La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2019 | FRANCE | N°18NC01535

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 juin 2019, 18NC01535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Ormeaux a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 30 août 2016 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a prononcé la déchéance du montant total de ses aides découplées et couplées animales et végétales du premier pilier et de ses aides surfaciques du deuxième pilier au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1603238 du 20 mars 2018, le tribunal administratif a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation d

e la décision en date du 30 août 2016 en tant qu'elle prononce la déchéance des droit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Ormeaux a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 30 août 2016 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a prononcé la déchéance du montant total de ses aides découplées et couplées animales et végétales du premier pilier et de ses aides surfaciques du deuxième pilier au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1603238 du 20 mars 2018, le tribunal administratif a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 30 août 2016 en tant qu'elle prononce la déchéance des droits du GAEC des Ormeaux aux aides découplées animales au titre de l'année 2016 et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 mai 2018 et le 12 avril 2019, le GAEC des Ormeaux, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté ses conclusions ;

2°) d'annuler la décision contestée du préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions incidentes du ministre de l'agriculture et de l'alimentation soulèvent un litige distinct et sont irrecevables ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a prononcé un non-lieu partiel ;

- les paiements par l'administration ont créé des droits à son profit ;

- la décision contestée est entachée de vice de procédure ; il n'a pas bénéficié du préavis par appel téléphonique dans les délais prévus par la circulaire DGAL/SDSPA/C2010-8001 DGPAAT/SDG/C2010-3014 du 10 février 2010 ; le contrôle n'a pas été effectué par des agents habilités et assermentés en application des articles L. 313-1, R. 622-50 et R. 622-47 du code rural et de la pêche maritime ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas opposé au contrôle un refus susceptible d'entraîner une déchéance totale des aides ;

- l'absence de contrôle a été mineure ;

- il établit la présence de circonstances exceptionnelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement en tant qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu à statuer.

Il soutient que :

- les paiements effectués au GAEC des Ormeaux ne s'analysent pas comme un retrait de la décision contestée ;

- la requête est irrecevable dès lors que le GAEC des Ormeaux ne justifie pas de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de sorte qu'il ne démontre pas sa capacité pour agir ;

- la requête est irrecevable dès lors qu'en s'abstenant de produire ses statuts, le GAEC des Ormeaux ne justifie pas que son gérant disposerait du pouvoir d'ester en justice ;

- les moyens soulevés par le GAEC des Ormeaux ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la commission du 17 juillet 2014 établissant les modalités d'application du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité ;

- le règlement (UE) n° 1306/2013 du parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune ;

- le code rural et de pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le GAEC des Ormeaux, exploitant agricole dans le département de Meurthe-et-Moselle, a déposé, le 7 janvier 2016, une demande d'aides communautaires au titre de l'année 2016. A la suite d'un contrôle sur place du 15 juin 2016 effectué par des agents de la direction régionale de l'Agence de services et de paiement et du "service agriculture forêt chasse" de la direction départementale des territoires, au titre du respect des règles d'identification des bovins faisant partie des règles de conditionnalité, le préfet de Meurthe-et-Moselle a prononcé, par décision du 30 août 2016, la déchéance du montant total des aides découplées et couplées animales et végétales du 1er pilier et des aides surfaciques du 2ème pilier du GAEC des Ormeaux au titre de l'année 2016. Par le jugement attaqué du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 30 août 2016 en tant qu'elle prononçait la déchéance des droits du GAEC des Ormeaux aux aides relevant du 1er pilier et a rejeté le surplus des conclusions du GAEC relatives aux aides relevant du 2ème pilier. Le GAEC interjette appel du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions et, par la voie de l'appel incident, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé un non-lieu.

