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27/02/2020 | FRANCE | N°18NC00555-18NC00556

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 27 février 2020, 18NC00555-18NC00556


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles le gérant de la SARL Pôle Construction, M. C..., a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1507039 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d'une dema

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Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles le gérant de la SARL Pôle Construction, M. C..., a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1507039 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL Pôle Construction a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1507038 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Procédures devant la cour :

I.) Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 5 mars 2018, le 14 septembre 2018, le 20 mars 2019 et le 23 janvier 2020, sous le n° 18NC00555, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la reconstitution de recettes réalisée par l'administration au titre des exercices clos en 2008 et 2010 est artificiellement majorée dès lors qu'elle a pris en compte à la fois les montants des factures définitives et ceux des factures d'acomptes concernant les travaux réalisés pour la SCI Des Platanes, la SCI d'Eich et la SCI Villa Marguerite ;

- les prestations qu'elle a effectuées au titre de l'année 2010, reconnues par son gérant, ont consisté uniquement dans la pose de deux chaudières et d'armoires à gaz pour un montant n'excédant pas 28 000 euros toutes taxes comprises ;

- les factures établies par M. B... au nom de la SARL Pôle Construction, obtenues par l'administration dans le cadre de son droit de communication, ne sauraient être prises en compte pour la détermination de son résultat imposable dès lors qu'elles sont fictives comme l'attestent le jugement du tribunal correctionnel du 24 octobre 2016 ainsi que les procès-verbaux d'audition qu'elle a produits ;

- l'administration a omis de prendre en compte des charges d'un montant de 21 100 euros hors taxe ;

- les pénalités infligées ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

II.) Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement les 5 et 14 septembre 2018, le 20 mars 2019 et le 23 janvier 2020, sous le n° 18NC00556, la société à responsabilité limitée (SARL) Pôle Construction, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la reconstitution de recettes réalisée par l'administration au titre des exercices clos en 2008 et 2010 est artificiellement majorée dès lors qu'elle a pris en compte à la fois les montants des factures définitives et ceux des factures d'acomptes concernant les travaux réalisés pour la SCI Des Platanes, la SCI d'Eich et la SCI Villa Marguerite ;

- les prestations qu'elle a effectuées au titre de l'année 2010, reconnues par son gérant, ont consisté uniquement dans la pose de deux chaudières et d'armoires à gaz pour un montant n'excédant pas 28 000 euros toutes taxes comprises ;

- les factures établies par M. B... au nom de la SARL Pôle Construction, obtenues par l'administration dans le cadre de son droit de communication, ne sauraient être prises en compte pour la détermination de son résultat imposable dès lors qu'elles sont fictives comme l'atteste le jugement du tribunal correctionnel du 24 octobre 2016 ainsi que les procès-verbaux d'audition qu'elle produits ;

- l'administration a omis de prendre en compte des charges d'un montant de 21 100 euros hors taxes ;

- les pénalités infligées ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Pôle Construction ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée par Me E..., pour la SARL Pôle Construction a été enregistrée le 4 février 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Pôle Construction, dont M. C... était le gérant et associé, a exercé une activité de construction dans le bâtiment jusqu'au 30 avril 2010. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2010 au 30 avril 2010, puis d'un contrôle sur pièces pour la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2011. Par deux propositions de rectification n°3924 et n°2120 du 15 mars 2013, l'administration lui a notifié, d'une part, une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, des intérêts de retard et une majoration de 40 % sur la période du 1er janvier 2010 au 30 avril 2010, et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur les sociétés, des intérêts de retard, des amendes en application des articles 1737 et 1759 du code général des impôts, ainsi que la majoration de 80 % pour exercice d'une activité occulte, au titre des exercices clos les 31 décembre 2010 et 31 décembre 2011. Par ailleurs, par deux propositions de rectification des 12 et 13 juin 2013, l'administration a notifié à M. C... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010 ainsi que les pénalités correspondantes. La SARL Pôle Construction et M. C... relèvent respectivement appel des jugements du 9 janvier 2018 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 18NC00555 et n°18NC00556 présentées respectivement par M. C... et la SARL Pôle Construction présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes auxquelles la SARL Pôle Construction a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 :

S'agissant de l'exercice clos le 30 avril 2010 :

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation./ 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. /2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. /Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : (...) /b. Pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure (...) ". Il résulte de ces dispositions que les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont, en ce qui concerne les travaux d'entreprise, rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la réception complète ou partielle, même provisoire ou faite avec réserves, ou, à défaut et au plus tard, à l'exercice au cours duquel les travaux ont été achevés et mis à la disposition du maître de l'ouvrage.

