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18/06/2020 | FRANCE | N°19NC01938

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 juin 2020, 19NC01938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter dans un délai de trente jours le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1900120 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête, enregistrée le 18 juin 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter dans un délai de trente jours le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1900120 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 10 jours à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'arrêté ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et c'est à tort que l'administration lui en a refusé la délivrance au seul motif qu'il était dépourvu d'un visa de long séjour alors que le dépôt de sa demande de titre conjoint de français valait également demande du visa conformément aux dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code, le délai de six mois devant s'apprécier au moment où le préfet statue et non au moment de la demande ;

- en tout état de cause, il pouvait se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 28 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 12 décembre 1968 au Maroc, déclarant être entré en France le 19 octobre 2017 sous couvert d'un visa court séjour, a déposé une demande de titre de séjour le 1er août 2018. Le préfet de Meurthe-et-Moselle, par un arrêté du 17 décembre 2018 lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter dans un délai de trente jours le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par le jugement attaqué du 4 avril 2019, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 27 juin 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, donné délégation à Mme Marie-Blanche D..., secrétaire générale, à l'effet de signer tous actes et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, signé par Mme D..., serait entaché du vice d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que ces dernières subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour. Si elles n'impliquent pas que ce visa de long séjour fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction, la compétence du préfet pour examiner la demande de visa de long séjour est elle-même subordonnée à certaines conditions, dont l'entrée régulière en France et l'existence d'une communauté de vie de plus de six mois avec le conjoint français.

5. Le préfet de Meurthe-et-Moselle, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. C... au motif qu'il ne disposait pas de visa de long séjour, doit être regardé comme ayant rejeté préalablement sa demande de délivrance d'un visa long séjour. Pour rejeter cette demande, le préfet s'est fondé sur le fait que les éléments produits par l'intéressé ne suffisaient pas à justifier d'une vie commune avec son épouse française dont l'ancienneté serait supérieure à six mois. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est marié à une ressortissante française le 1er juin 2018. L'épouse de M. C... n'a déclaré l'héberger que le 6 juin 2018. La quittance de loyer produite au dossier démontre que les époux ne résident ensemble que depuis le mois d'octobre 2018 au plus tôt. Par suite, M. C... ne justifie pas résider avec son épouse depuis plus de six mois à la date à laquelle le préfet a statué sur sa demande de titre de séjour le 17 décembre 2018. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions ci-dessus visées de l'article L. 211-2-1 et de l'article L. 313-11 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu rejeter la demande de visa long séjour de l'intéressé et, par suite, celle de titre de séjour en raison de son mariage avec une ressortissante française.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est seulement présent en France depuis quatorze mois, que son mariage avec une ressortissante française le 1er juin 2018 est très récent et qu'il n'établit pas de communauté de vie avec sa compagne avant cette date. Dans ces conditions, alors que l'intéressé est entré en France muni d'un seul visa touristique de court séjour et ne justifie pas ne plus avoir d'attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 49 ans, c'est sans méconnaître les stipulations et dispositions précitées que le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu refuser de faire droit à sa demande de titre séjour.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

9. En faisant valoir son mariage avec une ressortissante française le 1er juin 2018, sa volonté de travailler en France avec l'engagement d'une formation, ainsi que l'aide qu'il soutient apporter à son épouse limitée dans ses déplacements par une prothèse de hanche, M. C... ne justifie toutefois pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En cinquième et dernier lieu, n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour pris à son encontre, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01938
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SGRO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-18;19nc01938 ?
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