Sur l'appel principal :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 25 du règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la commission du 17 juillet 2014 relatif à l'annonce des contrôles : " Les contrôles sur place peuvent être précédés d'un préavis pour autant que cela n'interfère pas avec leur objectif ou leur efficacité. Tout préavis est strictement limité à la durée minimale nécessaire et ne peut dépasser 14 jours. / Toutefois, en ce qui concerne les contrôles sur place relatifs aux demandes d'aide " animaux " ou aux demandes de paiement au titre des mesures de soutien lié aux animaux ou des engagements notifiés conformément à l'article 14 bis, paragraphe 5, le préavis ne peut dépasser 48 heures, sauf dans des cas dûment justifiés. En outre, lorsque la législation applicable aux actes et aux normes ayant une incidence sur la conditionnalité impose que les contrôles sur place soient effectués de façon inopinée, ces règles s'appliquent aussi aux contrôles sur place portant sur la conditionnalité ".

3. Le GAEC des Ormeaux soutient que la décision contestée est entachée de vice de procédure dans la mesure où, avant le contrôle sur place, il n'a pas bénéficié du préavis par appel téléphonique dans les délais prévus par la circulaire du 10 février 2010.

4. Il ressort des pièces du dossier que par lettre du samedi 11 juin 2016, le GAEC a été prévenu qu'un contrôle sur place aurait lieu le mardi 14 juin à 9 heures 15. Si le GAEC admet qu'il a reçu ce courrier le lundi 13 juin, il fait valoir qu'aucune confirmation téléphonique ne "l'a atteint" le même jour, contrairement à ce que prévoit la circulaire du 10 février 2010, alors que l'administration affirme avoir téléphoné à M. B..., le gérant du GAEC sans pouvoir le joindre et avoir laissé un message téléphonique. En tout état de cause, il est constant que quand les contrôleurs se sont présentés le mardi 15 et qu'ils ont été informés que le gérant du GAEC était absent, ils ont décidé de revenir le lendemain. Ainsi et en admettant même que le GAEC puisse utilement se prévaloir de la circulaire du 23 février 2011, qui a remplacé celle du 10 février 2010, le GAEC n'a pas été privé de garanties. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure ne peut être accueilli.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 622-50 du code rural et de la pêche maritime : " Les agents de l'établissement mentionné à l'article L. 313-1 [l'Agence de services et de paiement], peuvent réaliser auprès des exploitants, des entreprises et de tout organisme ayant un lien direct ou indirect avec les missions relevant de la compétence de l'établissement, tout contrôle portant, d'une part, sur les missions relevant de la compétence de celui-ci en vertu de la réglementation communautaire ou nationale et, d'autre part, sur les missions qui lui ont été déléguées. / Cette mission leur est confiée par une décision du directeur général de l'établissement, qui précise leur compétence territoriale. A l'exception des agents non titulaires affectés à des activités saisonnières ou occasionnelles, ils sont assermentés dans les conditions prévues à l'article R. 622-47 ". Aux termes de l'article R. 622-47 du même code : " Avant d'entrer en fonctions, les agents mentionnés à l'article R. 622-46 présentent au tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont domiciliés leur acte de désignation et prêtent devant lui le serment ci-après : " Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions et de ne rien révéler ou utiliser, directement ou indirectement même après la cessation de mes fonctions, de ce qui aura été porté à ma connaissance à l'occasion de leur exercice ". / La prestation de serment n'est pas renouvelée en cas de changement de grade, d'emploi ou de résidence de l'agent ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le contrôle du mercredi 15 juin a été effectué par le chef du service agriculture de la direction départementale des territoires, ainsi que par deux agents de l'Agence de services et de paiement tous deux habilités et dont l'un avait prêté serment. Ainsi, l'administration justifie que les agents chargés du contrôle étaient régulièrement habilités et que l'un au moins était régulièrement assermenté pour procéder aux constations qui ont été opposées au GAEC.

7. En troisième lieu, aux termes du point 7 de l'article 59 du règlement susvisé n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 : " Une demande d'aide ou une demande de paiement est rejetée si le bénéficiaire ou son représentant empêche la réalisation d'un contrôle sur place, sauf dans les cas de force majeure ou dans des circonstances exceptionnelles ".

8. Aux termes du dernier alinéa de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime : " En cas de refus d'un contrôle conduit au titre de la conditionnalité, le taux de réduction des aides soumises aux règles de conditionnalité prévues par la politique agricole commune est fixé à 100 % ".

