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23/07/2019 | FRANCE | N°18NC02253

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 18NC02253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans à compter de la notification de la décision.

Par un jugement n° 1801549 du 12 juillet 2018, la magistrate désignée par la prési

dente du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans à compter de la notification de la décision.

Par un jugement n° 1801549 du 12 juillet 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2018, M.B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui restituer son passeport et ses effets personnels, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'auteur de la décision était incompétent pour l'édicter ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- il dispose d'un logement stable ; par conséquent, la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ;

- la décision contestée est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Sur la fixation du pays de renvoi :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision contestée est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 22 novembre 2018.

Par ordonnance du 18 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2019 à 12 heures.

Un mémoire, présenté par le préfet de la Moselle, a été enregistré le 27 juin 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant albanais né le 3 janvier 1973, a déclaré être entré en France avec les membres de sa famille en 2011. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 octobre 2013 et par la Cour nationale du droit d'asile le 10 octobre 2014. M. B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé en 2015 qui lui a été refusée par une décision du 7 octobre 2015. Le requérant a été écroué le 20 juin 2016 pour trafic de stupéfiants et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement qui a été exécutée le 10 mai 2017. M. B...est revenu en France et, à l'issue d'un contrôle d'identité qui a eu lieu le 7 juin 2018, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, par un arrêté du même jour. Le requérant relève appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision obligeant M. B...à quitter le territoire français :

2. En premier lieu, par un arrêté du 30 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Moselle du même jour, le préfet de la Moselle a donné délégation à Mme F...C..., directrice de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer l'ensemble des actes se rapportant aux matières relevant de sa direction, à l'exclusion des circulaires, instructions et arrêtés prononçant l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article 4 du même arrêté prévoit que M.G..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement et de l'asile de la préfecture de la Moselle, est habilité à signer les décisions, pour les matières relevant de son bureau, en lieu et place de Mme C...en cas d'absence ou empêchement de cette dernière. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... n'était pas absente ou empêchée le 7 juin 2018, lorsque M. G...a signé la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de son auteur manque en fait.

3. En deuxième lieu, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. La circonstance qu'elle serait entachée d'une ou plusieurs erreurs de fait est sans incidence au regard de l'obligation de motivation des décisions administratives qui est d'ordre formel. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Sous réserve des conventions internationales, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 211-3, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

5. Pour édicter la décision litigieuse, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur la circonstance que M. B...ne disposait pas d'un logement stable et que, par conséquent, il ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B...soutient que cette décision est entachée d'une erreur de fait au motif qu'il bénéficie d'un logement à Rombas et il produit notamment un contrat de bail, des quittances de loyers et des factures d'eau et d'électricité. Toutefois, la décision contestée est également fondée sur les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du même code et il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de ce que la reconnaissance de la qualité de réfugié a été définitivement refusée à M.B.... Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

7. M. B...fait valoir qu'il vit en France depuis 2011 avec son épouse, qui bénéficie d'un traitement médical pour schizophrénie, et ses trois enfants, nés les 13 septembre 2000, 20 mars 2002 et 12 septembre 2004 et qu'il dispose d'un logement stable à Rombas. Il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est maintenu en France en dépit des refus de séjour dont il a fait l'objet le 21 novembre 2014, à la suite du rejet de sa demande d'asile, et le 7 octobre 2015. Il a fait l'objet d'une condamnation en 2016 pour trafic de stupéfiants et a été renvoyé en Albanie le 10 mai 2017. Son épouse est également en situation irrégulière et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait bénéficier de traitements médicaux en Albanie et que leurs enfants ne pourraient y poursuivre leur scolarité. Par suite, et égard aux conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B...doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant

9. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières s'opposeraient à ce que M. B...et sa femme retournent en Albanie avec leurs trois enfants. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, l'arrêté attaqué, en ce qu'il fixe le pays à destination duquel M. B... pourra être renvoyé, comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. S'il soutient qu'il est personnellement menacé dans son pays d'origine, le requérant, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, ne produit aucun document probant en se bornant à verser au dossier un article de presse sur la vendetta en Albanie. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

13. Pour les motifs exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Dhers, président assesseur,

Mme Bauer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juillet 2019.

Le rapporteur,

Signé : S. DHERSLe président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : S. GODARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. GODARD

2

N° 18NC02253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02253
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : WASSERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;18nc02253 ?
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