-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions prises par la Cour nationale du droit d'asile, qui ne sont pas en l'espèce susceptibles d'un recours suspensif d'exécution, doivent être regardées comme revêtant un caractère définitif au sens et pour l'application du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme B...a été rejetée en dernier lieu par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 juin 2018, dont elle a reçu notification le 25 juin 2018. Par suite, à la date d'édiction de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse le 1er août 2018, la reconnaissance de la qualité de réfugié lui avait été définitivement refusée par une décision qui lui était opposable. Elle se trouvait dès lors dans les prévisions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorisaient le préfet du Haut-Rhin à lui faire obligation de quitter le territoire français. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de Mme B...ne présente pas de caractère d'ancienneté. Si elle soutient qu'elle est venue en France le 19 janvier 2017 rejoindre ses parents et ses deux jeunes frères arrivés sur le territoire en 2013, il est constant qu'elle a vécu sans eux près de trois ans et demi dans son pays d'origine en étant hébergée, avec ses trois soeurs, chez ses grands-parents ainsi que chez des oncles et tantes, lesquels résident d'ailleurs toujours au Kosovo, de sorte qu'elle n'y serait pas isolée. En outre, elle ne justifie pas de son insertion en France ni du droit au séjour de ses parents, ces derniers n'ayant été autorisés à séjourner sur le territoire qu'au moyen de simples autorisations provisoires de séjour valables jusqu'au 5 juillet 2018 et donc expirées à la date de la décision attaquée. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la mesure d'éloignement doivent ainsi être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

8. Il ressort des pièces du dossier que si les instances compétentes en matière d'asile ont certes jugé établie la violente agression sexuelle dont Mme B...a été la victime dans son pays d'origine en 2016, les motifs de cette agression liés, selon les dires de la requérante, à un acte de vengeance en raison d'un différend impliquant son père, ne sont corroborés par aucun élément probant. Mme B...ne justifie pas davantage l'absence de dépôt de plainte devant les autorités compétentes au moment des faits, ni que ces dernières ne seraient pas à même de lui apporter leur protection. Il s'ensuit que la réalité des risques personnels et actuels encourus par Mme B...en cas de retour au Kosovo n'est pas démontrée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

12. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme B...une somme en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée présentée par Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 18NC03170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03170
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-09;18nc03170 ?
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