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12/11/2019 | FRANCE | N°19NC01519

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 12 novembre 2019, 19NC01519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 17 janvier 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert vers la Lituanie en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900980 du 25 février 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête enregistrée le 21 mai 2019, M. B..., représenté par Me D... de la Selar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 17 janvier 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert vers la Lituanie en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900980 du 25 février 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mai 2019, M. B..., représenté par Me D... de la Selarl Idea Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 17 janvier 2019 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui permettre de déposer une demande d'asile en France ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de transfert :

- le premier juge a omis de répondre à sa demande de communication de la fiche décadactylaire du fichier Eurodac ;

- il appartient au préfet de produire ce document ;

- la décision de transfert en litige est entachée d'une erreur de droit dans l'application des critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile du règlement (UE) n° 604/2013 au regard des dispositions de l'article 9 de ce règlement ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 de ce règlement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 8° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B... a eu connaissance de la fiche décadactylaire du fichier Eurodac qui a été produite en première instance ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'ordre hiérarchique des critères de détermination de l'Etat membre responsable est inopérant dès lors qu'en cas de reprise en charge, les articles 7 à 15 du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont pas applicables ;

- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision de transfert, dès lors que l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dont le point de départ est la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision, a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale et qu'il devient donc impossible d'exécuter la décision de transfert, ce qui rend sans objet les conclusions de M. B....

Par un mémoire en réponse au moyen relevé d'office, enregistré le 3 septembre 2019, le préfet du Bas-Rhin soutient qu'il y a lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert du 17 janvier 2019 présentées par M. B..., dès lors que l'intéressé ayant pris la fuite, le délai de transfert, porté à dix-huit mois, n'a pas expiré en cours d'instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien né le 27 août 1967, est entré une première fois en France le 27 mars 2013, selon ses déclarations. Sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 19 février 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 31 mars 2016. La demande de titre de séjour du 13 novembre 2015 présentée par l'intéressé a été rejetée par le préfet du Bas-Rhin par un arrêté du 16 janvier 2017. M. B..., qui s'est marié en France le 7 janvier 2017 avec Mme E..., ressortissante géorgienne bénéficiant du statut de réfugiée, a sollicité son admission au séjour le 20 janvier 2017 au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 5 mai 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une carte de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. Après avoir exécuté la mesure d'éloignement, M. B... déclare être entré en France le 27 septembre 2018 et s'est présenté en préfecture le 5 décembre 2018 pour solliciter l'asile. A la suite de la consultation du fichier Eurodac indiquant que ses empreintes avaient déjà été relevées par les autorités lituaniennes le 12 août 2018, le préfet du Bas-Rhin a saisi ces dernières d'une demande de reprise en charge, qu'elles ont acceptée le 7 janvier 2019. Par un arrêté du 17 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert vers la Lituanie, et, par un arrêté du même jour, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B..., qui ne conteste pas se trouver en situation de fuite au sens du deuxième paragraphe de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 depuis le 7 mars 2019, fait appel du jugement du 25 février 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 17 janvier 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet du Bas-Rhin a produit la fiche décadactylaire du fichier Eurodac qui a été communiquée à M. B.... Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le tribunal n'a pas répondu à sa demande de communication de ce document ne peut qu'être écarté.

Sur la décision de transfert :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Les critères de détermination de l'Etat membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre (...) ". Selon l'article 9 de ce règlement : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du même règlement : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ". Selon l'article 18 de ce texte : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) de reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ".

4. Le critère de détermination de l'Etat membre responsable, énoncé par les dispositions précitées de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, est, contrairement à ce que soutient le préfet du Bas-Rhin, applicable lors de la mise en oeuvre d'une procédure de reprise en charge concernant une personne qui, comme en l'espèce, relève des dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 de ce règlement.

5. Ensuite, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., épouse du requérant, aurait exprimé le souhait écrit que la demande d'asile de ce dernier soit examinée en France ainsi que le prévoient expressément les dispositions de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions dans l'application des critères de détermination de l'Etat membre responsable doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

7. Si M. B... se prévaut de la présence en France de son frère et de son épouse ainsi que de l'état de santé de cette dernière, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui a quitté la France au mois de décembre 2017 en exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, n'est revenu sur le territoire français que huit mois plus tard, en septembre 2018, et après avoir présenté le 12 août 2018 une demande de protection internationale en Lituanie. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne le faisant pas bénéficier des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.

9. En dernier lieu, M. B... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision de transfert en litige en vue de l'examen de sa demande d'asile, alors qu'il est constant qu'il n'a présenté aucune demande de carte de séjour au titre de sa vie privée et familiale.

Sur la décision d'assignation à résidence :

10. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B... n'établit pas l'illégalité de la décision de transfert. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC01519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01519
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GRENIER
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : IDEA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-12;19nc01519 ?
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