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15/10/2020 | FRANCE | N°19NC03256

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19NC03256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 juin 2019 par lequel le préfet de Haute-Saône lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par un jugement n°1901137 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2019, M. C..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 juin 2019 par lequel le préfet de Haute-Saône lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par un jugement n°1901137 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2019, M. C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de dix jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation compte tenu du caractère ancien et habituel de sa résidence en France, de son intégration au sein de la société française par le travail, justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'existence en France du centre de ses intérêts personnels et familiaux justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- le refus d'un délai de départ volontaire est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales compte des persécutions qu'il subira en Turquie du fait de son appartenance à la communauté kurde ;

- l'interdiction de retour sur le territoire par sa durée, méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2020, le préfet de Haute-Saône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant turc né le 18 août 1988 à Bozovo (Turquie), entré en France le 26 mai 2008, a sollicité, le 14 septembre 2016 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une carte de séjour temporaire mention " salarié ", valable jusqu'au 22 août 2018 a été délivrée à l'intéressé. Le 26 septembre 2018, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, au titre de l'admission exceptionnelle. Par un arrêté du 3 juin 2019, le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par le jugement attaqué du 24 septembre 2019, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, si M. C... soutient qu'il réside en France de manière continue et habituelle depuis mai 2009, les pièces produites ne permettent pas de démontrer que l'intéressé se trouvait effectivement de manière continue sur le territoire français avant 2015. De surcroit, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne justifie pas d'une parfaite intégration au sein de la société française dès lors qu'il a été interpellé à plusieurs reprises pour des faits délictueux. Enfin, si M. C... s'est marié le 4 novembre 2017 avec une compatriote résidant en France, déclarant, par une attestation versée au dossier, avoir contracté avec l'intéressé un mariage de complaisance dit " mariage gris ", leur divorce a été prononcé par un jugement du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu le 30 janvier 2019. M. C... a au demeurant été interdit de rentrer en contact avec son ex épouse en raison des violences qu'il a commises à son encontre, et ce, à plusieurs reprises. Il n'établit nullement que son couple serait sur le point de se reconstituer, les attestations de Mme B... produites en appel ne paraissant ni probantes ni sincères, ou qu'il participerait à l'entretien et l'éducation de son fils, né le 24 mai 2018 de son union avec son ex épouse, qu'il a reconnu le 16 août 2019, soit postérieurement à la date de l'arrêté attaqué et plus de deux ans après sa naissance, alors même qu'il lui rendrait visite chaque week-end en dépit de l'interdiction de ne pas entrer en contact avec son ex épouse. Il suit de là que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ci-dessus visée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 2 relatifs à la situation personnelle, familiale et professionnelle de M. C... en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire en litige aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette décision. Par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus à propos notamment des conditions relatives à la naissance de l'enfant du requérant et au comportement violent de celui-ci, les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'ont pas davantage été méconnues.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

5. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportant de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Saône a refusé d'octroyer un délai de départ volontaire à M. C... aux motifs que le comportement de ce dernier constituait une menace pour l'ordre public, que le renouvellement de son titre de séjour lui a été refusé et, enfin, qu'il s'est déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement dès lors qu'il aurait pris la fuite du centre d'accueil où il était hébergé afin de ne pas être remis aux autorités tchèques, alors responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il suit de là que le préfet de la Haute-Saône n'a pas commis d'erreur de droit en décidant de ne pas accorder de délai de départ volontaire à M. C.... En outre, si M. C... invoque la durée de son séjour ainsi que la présence de son enfant en France, eu égard à ce qui est dit ci-dessus, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que le refus de délai de départ volontaire serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

7. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de M. C....

8. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Si l'intéressé fait valoir qu'il est d'origine kurde, il n'apporte aucune justification circonstanciée à l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait personnellement exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ou que sa vie ou sa liberté y serait menacée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ont été méconnues.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire :

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment, que la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Haute-Saône.

N° 19NC03256 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03256
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-15;19nc03256 ?
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