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16/01/2020 | FRANCE | N°18NC01894

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 16 janvier 2020, 18NC01894


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Vosges a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération en date du 24 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de Granges-Aumontzey a, d'une part, refusé le déclassement des compteurs d'électricité existants et, d'autre part, interdit leur élimination et leur remplacement par des compteurs communicants " Linky ", sans le consentement préalable de la commune et une décision de désaffectation émanant du conseil municipal.

Par un jugement n° 1702527 du 9 m

ai 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du conseil mu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Vosges a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération en date du 24 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de Granges-Aumontzey a, d'une part, refusé le déclassement des compteurs d'électricité existants et, d'autre part, interdit leur élimination et leur remplacement par des compteurs communicants " Linky ", sans le consentement préalable de la commune et une décision de désaffectation émanant du conseil municipal.

Par un jugement n° 1702527 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du conseil municipal de Granges-Aumontzey du 24 juillet 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n°18NC01894 le 4 juillet 2018, la commune de Granges-Aumontzey, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 mai 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Enedis le versement à chacun d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le déféré préfectoral était irrecevable, dès lors que les intitulés de l'inventaire du déféré et des fichiers des pièces jointes n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative, et que cette irrecevabilité ne pouvait pas être neutralisée sur le fondement de la jurisprudence " Danthony " ;

- elle est propriétaire des compteurs communicants installés sur son territoire, car le transfert de la compétence d'autorité organisatrice du réseau public de distribution d'électricité n'a pas emporté transfert de la pleine propriété des biens nécessaires à l'exercice de cette compétence alors que les dispositions combinées de l'article L. 322-4 du code de l'énergie et du IV de l'article L.2224-31 du code général des collectivités territoriales permettent la coexistence de plusieurs propriétaires ;

- le déploiement des compteurs " Linky " méconnaît le principe de précaution garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement ;

- il porte atteinte à la protection des données à caractère personnel, dès lors que ces compteurs enregistrent de multiples données et informations émises par les différents appareils électriques des consommateurs et sont ainsi de nature à porter atteinte à la vie privée des particuliers ;

- il présente un coût excessif pour la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2019, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Le préfet des Vosges fait valoir que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2019, la société Enedis, représentée par Me D..., demande à la cour de rejeter la requête de la commune et de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nancy.

Elle fait valoir que :

- le déféré du préfet des Vosges était recevable ;

- la délibération contestée est entachée d'incompétence, dès lors que la compétence relative à la distribution d'électricité a été transférée au syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges (SMDEV) et que la commune n'a donc plus vocation à intervenir en la matière ;

- le déploiement des compteurs " Linky ", qui résulte d'une obligation légale, ne méconnaît pas le principe de précaution et ne porte pas atteinte à la protection des données à caractère personnel.

Par ordonnance du 25 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'énergie ;

- la loi n°2004-803 du 9 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me C..., pour la commune de Granges-Aumontzey, ainsi que celles de Me A... pour la société Enedis.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 24 juillet 2017, le conseil municipal de Granges-Aumontzey a, d'une part, refusé le déclassement des compteurs d'électricité existants et, d'autre part, interdit leur élimination et leur remplacement par des compteurs communicants " Linky " sans le consentement préalable de la commune et une décision de désaffectation émanant du conseil municipal. La commune de Granges-Aumontzey fait appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel, sur déféré du préfet des Vosges, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette délibération pour incompétence.

Sur la recevabilité du déféré préfectoral :

2. Aux termes de l'article R.412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissement simultanément un inventaire détaillé... ". Aux termes de l'article R. 414-1 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 414-3 de ce code : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et des pièces qui sont jointes à celle-ci et à leurs mémoires. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. (...) ".

3. Les dispositions précitées définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice et elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. Elles organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.

4. Ces dispositions imposent également, eu égard à la finalité mentionnée au point précédent, de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé, lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

5. Il résulte des pièces du dossier que le déféré du préfet des Vosges a été présenté au moyen de l'application Télérecours, qu'il comportait un inventaire détaillé des pièces produites et que cet inventaire comprenait le numéro d'ordre et l'objet de chacune des pièces. Il résulte également des pièces du dossier que le préfet des Vosges avait transmis au tribunal administratif de Nancy un fichier par pièce et que les numéros de chacun de ces fichiers étaient désignés par le numéro d'ordre affecté par l'inventaire détaillé aux pièces qu'ils contenaient. Par suite, le déféré préfectoral répondait aux exigences de présentation énoncées par les dispositions précitées et il en résulte que la commune de Granges-Aumontzey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait soulevée à cet égard.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Nancy :

6. Aux termes de l'article L. 322-4 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l'objet d'un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (...) ". Aux termes du IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Un réseau public de distribution d'électricité a pour fonction de desservir les consommateurs finals et les producteurs d'électricité raccordés en moyenne et basse tension. L'autorité organisatrice d'un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l'établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence, ou le département s'il exerce cette compétence à la date de publication de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (...) ".

7. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité est attachée à la qualité d'autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu'une commune transfère sa compétence en matière d'organisation de la distribution d'électricité à un établissement public de coopération intercommunale, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage visées à l'article D. 342-1 du code de l'énergie.

8. Il est constant que la commune de Granges-Aumontzey avait déjà, à la date de la délibération contestée, transféré sa qualité d'autorité organisatrice des réseaux publics de distribution au syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges, lequel était ainsi devenu propriétaire des dispositifs de comptage. Dans ces conditions, la commune était incompétente pour refuser le déclassement de ces dispositifs et en subordonner l'élimination et le remplacement par des compteurs " Linky " à une autorisation préalable du conseil municipal. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a retenu ce motif pour annuler la délibération du conseil municipal du 24 juillet 2017.

9. Eu égard à l'incompétence dont est entachée la délibération du 24 juillet 2017, les moyens tirés de ce que le déploiement des compteurs " Linky " méconnaîtrait le principe de précaution garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement, porterait atteinte à la protection des données à caractère personnel et présenterait un coût excessif pour la commune doivent être écartés comme inopérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Granges-Aumontzey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération de son conseil municipal du 24 juillet 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société Enedis, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Granges-Aumontzey demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Granges-Aumontzey est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Granges-Aumontzey, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Enedis.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 18NC01894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01894
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-015-02 Collectivités territoriales. Dispositions générales. Contrôle de la légalité des actes des autorités locales. Déféré préfectoral.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-01-16;18nc01894 ?
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