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25/06/2019 | FRANCE | N°17NC01589

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17NC01589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 mai 2015 par lequel le directeur général de l'Office national des forêts (ONF) lui a infligé la sanction de déplacement d'office avec effet à compter du 15 juillet 2015.

Par un jugement n° 1504859 du 10 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 15 mai 2

019, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 mai 2015 par lequel le directeur général de l'Office national des forêts (ONF) lui a infligé la sanction de déplacement d'office avec effet à compter du 15 juillet 2015.

Par un jugement n° 1504859 du 10 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 15 mai 2019, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 mai 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'ONF de procéder à sa réintégration dans l'emploi qu'il occupait, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'ONF le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été convoqué devant le conseil de discipline par une autorité incompétente, en méconnaissance de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- cette convocation n'est pas signée par le président du conseil de discipline et ne lui a pas été transmise par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en méconnaissance de l'article 4 du décret précité ;

- l'auteur du rapport lu devant le conseil de discipline n'avait pas reçu de délégation à cet effet, en méconnaissance de l'article 5 de ce décret ;

- la séance du conseil de discipline n'a fait l'objet d'aucune publicité, en méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté omet de mentionner l'avis rendu par le conseil de discipline, en méconnaissance de l'article 8 du décret précité du 25 octobre 1984 ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la sanction de déplacement d'office est disproportionnée au regard des faits reprochés ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2017, l'Office national des forêts, représenté par la SCP Delvolvé et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant.

Il soutient que :

- la requête peut être rejetée par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...a été recruté, le 1er février 1980, comme technicien supérieur forestier par l'Office national des forêts (ONF) pour exercer les fonctions d'agent patrimonial à Châtillon-en-Michaille dans le département de l'Ain. Par un arrêté du 29 mai 2015, le directeur général de l'ONF lui a infligé la sanction de déplacement d'office et l'a affecté sur un poste situé à Abreschviller, dans le département de la Moselle. M. A...relève appel du jugement du 10 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. / Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. / Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. Il est reproché à M. A...d'être intervenu à plusieurs reprises en 2013 et 2014 auprès de trois particuliers, propriétaires de parcelles forestières, afin de procéder à des opérations de marquage et de coupe de bois sans en avertir sa hiérarchie et en dehors de toute convention conclue entre ces propriétaires privés et l'ONF.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'enquête disciplinaire du 21 mars 2014 et du rapport présenté devant le conseil de discipline, que M. A...s'est impliqué dans le suivi d'une première exploitation privée, pour laquelle il a notamment effectué des travaux de marquage du bois à couper. Ces faits sont notamment établis par l'attestation d'un propriétaire voisin indiquant que des coupes avaient été effectuées sur sa parcelle à la suite d'une erreur lors des travaux de marquage. La plainte déposée par ce propriétaire a donné lieu à une enquête par les services de gendarmerie qui, dans un procès-verbal du 21 septembre 2013, ont relevé que " la délimitation de la parcelle a été faite par M.A..., garde forestier " et " qu'après vérification, le garde forestier a reconnu son erreur, l'ONF procèdera à une expertise afin de déterminer le montant du préjudice subi ". Si M. A...produit une attestation établie le 25 avril 2014 indiquant que le marquage des arbres à abattre a été réalisé par un entrepreneur forestier, ce document ne contredit pas les constatations faites par l'administration au vu du procès-verbal de gendarmerie précité, lequel se réfère expressément à l'intervention du requérant.

5. M. A...reconnaît avoir procédé à des opérations de marquage, notamment le 25 octobre 2013, sur une deuxième parcelle appartenant à un particulier. Il ressort des pièces du dossier que ces opérations ont été réalisées sans qu'une convention conclue avec l'ONF ait préalablement fixé les conditions de son intervention. Le courrier du 26 mars 2014 émanant du propriétaire intéressé ne permet pas, eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, de contredire les faits reprochés au requérant sur ce point. M. A...a passé un accord avec le propriétaire privé d'une troisième parcelle, le 2 avril 2014, pour la vente d'un lot de bois dont il avait réalisé la coupe. Ce propriétaire a reconnu, auprès du supérieur hiérarchique de M.A..., que ce dernier avait réalisé les travaux précités à compter du mois de décembre 2013, sans qu'une convention de gestion ait été passée avec l'ONF. M. A...ne justifie pas la régularité de ses interventions sur les deux parcelles privées en indiquant avoir saisi l'agence commerciale de l'ONF de Bourg-en-Bresse pour obtenir des devis, dès lors que cette agence a été saisie le 25 avril 2014 après qu'il a été mis en cause lors de la réunion du 21 mars précédent. Enfin, le requérant n'établit pas non plus que sa hiérarchie aurait admis que ses agents puissent intervenir sur des propriétés privées, en dehors du cadre législatif et réglementaire subordonnant de telles interventions à la conclusion de conventions de gestion avec les propriétaires privés.

6. Il résulte de ce qui précède que les faits reprochés à M. A...sont établis. Ces faits présentent un caractère fautif et justifient une sanction.

7. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...aurait déjà été sanctionné depuis son recrutement par l'ONF le 1er février 1980. Si les faits reprochés se sont produits de façon réitérée, en 2013 et 2014, et révèlent de la part de l'agent incriminé une méconnaissance de la réglementation en vigueur, il n'est pas établi, ni même allégué que l'intéressé aurait perçu quelque somme que ce soit des propriétaires privés et serait ainsi intervenu en dehors du cadre du service. La circonstance que le procès-verbal de gendarmerie cité au point 4 fasse référence à l'ONF n'est pas de nature à démontrer que les interventions de M. A...dans des conditions irrégulières auraient porté atteinte à la réputation de l'administration. Dès lors, la sanction affectant le requérant à Abreschviller, dans le département de la Moselle, présente, dans les circonstances de l'espèce, un caractère disproportionné.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation de la décision ayant illégalement muté un agent public oblige l'autorité compétente à replacer l'intéressé dans l'emploi qu'il occupait précédemment, sauf en cas de démonstration de l'impossibilité absolue d'y procéder. Il ne résulte pas de l'instruction que la réintégration de M. A...dans l'emploi qu'il occupait avant d'être sanctionné serait impossible. Il y a lieu dès lors d'enjoindre à l'ONF de replacer le requérant dans son emploi précédent, dans un délai de deux mois, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'exécution d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont l'ONF demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONF une somme de 1 500 euros à verser à M. A...en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1504859 du 10 mai 2017 et l'arrêté du directeur général de l'ONF du 29 mai 2015 infligeant la sanction de déplacement d'office à M. A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'ONF de replacer M. A...dans son emploi précédent dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'ONF versera la somme de 1 500 euros à M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administratives.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONF sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à l'Office national des forêts.

2

N° 17NC01589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01589
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SERFATY VENUTTI CAMACHO et CORDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-25;17nc01589 ?
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