4. Il résulte de l'instruction que la SARL Pôle Construction n'ayant pas présenté les documents comptables afférents aux années 2008 à 2010 dont la tenue est obligatoire, l'administration a reconstitué ses recettes à partir des factures qu'elle a obtenues auprès des services de l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat (ANAH) dans le cadre de son droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 83 et L. 102 B du livre des procédures fiscales. Pour critiquer cette reconstitution en ce qui concerne les années 2008 et 2010, la société requérante soutient que le service aurait confondu des acomptes versés par ses clients avec des factures définitives et qu'il en résulterait une double prise en compte des mêmes recettes, majorant ainsi artificiellement les résultats reconstitués au titre de ces mêmes années. Toutefois, il est constant que les factures définitives émises par la SARL Pôle Construction le 15 juillet 2008 et le 15 novembre 2008, ainsi que celle présentée comme établie en février 2010, à raison de travaux effectués respectivement pour le compte de la société civile immobilière (SCI) Les Platanes, de la SCI D'Eich et de la SCI Villa Marguerite, consistent en des prestations de service de pose d'appareils de chauffage et de sanitaires, pour des montants respectifs de 26 644 euros toutes taxes comprises (TTC), 107 000 euros TTC et 46 160 euros TTC. Comme l'ont relevé les premiers juges, ces trois factures ne mentionnent pas la date d'achèvement des prestations effectuées ni la date de réception des travaux concernés. Elles ne font, par ailleurs, pas état d'acomptes versés par les SCI précitées au cours des exercices précédents, qui seraient venus en déduction des montants totaux qu'elles indiquent. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a estimé que les produits facturés, qui sont des travaux d'entreprise au sens des dispositions précitées du b du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, devaient être regardés comme livrés concomitamment à l'édition de chaque facture, et qu'en tout état de cause, ces factures ne faisant pas mention d'acompte antérieurement réglé, c'est bien leurs montants totaux qu'il convenait de retenir. Par suite, le service a légalement pu rehausser les résultats des exercices clos les 31 décembre 2008 et 30 avril 2010 des sommes facturées par la SARL Pôle Construction au cours de ces exercices.

S'agissant des exercices clos les 31 décembre 2010 et 31 décembre 2011 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. /Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...)/3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 (...) ". Aux termes de l'article L. 169 du même livre : " (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte ou lorsqu'il est bénéficiaire de revenus distribués par une personne morale exerçant une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite (...) ".

6. Il résulte de l'instruction qu'après avoir exercé son droit de communication auprès de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), l'administration fiscale a réceptionné six factures au nom de la SARL Pôle Construction au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010 et sept factures au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011, pour des montants globaux hors taxes de 63 014 euros et 114 405 euros. Le service a estimé que la société requérante s'était livrée à une activité occulte de pose d'équipements sanitaires et de chauffage, après avoir constaté qu'elle avait été radiée du registre du commerce et des sociétés le 30 avril 2010 en raison d'une cessation de son activité, qu'elle n'avait déposé aucune déclaration de résultat au titre de ces mêmes exercices et qu'elle n'avait déclaré son activité ni au centre de formalité des entreprises ni au service des impôts des entreprises et pas davantage auprès du greffe du tribunal de commerce. Par conséquent, en application du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a taxé d'office la SARL Pôle Construction à l'impôt sur les sociétés au titre de ces deux exercices.

7. La société requérante soutient qu'elle n'a exercé l'activité en cause que pour un montant de 28 000 euros toutes taxes comprises en 2010 et que, par un jugement du 14 novembre 2016 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Sarreguemines a condamné M. B... à une peine d'emprisonnement de dix mois, assortie d'un sursis total, pour s'être rendu coupable d'escroquerie en produisant des fausses factures établies, selon la requérante, notamment au nom de la SARL Pôle Construction, au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 aux fins d'obtenir des subventions de la part de l'ANAH. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement précité que M. B... a produit des fausses factures " éditées au nom de plusieurs sociétés, et notamment Almabat, Belen Peintures, Kabant BTP, Thierry Elec et Eric Vilain ". Par suite, et contrairement à ce que soutient la SARL Pôle Construction, le juge judiciaire, dans ce litige opposant l'ANAH et la région Grand Est à M. B..., n'a pas expressément reconnu que ce dernier avait produit des fausses factures en son nom. Si, comme le fait valoir la société requérante, les factures frauduleuses pour lesquelles M. B... a été condamné concernaient notamment les dossiers de subventions versées par l'ANAH n° 057009359, 057008642 et 057009379 pour lesquels l'administration fiscale a obtenu, dans le cadre de son droit de communication, des factures au nom de la société requérante, cette circonstance ne saurait suffire, comme l'ont relevé les premiers juges, à démontrer leur caractère fictif dès lors que la SARL Pôle Construction a admis avoir poursuivi l'exercice de son activité de pose d'équipements de chauffage et de sanitaires pendant la période vérifiée. Les documents produits par la société requérante, à savoir les procès-verbaux d'audition de son gérant, M. C... et de M. B..., le courrier du 27 mai 2015 adressé par M. C... au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Sarreguemines, déclarant que M. B... lui avait avoué l'établissement de factures fictives au préjudice de la SARL Pôle Construction et enfin, les conclusions du 18 mars 2019 présentées par M. B... devant le tribunal de grande instance à la suite de son assignation par M. C... et dans lesquelles il reconnaît avoir émis treize fausses factures au nom de la société requérante pour bénéficier des subventions de l'ANAH sont, en tant que tels, sans incidence sur le bien-fondé des redressements en litige. En outre, si dans leurs dernières écritures, les requérants produisent le jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal de grande instance de Sarreguemines, statuant en matière civile, a déclaré M. B... " responsable du préjudice subi par le demandeur au titre des fausses factures émises ", les termes généraux de ce jugement ne permettent pas d'établir avec certitude le caractère fictif des factures en litige dans la présente espèce. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les factures obtenues de la part de l'ANAH devaient être prises en compte pour calculer les résultats imposables de la SARL Pôle Construction.

