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11/06/2020 | FRANCE | N°18NC03204

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 11 juin 2020, 18NC03204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, à titre principal, la décision du 22 décembre 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a refusé de la nommer au grade de sage-femme de classe exceptionnelle ainsi que la délibération du 5 décembre 2011 par laquelle le conseil général de Meurthe-et-Moselle a mis à jour le calibrage des postes du département, et à titre subsidiaire, le point 2.3.1. de cette délibération du 5 décembre 2011 qui a

mis en conformité ce calibrage de postes.

Par un jugement n° 1700489 du 25 sep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, à titre principal, la décision du 22 décembre 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a refusé de la nommer au grade de sage-femme de classe exceptionnelle ainsi que la délibération du 5 décembre 2011 par laquelle le conseil général de Meurthe-et-Moselle a mis à jour le calibrage des postes du département, et à titre subsidiaire, le point 2.3.1. de cette délibération du 5 décembre 2011 qui a mis en conformité ce calibrage de postes.

Par un jugement n° 1700489 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 18NC03204 le 26 novembre 2018, complétée par un mémoire enregistré le 6 janvier 2020, Mme B... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 25 septembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 22 décembre 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a refusé de la nommer au grade de sage-femme de classe exceptionnelle ;

3°) d'enjoindre au département de Meurthe-et-Moselle de reconstituer sa carrière en la nommant au grade de sage-femme de classe exceptionnelle à compter du 1er août 2016 ;

4°) de mettre à la charge du département de Meurthe-et-Moselle le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, du point 2.3.1 de la délibération du 5 décembre 2011 :

- cette délibération est entachée d'incompétence et de détournement de pouvoir, car le comité technique paritaire n'a pas été consulté préalablement à son adoption ;

- c'est au prix d'une erreur de droit qu'elle instaure un critère restrictif d'accès au grade de sage-femme territoriale de classe exceptionnelle, qui n'est pas prévu par les textes statutaires ;

- cette restriction instaure une double discrimination, d'abord, entre les sages-femmes du département de Meurthe-et-Moselle et les sages-femmes des autres départements et ensuite entre les sages-femmes de la fonction publique territoriale et les sages-femmes de la fonction publique hospitalière ;

S'agissant de la décision du 22 décembre 2016 :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du point 2.3.1 de la délibération du 5 décembre 2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, complété par un mémoire enregistré le 20 janvier 2020, le département de Meurthe-et-Moselle, représenté par la SELARL Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- le motif tiré de l'absence de vacance de poste dans le grade d'infirmière de classe exceptionnelle était également de nature à fonder légalement la décision contestée, si bien que la cour pourra, le cas échéant, procéder à une substitution de motifs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 92-855 du 28 août 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me A... substituant Me C..., pour Mme D....

Une note en délibéré présentée pour Mme D... a été enregistrée le 29 mai 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., sage-femme territoriale de classe supérieure dans le département de Meurthe-et-Moselle, affectée dans la maison départementale des solidarité de Nancy-Sud, a été inscrite au tableau d'avancement au grade de sage-femme de classe exceptionnelle au titre de l'année 2016. Elle en a été informée par un courrier du président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle du 1er août 2016 qui lui a néanmoins précisé que son poste actuel ne correspondant pas à ce grade, elle ne pouvait être promue sans postuler sur un emploi calibré pour ce nouveau grade. Sur recours gracieux exercé le 8 octobre 2016, il a, sur le fondement d'une délibération du 5 décembre 2011 définissant le calibrage des postes départementaux, confirmé ce refus par une décision du 22 décembre 2016. Mme D... fait appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, notamment, à l'annulation de cette décision.

