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17/10/2019 | FRANCE | N°18NC01090

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2019, 18NC01090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) SNEF a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la région Bourgogne Franche-Comté à lui verser une somme de 259 651,89 euros hors taxes au titre du solde d'un marché conclu le 12 janvier 2012 relatif aux travaux d'électricité et de courants faibles nécessaires à la construction du bâtiment " Temis Sciences " à Besançon, ainsi qu'une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice causé par sa résistance abusive.

Par jugement n° 1601392 du 8 févr

ier 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) SNEF a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la région Bourgogne Franche-Comté à lui verser une somme de 259 651,89 euros hors taxes au titre du solde d'un marché conclu le 12 janvier 2012 relatif aux travaux d'électricité et de courants faibles nécessaires à la construction du bâtiment " Temis Sciences " à Besançon, ainsi qu'une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice causé par sa résistance abusive.

Par jugement n° 1601392 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 mars 2019, la SA SNEF, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601392 du tribunal administratif de Besançon du 8 février 2018 ;

2°) de condamner la région Bourgogne Franche-Comté à lui verser les sommes de 259 651,89 euros hors taxes au titre du solde du marché et de 50 000 euros en réparation du préjudice causé par sa résistance abusive ;

3°) de mettre à la charge de la région Bourgogne Franche-Comté une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le décompte final présenté par elle ainsi que son mémoire en réclamation étaient prématurés, l'ensemble des travaux dont elle avait la charge ayant été réceptionnés ;

- dès lors qu'aucun décompte général n'a fait suite au décompte final qu'elle présentait, elle devait mettre en demeure le maître de l'ouvrage de notifier le décompte général, ce qu'elle a fait de manière non prématurée le 27 octobre 2015 ;

- ses demandes correspondant aux travaux relatifs à l'extension de la salle blanche, pour un montant de 25 887,35 euros, à la perte de temps liée aux difficultés d'accès au chantier causées par l'absence d'escalier, à la dérive des études et aux prolongations de délais sont fondées ;

- elle est fondée à demander le paiement des travaux supplémentaires non valorisés par avenants ;

- par le décompte final établi par elle, elle justifie qu'une somme de 259 651,89 euros HT lui reste due au titre du solde du marché ;

- une somme de 50 000 euros devra lui être allouée à raison de la résistance abusive dont la région a fait preuve.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2018, la région Bourgogne Franche-Comté, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SA SNEF sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en considérant que ni les opérations de réception, ni les travaux n'étaient achevés lors de la transmission du projet de décompte final par la société requérante, les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits ;

- dès lors que les travaux n'étaient pas achevés dans leur ensemble et réceptionnés, la SA SNEF a transmis son décompte final de façon prématurée, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont regardé sa requête comme irrecevable ;

- le décompte général est devenu le décompte général et définitif et il n'est plus susceptible de recours ;

- en tout état de cause, la société requérante ne justifie pas de la nature du préjudice subi.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la société SNEF tendant à la condamnation de la région Bourgogne Franche-Comté à lui verser une somme de 259 651,89 euros HT au titre du solde du marché compte tenu de l'intervention en cours d'instance d'un décompte général définitif le 20 juillet 2018.

Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office a été présenté pour la SA SNEF le 20 mai 2019, par lequel cette dernière considère qu'il y a toujours lieu de statuer sur ses conclusions d'appel.

Elle soutient que le conseil régional n'a jamais réglé les montants incontestablement dus.

Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office a été présenté pour la région Bourgogne Franche-Comté le 19 juin 2019, par lequel cette dernière considère qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la SA SNEF.

Elle soutient que le décompte général, adressé à la société requérante le 21 juillet 2018, est devenu le décompte général et définitif du marché.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la société SNEF, et de Me A..., pour la région Bourgogne Franche-Comté.

Considérant ce qui suit :

1. En 2011, la région Bourgogne Franche-Comté a engagé une opération dénommée " Temis Sciences ", sous la maîtrise d'ouvrage déléguée à la Société d'Economie et d'Equipement du Doubs (SEDD), consistant à réaliser un bâtiment de recherche et l'extension d'un bâtiment existant par l'ajout d'une salle blanche afin de regrouper à Besançon, au sein d'un même pôle de compétitivité des microtechniques, toutes les équipes d'un laboratoire de recherche spécialisées dans les microtechniques et les nanotechniques. Par un acte d'engagement du 4 janvier 2012, le lot n° 16 " électricité et courants faibles " de ce marché a été confié à la société SNEF, pour un montant initial de 1 497 277,97 euros hors taxes (HT), porté à 1 662 036,79 euros HT après la signature de trois avenants. La société SNEF relève appel du jugement n° 1601392 du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant au règlement d'une somme totale de 259 651,89 euros, au titre du solde du marché, ainsi qu'au versement d'une somme de 50 000 euros à raison du préjudice que lui aurait causé la résistance abusive de la région Bourgogne Franche-Comté dans le règlement du solde du marché.

Sur la demande tendant au règlement du solde du marché :

2. En l'espèce, les parties sont convenues de rendre applicables au marché en litige les stipulations du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009.

