La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2020 | FRANCE | N°19NC02610

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 19NC02610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., épouse E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902253 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination

et rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., épouse E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902253 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2019, Mme B..., épouse E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour ;

2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour pour raisons médicales, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- aucun élément ne permet de vérifier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été rendu de manière collégiale ;

- il n'est pas établi que le préfet du Bas-Rhin a procédé à l'examen de son état de santé au vu des traitements effectivement disponibles en Algérie et de la présence de sa famille, indispensable au traitement de son affection psychologique ;

- elle n'a plus de membres de sa famille à même de l'aider en Algérie et ne peut y accéder effectivement aux soins.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- Mme B..., épouse E... peut bénéficier d'un suivi adapté à sa pathologie en Algérie, ainsi que d'une prise en charge de sa dépendance ;

- l'autre moyen soulevé par la requérante n'est pas fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., épouse E..., ressortissante algérienne née le 19 novembre 1945, est entrée en France le 12 novembre 2014, sous couvert d'un visa de court séjour. Un titre de séjour pour motifs de santé lui a été délivré le 8 octobre 2015, renouvelé jusqu'au 7 octobre 2017. Par un arrêté du 14 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler ce titre de séjour, a obligé Mme B..., épouse E... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour. Mme B..., épouse E... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. L'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule que : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collèges de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par son avis du 3 avril 2018, le collège de médecins de de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme E... nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour elle, mais qu'elle était cependant en mesure de bénéficier de traitements appropriés à son état de santé en Algérie.

5. D'autre part, le certificat médical du Dr. Voltz du 4 janvier 2019 énonce, sans que cela ne soit contesté, que Mme E... a besoin d'être entourée de manière constante par sa famille en raison de la pathologie psychiatrique dont elle souffre. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que Mme E... est séparée de longue date de son mari, dont elle n'a plus de nouvelles. Si l'une de ses soeurs vit en Algérie, Mme E... relève, sans que cela ne soit contesté, que sa soeur est malvoyante et dépendante et ne sera pas en mesure de l'aider. Elle fait également valoir qu'elle parle le kabyle et non l'arabe, ce qui l'empêchera de bénéficier d'un accès effectif aux soins en Algérie, d'autant qu'elle est illettrée. Mme E... soutient, en outre, sans que cela ne soit contesté, qu'elle n'est plus autonome et a besoin de l'aide d'une tierce personne pour sortir de chez elle. Or, ses huit enfants, dont 4 ont la nationalité française, résident en France. Elle habite ainsi chez l'une de ses filles, qui la prend en charge, l'assiste dans ses démarches quotidiennes et l'accompagne à ses rendez-vous médicaux.

6. Par suite, au regard des circonstances exceptionnelles liées à la situation de la requérante, à son âge, à son manque d'autonomie, à la nécessité d'être entourée de sa famille en raison de la pathologie dont elle souffre et de la situation d'isolement dans laquelle elle se retrouverait en Algérie, Mme D... établit qu'elle ne sera pas en mesure d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour pour motifs de santé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Les motifs de l'annulation prononcée au point précédent impliquent nécessairement qu'un certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" soit délivré à Mme E... sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

9.En l'absence de dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle par l'avocate de Mme E..., ses conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme E... tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour du 14 janvier 2019.

Article 2 : La décision du 14 janvier 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme E... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme E... un certificat de résidence pour ressortissant algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., épouse E..., au ministre de l'intérieur et à Me F....

Copie en sera adressée pour information à la préfète du Bas-Rhin.

2

N° 19NC02610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02610
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Octroi du titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ZIMMERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-01;19nc02610 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award