Sur l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre du point 2.3.1. de la délibération du 5 décembre 2011 :

2. En premier lieu, après l'expiration du délai de recours contentieux, la contestation d'un acte règlementaire peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Si, dans le cadre de cette contestation, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

3. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le comité technique paritaire n'aurait pas été consulté préalablement à l'adoption de la délibération du 5 décembre 2011 doit être écarté comme inopérant, dès lors que, contrairement à ce que soutient la requérante, le vice de procédure ainsi invoqué ne relève ni de la compétence de l'auteur de l'acte, ni davantage d'un détournement de pouvoir.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement. / La délibération précise le grade ou, le cas échéant, les grades correspondant à l'emploi créé. / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 92-855 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des sages-femmes territoriales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les sages-femmes territoriales constituent un cadre d'emplois médico-social de catégorie A au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / Ce cadre d'emplois comprend les grades de sage-femme de classe normale, de sage-femme de classe supérieure et de sage-femme de classe exceptionnelle ". Aux termes de l'article 2 du même décret, dans sa rédaction alors applicable : " Les membres du cadre d'emplois exercent leurs fonctions dans les collectivités et établissements visés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 précitée. / Les sages-femmes de classe exceptionnelle exercent des fonctions d'encadrement. / Les fonctions de coordinatrice de l'activité des sages-femmes de classe exceptionnelle ne peuvent être assurées que par des sages-femmes de classe exceptionnelle comptant cinq années d'ancienneté dans ce grade ". Enfin, aux termes de l'article 17 de ce décret, dans sa rédaction alors applicable : " Peuvent être nommées sages-femmes de classe exceptionnelle, après inscription sur un tableau d'avancement : / 1° Les sages-femmes de classe supérieure ayant accompli au moins trois années de services effectifs dans le grade ; / 2° Les sages-femmes de classe normale et les sages-femmes de classe supérieure qui sont titulaires du certificat de cadre sage-femme ou d'un titre équivalent et qui ont accompli au moins cinq années de services effectifs dans le cadre d'emplois ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions statutaires qu'une sage-femme territoriale de classe normale ou de classe supérieure ne peut être nommée au troisième grade de son cadre d'emploi que pour exercer un emploi correspondant à des fonctions d'encadrement et qu'il appartient aux organes délibérants des collectivités territoriales de définir les emplois susceptibles d'être pourvus par les agents détenteurs de ce grade.

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'analyse de la fiche de poste correspondant aux emplois de sages-femmes dans le département de la Meurthe-et-Moselle que les sages-femmes de la filière médico-sociale de la fonction publique territoriale, qui participent " à la mise en oeuvre des politiques départementales de santé maternelle et infantile ", interviennent " dans le cadre de la planification et de l'éducation familiale " et " contribuent à la surveillance régulière du bon déroulement des grossesses, à l'accès à la contraception et à l'IVG " mais que ces missions ne comportent, en principe, aucune fonction d'encadrement à la différence de la sage-femme qui occupe le poste de sage-femme coordinatrice départementale dont la mission est de superviser le travail de ses collègues et d'animer les réunions de sages-femmes. C'est dès lors sans méconnaître les dispositions statutaires précitées ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le conseil général de Meurthe-et-Moselle a décidé, au point 2.3.1. de sa délibération du 5 décembre 2011, que cet emploi serait le seul qui serait ouvert au grade de sage-femme de classe exceptionnelle.

7. En dernier lieu, alors qu'ainsi qu'il a été dit, les sages-femmes de classes normale et supérieure n'ont pas à assumer, par principe, des missions d'encadrement et que, par ailleurs, les missions dévolues aux sages-femmes relevant de la fonction publique territoriale diffèrent de celles qu'accomplissent les sages-femmes de la fonction publique hospitalière dont les statuts ne sont pas, de ce fait, identiques, le moyen tiré de ce que la délibération du 5 décembre 2011 serait doublement discriminatoire doit être écarté.

Sur la légalité de la décision du 22 décembre 2016 :

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité du point 2.3.1 de la délibération du 5 décembre 2011, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du 22 décembre 2016 refusant de la nommer sur place au grade de sage-femme de classe exceptionnelle.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

11. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction de Mme D... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de Meurthe-et-Moselle, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... le versement au département de Meurthe-et-Moselle d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera au département de Meurthe-et-Moselle une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au département de Meurthe-et-Moselle.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 18NC03204 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03204
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois - Notion de cadre - de corps - de grade et d'emploi - Notion d'emploi.

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois - Notion de cadre - de corps - de grade et d'emploi - Séparation du grade et de l'emploi.

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement - Avancement de grade.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : LOMBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-11;18nc03204 ?
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