9. Pour prendre la décision contestée, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur ce que M. B..., gérant du GAEC des Ormeaux, avait refusé de permettre aux contrôleurs d'accéder à des parcs situés hors de l'exploitation où se trouvaient des génisses. Le GAEC soutient qu'il ne peut être regardé comme ayant refusé le contrôle, dès lors que les prés étaient impraticables en raison des intempéries, qu'il a proposé un autre rendez-vous pour le samedi ou le lundi suivant aux agents de l'administration qui ne se sont pas présentés ces jours-là et que son refus était, en tout état de cause, mineur dès lors qu'il ne portait que sur 122 bovins sur 596 soit 15 % du cheptel, les contrôleurs ayant pu examiner les autres bêtes dans la ferme. Il fait également valoir que les intempéries constituent un cas de force majeure au sens de l'article 29 du règlement (UE) n° 1306/2013.

10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est opposé dès l'annonce du contrôle à ce que celui-ci porte sur les génisses parquées dans les prés situés à l'extérieur de l'exploitation. En effet, le 13 juin 2016, il a écrit une lettre que son épouse a remise aux contrôleurs le 14 juin 2016, dans laquelle il expliquait les raisons de son absence ce jour-là, et qui mentionnait déjà que les animaux en pâture ne pouvaient pas être dérangés afin de préserver l'état du pâturage déjà abîmé par de fortes pluies. Il ressort du compte-rendu du contrôle du 15 juin établi par les agents que M. B... a réitéré ce refus le mercredi après-midi, bien que les agents lui aient proposé de procéder au contrôle du marquage des génisses depuis la route, à l'aide de jumelles et après qu'ils lui eurent proposé de revenir le lundi suivant. Si M. B... fait valoir qu'il a proposé aux contrôleurs un autre rendez-vous le samedi 18 juin, il ressort des pièces du dossier qu'il a entendu ne pas permettre le déroulement du contrôle concernant ces génisses. Le GAEC ne peut utilement soutenir que le refus de contrôle était mineur en ce qu'il ne portait que sur 15 % du troupeau, alors que les dispositions règlementaires précitées prévoient que tout refus de contrôle conduit à la suppression de la totalité des aides dont le maintien dépend du respect des règles de conditionnalité. Le GAEC ne peut davantage utilement invoquer l'excuse de force majeure, alors qu'il ne démontre pas en quoi la présence de quelques personnes sur ses prés aurait été de nature à en aggraver l'état et qu'il lui avait été proposé de procéder au contrôle sans pénétrer sur les parcs. Dans ses conditions, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle méconnaît les dispositions précitées ne peut être accueilli.

Sur l'appel incident :

11. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 30 août 2016 en tant qu'elle prononçait la déchéance des droits du GAEC des Ormeaux à l'aide couplée et aux aides découplées du 1er pilier de la PAC prévues par le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement et du Conseil. Le tribunal administratif a rejeté les conclusions du GAEC relatives aux aides aux bovins allaitants, qui faisaient partie d'aides au développement rural dites du 2ème pilier relevant du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement et du Conseil. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la décision contestée était divisible. Dans ces conditions, en demandant par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 1er du jugement prononçant un non-lieu relatif aux aides du 1er pilier alors que le GAEC n'a demandé l'annulation que de l'article 2 du jugement relatif aux aides du 2ème pilier, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation soulève un litige distinct. En conséquence, son appel incident n'est pas recevable.

12. Il résulte de ce qui précède que le GAEC des Ormeaux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté une partie de ses conclusions et que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé un non-lieu sur l'autre partie des conclusions du GAEC.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de l'Etat la somme que le GAEC des Ormeaux demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'appel principal du GAEC des Ormeaux et l'appel incident du ministre de l'agriculture et de l'alimentation sont rejetés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC des Ormeaux et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 18NC01535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01535
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-06 Agriculture et forêts. Bois et forêts.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BUISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-27;18nc01535 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award