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23/07/2019 | FRANCE | N°18NC02304-18NC02305

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 18NC02304-18NC02305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800715 du 25 juillet 2018, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral contesté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 août et le 25 octobre 2018,

sous le n° 18NC2304, le préfet du Jura demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800715 du 25 juillet 2018, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral contesté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 août et le 25 octobre 2018, sous le n° 18NC2304, le préfet du Jura demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de MmeA....

Il soutient que :

- aucun élément ne permettait d'étayer le vice de procédure allégué ;

- le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve ;

- le juge a méconnu ses pouvoirs d'instruction ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit ;

- il est fondé sur des faits matériellement inexacts ;

- la question posé justifierait une demande d'avis sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

- il n'y a pas eu méconnaissance du secret médical ;

- l'attestation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration fait foi ;

- les autres moyens invoqués en demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2018, Mme B...A..., représentée par Me Dravigny conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet a nécessairement eu connaissance du nom du médecin qui a rédigé le rapport transmis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le tribunal administratif était fondé à retenir qu'il appartenait au préfet d'apporter les éléments permettant l'identification du médecin rapporteur ;

- l'attestation du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est postérieure au refus de titre de séjour et démontre que le préfet ne s'est pas assuré de la régularité de la composition du collège des médecins avant d'émettre son avis ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour, méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 août et le 25 octobre 2018, sous le n° 18NC02305, le préfet du Jura demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de MmeA....

Il soutient que :

- le jugement expose l'Etat à la perte définitive de la somme qu'il a été condamné à verser au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- les moyens soulevés dans la requête en appel sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2018, Mme B...A..., représentée par Me Dravigny conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle total dans ces deux dossiers par deux décisions du 18 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante du Kosovo, est entrée irrégulièrement en France en septembre 2010. Après avoir sollicité en vain le statut de réfugié, elle s'est vu délivrer une carte de séjour en qualité d'étranger malade, valable jusqu'au 29 novembre 2017. Par arrêté du 15 mars 2018, le préfet du Jura a refusé de renouveler ce titre de séjour. Le préfet forme appel du jugement du 25 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté.

2. Les requêtes n° 18NC02304 et 18NC02305 du préfet du Jura sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

4. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016: " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en raison de son état de santé de se prononcer au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet.

6. Il ressort de l'attestation précise du directeur territorial de Besançon de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, produite pour la première fois en appel par le préfet du Jura et qui n'est pas dépourvue de valeur probante par le fait qu'elle a été établie après la décision contestée, que le médecin qui a établi le rapport requis dans le cadre de la demande de titre de séjour présentée par Mme A...n'a pas siégé au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite et alors même que le tribunal administratif n'a pas renversé la charge de la preuve ni méconnu ses pouvoirs d'instruction en jugeant qu'il appartenait au préfet du Jura de produire les éléments de preuve pour répondre au moyen tiré par Mme A...de l'irrégularité de la composition du collège des médecins, l'avis du collège des médecins n'est pas irrégulier.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur l'irrégularité de la procédure pour annuler l'arrêté préfectoral contesté.

8. Il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :

9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

10. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée peut voyager sans risques vers son pays d'origine.

11. Toutefois, il ressort de certificats médicaux d'un psychiatre, praticien hospitalier, médecin agréé, qui suit Mme A...depuis 2015, que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médico-psychiatrique, que le suivi psychiatrique et le traitement pharmaceutique prescrit doivent se poursuivre sur plusieurs années, le défaut de traitement pouvant entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ces éléments circonstanciés émanant d'un spécialiste sont de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, en se fondant sur cet avis et en mentionnant qu'aucun élément n'était de nature à le remettre en cause, le préfet du Jura a méconnu l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché d'illégalité le refus de renouvellement de titre de séjour pour raisons de santé opposé à MmeA.... Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination doivent également être annulées.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Jura n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 15 mars 2018.

Sur la requête n° 18NC02305 :

13. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête tendant au sursis à exécution de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

14. Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Dravigny, avocate de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny d'une somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18NC02305.

Article 2 : La requête n° 18NC02304 est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dravigny une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

2

N° 18NC02304 - 18NC02305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02304-18NC02305
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;18nc02304.18nc02305 ?
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