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12/11/2019 | FRANCE | N°19NC00844

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 12 novembre 2019, 19NC00844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 mars 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1800850 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administr

atif de Châlons-en-Champagne du 15 janvier 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 mars 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1800850 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 janvier 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 mars 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A..., son avocate, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles 3§1 et 28 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que sa fille Milena est scolarisée en classe de 5ème ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne peut pas résider régulièrement en Russie et a fait une demande de reconnaissance du statut d'apatride, actuellement en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

La procédure a été communiquée au préfet de l'Aube qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. C... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 4 octobre 1974 en Azerbaïdjan, est entré irrégulièrement en France le 16 août 2011 avec sa compagne et leur fille Milena, née le 22 mars 2005. Sa demande d'asile et sa demande de réexamen ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) des 26 juin 2012 et 12 juin 2013. Ces décisions ont été confirmées par des arrêts des 22 avril 2013 et 19 juin 2014 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 4 avril 2013, devenu définitif, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 8 octobre 2015, le préfet de l'Aube a édicté un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai. M. C... est resté en France. Il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 23 octobre 2017. Par un arrêté du 7 mars 2018, le préfet de l'Aube a rejeté cette nouvelle demande de titre de séjour. Par un jugement du 15 janvier 2019, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 7 mars 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans ses écritures devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, M. C... soutenait que le refus de titre de séjour en litige méconnaissait son droit de mener une vie privée et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si le jugement attaqué vise ce moyen, il n'y répond pas. Il suit de là, que le jugement du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui omet de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être annulé.

3. Il y a lieu, en conséquence, de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 mars 2018 :

4. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. La fille de M. C..., Milena, née le 22 mars 2005, est entrée en France avec ses parents en août 2011, alors qu'elle était âgée de 6 ans. A la date de l'arrêté attaqué, elle était âgée de douze ans et scolarisée en classe de 5ème pour l'année scolaire 2018-2019. Cependant, le préfet de l'Aube n'a pas édicté de décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. C.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé aurait une incidence sur la poursuite de la scolarité de Milena. M. C... précise d'ailleurs qu'elle poursuit actuellement sa scolarité en France. Le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, par suite, être écarté.

6. En deuxième lieu, les articles 28 et 29 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui portent sur le droit de l'enfant à l'éducation et sur les objectifs que les Etats parties doivent rechercher en ce domaine, créent des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés et ne peuvent être utilement invoquées par M. C... pour contester l'arrêté litigieux. En tout état de cause, ainsi qu'il est dit au point 5, l'arrêté contesté est sans incidence sur le droit à l'éducation de Milena, actuellement scolarisée.

7. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré en France, selon ses déclarations, en août 2011, n'a jamais bénéficié d'un titre de séjour. Il s'est maintenu en situation irrégulière en dépit de deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français édictés à son encontre, les 4 avril 2013 et 8 octobre 2015. Sa compagne, ressortissante arménienne dont la demande d'asile a été rejetée, est également en situation irrégulière. Elle n'a pas déféré à l'arrêté du 5 avril 2016 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. La mère de M. C... est également en situation irrégulière en France, où elle est restée malgré un arrêté du 26 octobre 2015 du préfet de l'Aube portant obligation de quitter le territoire français En outre, le refus de titre de séjour opposé à M. C..., qui n'est assorti d'aucune obligation de quitter le territoire français, ne fait pas obstacle au maintien de la cellule familiale qu'il compose avec sa compagne et sa fille. Par suite, l'arrêté du 7 mars 2018 du préfet de l'Aube ne porte pas atteinte au droit de M. C... à une vie privée et familiale normale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Selon l'article R. 311-2-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ".

10. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 7 mars 2018 du préfet de l'Aube que la demande de titre de séjour de M. C... a été rejetée au motif qu'il n'avait pas été en mesure de justifier de son état-civil et qu'il n'avait pas effectué de démarches pour se voir reconnaître le statut d'apatride. Si M. C... a adressé, le 7 septembre 2018, une demande de reconnaissance du statut d'apatride à l'OFPRA, actuellement en cours d'instruction, cette demande, postérieure à l'arrêté du 7 mars 2018, est sans incidence sur sa légalité.

11. D'autre part, ainsi qu'il a été dit, les membres de la famille de M. C... sont en situation irrégulière en France. M. C... ne justifie, en outre, d'aucune insertion sociale particulière en France, alors même que l'absence de titre de séjour fait obstacle à ce qu'il puisse travailler. La scolarisation de sa fille Milena au collège ne constitue pas davantage une considération humanitaire ou un motif exceptionnel de nature à justifier son admission au séjour.

12. En outre, la circonstance qu'il ignorait la possibilité de demander la reconnaissance du statut d'apatride et a désormais entrepris les démarches nécessaires, au demeurant, postérieurement à l'arrêté du 7 mars 2018, ne lui donne aucun droit à se voir délivrer un titre de séjour.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... ne satisfait pas aux conditions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et le moyen d'erreur manifeste d'appréciation doivent, par suite, être écartés.

14. En dernier lieu, le refus de titre de séjour litigieux n'étant assorti d'aucune obligation de quitter le territoire français, M. C... ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'il ne pourrait pas être éloigné à destination de la Russie où il ne dispose d'aucune attache familiale.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2018 du préfet de l'Aube doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.

2

N° 19NC00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00844
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SCP MARIN-COUVREUR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-12;19nc00844 ?
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