8. En second lieu, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration, qui a admis un montant de charges correspondant à 65 % des travaux qu'elle a facturés, a omis d'admettre en déduction des charges supplémentaires de sous-traitance d'un montant de 21 100 euros hors taxe dès lors qu'elle n'établit ni leur réalité ni leur montant. Par suite, ce moyen doit être écarté.

S'agissant des pénalités et majorations infligées à la société requérante :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article 1727 du même code : " I.-Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...)". Aux termes de l'article 1728 dudit code " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte notamment de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

10. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale a relevé que le gérant de la société requérante avait omis de déclarer une partie très importante du chiffre d'affaires encaissé, soit 99,33 % au titre de l'exercice clos le 30 avril 2010, en omettant de comptabiliser des factures. Il a également retenu que la répétition et l'importance de ces omissions au titre des deux exercices clos en 2008 et en avril 2010 caractérisaient la volonté de la société requérante d'éluder une fraction importante de l'impôt sur les sociétés, avant d'en déduire qu'en sa qualité de chef d'entreprise, M. C... avait agi en toute connaissance de cause. Ce faisant, l'administration démontre l'intention de la société requérante d'éluder l'impôt. Dans ces conditions, c'est à bon droit, d'une part, qu'en application des dispositions précitées de l'article 1727 du code général des impôts, la société a été soumise à des intérêts de retard, et d'autre part, que les rappels d'impôt sur les sociétés susmentionnés ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré pour les années 2010 et 2011 et enfin que, sur le fondement des dispositions de l'article 1728 précité, l'administration lui a infligé une amende de 80 % en raison de la découverte de son activité occulte au titre de la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2011.

11. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article 1737 du code général des impôts : " Toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies donne lieu à l'application d'une amende de 15 € (...) ". Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le caractère incomplet ou inexact des factures émises par la SARL Pôle Construction entre le 1er septembre 2010 et le 31 décembre 2011, n'étant pas contesté, c'est à bon droit que le service lui a infligé une amende de 15 euros par facture.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de cet article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".

13. Il résulte de l'instruction, particulièrement de la proposition de rectification du 15 mars 2013, que dès lors que les montants des facturations n'étaient pas restés à l'actif de l'entreprise, l'administration a demandé à la société Pôle Construction de désigner sous trente jours le ou les bénéficiaires des revenus distribués en 2010 et 2011, en application de l'article 117 du code général des impôts. En l'absence de réponse complète de la société, la contribuable ayant seulement désigné M. C... comme bénéficiaire de 2 300 euros au titre de l'exercice clos en 2010, le service a pu légalement lui infliger le 12 juin 2013 l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts sur une base de 59 797 euros, montant pour lequel la société requérante n'avait désigné aucun bénéficiaire.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles M. C... a été assujetti au titre de l'année 2010 :

14. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués :(...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ". D'autre part, aux termes de l'article 158 du code général des impôts : " 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / (...) / 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice (...) ".

15. Pour contester les impositions en litige, M. C... se borne à reprendre les moyens soulevés dans la requête et les mémoires complémentaires enregistrés sous le n° 18NC00556 et tendant à contester le bien-fondé des rectifications opérées à l'encontre de la SARL Pôle Construction. Il demande d'en tirer les conséquences sur les revenus distribués le concernant, imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus mobiliers.

16. Pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées à l'égard des rappels d'impôt concernant la société requérante et dès lors que M. C..., qui ne conteste pas avoir appréhendé les sommes en litige, n'apporte pas la preuve qui lui incombe en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales de l'exagération des impositions contestées, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'intéressé a bénéficié de rémunérations occultes constituant des revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 et du c) de l'article 111 du code général des impôts, régulièrement majorés du coefficient de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Pôle Construction, d'une part, et M. C..., d'autre part, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté chacune de leur demande en décharge.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, des sommes au titre des frais d'instance et des dépens. Par suite, les conclusions présentées sur ce point par M. C... et par la SARL Pôle Construction doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Pôle Construction et celle de M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la SARL Pôle Construction et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC00555,18NC00556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00555-18NC00556
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Théorie du bilan - Actif social.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELAS VALORIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-27;18nc00555.18nc00556 ?
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