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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC02784

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 23 juillet 2020, 19NC02784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 17 juin 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1905584 du 30 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 7 septembre et 7 octobre 2019,

M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 17 juin 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1905584 du 30 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 7 septembre et 7 octobre 2019, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés 17 juin 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence ;

2°) d'annuler ces arrêtés 17 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la légalité de l'arrêté portant transfert :

- le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la clause humanitaire du règlement n° 604/2013 ;

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

- il excipe de l'illégalité de l'arrêté portant transfert ;

- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né en 1990 et de nationalité ivoirienne, entré irrégulièrement en France, a sollicité le 2 mai 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. A la suite de la consultation du fichier EURODAC, le préfet a eu connaissance que l'intéressé avait franchi irrégulièrement les frontières de l'Espagne au cours des douze mois précédant le dépôt en France de sa demande d'asile. Le 23 mai 2019, les autorités espagnoles ont refusé de prendre en charge M. A.... Le préfet les a saisies d'une demande de réexamen le 4 juin 2019. L'Espagne a accepté explicitement la prise en charge de M. A... le 5 juin 2019. Par arrêtés du 17 juin 2019, le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement du 30 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 17 juin 2019.

Sur la légalité de la décision portant transfert aux autorités espagnoles :

2. En premier lieu, l'article 29 du règlement UE n° 604/213 du 26 juin 2013 ci-dessus visé dispose que : " 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Le préfet du Bas-Rhin justifie que M. A... se trouve en fuite, à la suite d'une obstruction à l'exécution de la mesure de transfert le 21 octobre 2019 et que ses services ont déclaré cette situation à l'Espagne. Par suite, le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que l'exécution de son arrêté portant remise de M. A... aux autorités espagnoles est toujours possible, le délai de dix-huit mois prévu par les dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 n'étant pas expiré. Dès lors, la requête d'appel de M. A... n'est pas dépourvue d'objet et il y a lieu de statuer sur ses conclusions.

3. En second lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement européen : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

4. La faculté offerte à chaque Etat membre par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, au demeurant transposé par les articles L. 742-1 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, ne constitue pas un droit.

5. M. A... soutient que le préfet du Bas-Rhin aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 au motif que son père réside en France en qualité de réfugié depuis 2003 et qu'il a renoué des liens avec lui. Il soutient en outre que son intégration en France sera plus facile étant francophone et qu'il est atteint de pathologies graves.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne produit aucun document relatif à ses pathologies. Il n'établit pas que son état contrindiquerait le voyage à destination de l'Espagne et que sa prise en charge médicale ne pourrait pas être tout aussi bien assurée dans ce pays le temps qu'il soit statué sur sa demande d'asile. En outre, par la seule production d'une attestation du père de M. A..., au demeurant peu circonstanciée, l'intéressé ne justifie pas de l'intensité des liens avec dernier, avec lequel il est séparé depuis 2003. De plus, M. A... n'établit être présent en France que depuis un mois à la date de la décision attaquée. Par suite, cette circonstance, ainsi que le fait qu'il soit francophone, ne suffisent pas à établir qu'en ne mettant pas en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, le préfet du Bas-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

7. En premier lieu, il ressort de ce qui vient d'être dit que M. A... n'établit pas que l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles serait entaché d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert soulevé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision d'assignation à résidence est motivée. ".

9. L'arrêté attaqué du 17 juin 2019 vise les articles L. 561-2 1°bis, L. 742-1 à L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. A... ne dispose pas des moyens lui permettant de se rendre en Espagne et que son transfert aux autorités espagnoles demeure une perspective raisonnable. L'arrêté attaqué énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui le fondent et est, par suite, suffisamment motivé. En outre, le préfet a examiné son parcours en France et ses conditions d'hébergement afin d'apprécier ses garanties de représentation. Le préfet n'a ainsi pas entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier. Les moyens doivent par conséquent être écartés comme manquants en fait.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; ".

11. Pour justifier son assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé sur la circonstance que le transfert aux autorités espagnoles, qui ont donné leur accord pour la reprise en charge de l'intéressé, demeure une perspective raisonnable et que M. A... ne dispose pas des moyens lui permettant de se rendre en Espagne. M. A... ne produit aucun élément de nature à contredire l'appréciation ainsi faite par le préfet du Bas-Rhin. La circonstance que d'autres demandeurs d'asile auraient bénéficié d'un délai de départ volontaire est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des faits l'ayant conduit à prendre la décision de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC02784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02784
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ZIMMERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc02784 ?
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