3. D'une part, aux termes de l'article 41.8 du cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux : " Toute prise de possession des ouvrages par le maître d'ouvrage doit être précédée de leur réception. / Toutefois, s'il y a urgence, la prise de possession peut intervenir antérieurement à la réception, sous réserve de l'établissement préalable d'un état des lieux contradictoire ". L'article 42.1 du même cahier des clauses administratives générales stipule : " La fixation par le marché pour une tranche de travaux, un ouvrage ou une partie d'ouvrage, d'un délai d'exécution distinct du délai d'exécution de l'ensemble des travaux implique une réception partielle de cette tranche de travaux ou de cet ouvrage ou de cette partie d'ouvrage. / Les dispositions de l'article 41 s'appliquent aux réceptions partielles, sous réserve des articles 42.3 et 42.4. ". Selon l'article 42.2 : " La prise de possession par le maître de l'ouvrage, avant l'achèvement de l'ensemble des travaux, de certains ouvrages ou parties d'ouvrages, doit être précédée d'une réception partielle dont les conditions sont fixées par les documents particuliers du marché et notifiées par ordre de service. Ces conditions doivent au moins comporter l'établissement d'un état des lieux contradictoire. ". Enfin, l'article 42.4 du même cahier stipule : " Dans tous les cas, le décompte général est unique pour l'ensemble des travaux, la notification de la dernière décision de réception partielle faisant courir le délai prévu au 32 de l'article 13. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 13.32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. ". Aux termes de l'article 50.1 : " Mémoire en réclamation : 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre. Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. 50.1.2. Après avis du maître d'oeuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. ".

5. Enfin aux termes de l'article 50.3 du même cahier, relatif à la procédure contentieuse : " 50.3.1 A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation. / 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. ".

6. Il résulte de ces stipulations que le titulaire d'un marché de travaux doit adresser son projet de décompte final après achèvement des travaux, et dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification de la décision de réception des travaux. Dans le cas de réceptions partielles, ce projet doit être adressé après la notification de la dernière décision de réception partielle. Le décompte général est unique pour tous les travaux, quelle que soit leur date de réception.

7. Il résulte de l'instruction que les travaux réalisés par la société SNEF ont donné lieu à plusieurs décisions de réception partielle, l'une, relative aux travaux de la salle blanche, à effet du 23 septembre 2013, l'autre avec réserves, relative à une partie des travaux du bâtiment de recherche, consignée dans un procès-verbal du 4 août 2014, avec date d'effet au 25 juillet 2014. Si l'autre partie des travaux relatifs à ce dernier bâtiment a donné lieu à un procès-verbal de réception avec réserves du 17 février 2015, prenant effet, une nouvelle fois, au 25 juillet 2014, la société SNEF ne conteste pas que la SEDD lui a, par un ordre de service n° 28 notifié le 11 août 2014, demandé de réaliser des travaux supplémentaires, non prévus au marché, qui ont d'ailleurs fait l'objet de l'avenant n° 3 signé le 23 décembre 2015. Si la société SNEF soutient que ces travaux étaient achevés et réceptionnés par les procès-verbaux précités, de sorte que le procès-verbal du 17 février 2015 devait tenir lieu de dernière décision de réception partielle, la seule mention contenue dans le document du maître d'oeuvre analysant son mémoire en réclamation, établi le 13 novembre 2015, qui se borne à indiquer que l'ensemble des sommes dues à l'entreprise sont en cours de régularisation avec l'avenant n° 3, ne peut suffire à l'établir.

8. Dans ces conditions, la société SNEF doit être regardée comme ayant transmis de manière prématurée son projet de décompte final, de sorte que ses courriers de réclamation des 20 février 2015 et 27 octobre 2015, ainsi que la mise en demeure d'établir le décompte général et définitif, adressée au président du conseil régional de Bourgogne Franche-Comté le 23 mars 2016, ne pouvaient tenir lieu de mémoire en réclamation au sens de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux. D'ailleurs, dans son courrier de réponse à cette mise en demeure, la SEDD avait expressément indiqué que les prestations de l'avenant n° 3 étaient en cours de réalisation et que le projet de décompte transmis par la société SNEF en octobre 2015 ne prenait pas en compte l'avenant n° 3, " le marché n'étant pas totalement terminé ".

9. Il résulte enfin de l'instruction que postérieurement à la date d'enregistrement de la requête de la société SNEF, cette dernière a, le 19 juin 2018, d'une part, accusé réception du procès verbal de réception définitive du marché, d'autre part notifié un projet de décompte final à la SEDD. La région Bourgogne Franche-Comté justifie par ailleurs que la SEDD a notifié à la société SNEF le décompte général du marché le 26 juillet 2018. Si la société SNEF fait valoir que la région Bourgogne Franche-Comté n'a jamais réglé les montants qui lui étaient incontestablement dus, cette circonstance est sans incidence sur l'intervention du décompte général. En tout état de cause, la région Bourgogne Franche-Comté justifie du détail du règlement des sommes dues à la société SNEF. L'intervention du décompte général rendant sans objet la saisine de la cour administrative d'appel s'agissant de la demande tendant au règlement du solde du marché, il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur la demande tendant à la réparation du préjudice causé par une résistance abusive de la région :

10. Il ne résulte pas de l'instruction que le comportement de la région Bourgogne Franche-Comté, qui s'est bornée à attendre que le maître d'ouvrage délégué et la société SNEF procèdent aux formalités de réception définitive de l'ouvrage et de règlement du solde du marché, puisse être regardé comme constitutif d'une résistance abusive ouvrant droit à réparation.

11. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice résultant d'une résistance abusive qu'elle impute au maître d'ouvrage.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Bourgogne Franche-Comté n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement de la somme que la société SNEF demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société SNEF le versement de la somme de 1 500 euros à la région Bourgogne Franche-Comté.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société SNEF tendant au règlement du solde du marché.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SNEF est rejeté.

Article 3 : La société SNEF versera une somme de 1 500 euros à la région Bourgogne Franche-Comté sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SNEF et à la région Bourgogne Franche Comté.

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No 18NC01090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01090
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : STAEDELIN MULLER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-17;18nc01090 ?
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