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28/05/2019 | FRANCE | N°18NC02553

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18NC02553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le préfet de la Moselle n'a pas renouvelé son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 1802153 du 9 mai 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2018 sous le n° 18NC02553,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le préfet de la Moselle n'a pas renouvelé son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 1802153 du 9 mai 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2018 sous le n° 18NC02553, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 mars 2018 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 700 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 août 2018.

Par un mémoire enregistré le 30 avril 2019, le préfet de la Moselle a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, le rapport de M. Kolbert, président-rapporteur, a été entendu.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant nigérian né le 18 novembre 1994, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 6 octobre 2016 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 août 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 février 2018. Par un arrêté du 19 mars 2018, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. C...fait appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, statuant dans le cadre des dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. M. C...reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu préalablement à son édiction. Par un jugement suffisamment motivé, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a écarté ce moyen en retenant que M.C..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile, a, à l'occasion de cette demande, été amené à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demandait son admission au séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. La magistrate désignée a également retenu qu'il ne ressort notamment pas des pièces du dossier que le requérant aurait cherché, en vain, à se prévaloir de son état de santé auprès des services de la préfecture avant que n'intervienne la mesure d'éloignement en litige. En l'absence d'éléments nouveaux apportés en appel par le requérant, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

3. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des copies de deux articles de la presse nigériane datés du 18 octobre 2016 et du 13 avril 2018, mais produits par le requérant postérieurement à l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile et au jugement attaqué, que l'intéressé a été victime, dans l'Etat d'Edo où il habitait, d'une tentative de lynchage avec son compagnon qui a perdu la vie au cours de cet épisode, en raison de leur homosexualité. Le premier de ces articles relate directement les faits qui se sont produits quelques semaines auparavant et le second relate un incident identique en se référant au précédent d'octobre 2016 et ils comportent tous deux la photographie de M. C...et mentionnent son identité. Ces pièces nouvelles corroborent le récit que l'intéressé avait, devant l'OFPRA, présenté de son parcours et notamment de sa fuite vers la France ainsi que les risques de persécution qu'il soutient encourir en raison de son orientation sexuelle, en cas de retour au Nigéria où, selon les pièces versées au dossier il est avéré, au regard de l'attitude des autorités de ce pays et de la législation qui y est en vigueur, que les personnes homosexuelles sont effectivement susceptibles de subir des discriminations et des mauvais traitements. M. C...établit, par suite, qu'en désignant le Nigéria comme le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, le préfet de la Moselle a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

Sur les frais de l'instance :

6. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à cette avocate de la somme de 700 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 9 mai 2018 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, en tant qu'il a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Moselle du 19 mars 2018 fixant le Nigéria comme pays de destination, d'une part, et cette dernière décision, d'autre part, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 700 euros à Me A...au titre des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 18NC02553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02553
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : MERLL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-28;18nc02553 ?
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