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03/12/2020 | FRANCE | N°19NC03286

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19NC03286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le préfet de l'Aube a refusé la délivrance d'un document de circulation à sa fille Winnie C... H... sous astreinte de 500 euros par jour.

Par un jugement n° 1802361 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision et a enjoint au préfet de l'Aube de réexaminer la demande de document de circulation pour étranger mineur présent

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le préfet de l'Aube a refusé la délivrance d'un document de circulation à sa fille Winnie C... H... sous astreinte de 500 euros par jour.

Par un jugement n° 1802361 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision et a enjoint au préfet de l'Aube de réexaminer la demande de document de circulation pour étranger mineur présentée en faveur de la mineure D... C... H... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2019, le préfet de l'Aube, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de M. G..., en sa qualité de représentant légal de sa fille Winnie H..., une somme de 1000 euros à verser à l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que d'une part, M. G... n'est pas titulaire d'un titre de séjour au sens des dispositions de cet article permettant à ses enfants de bénéficier d'un document de circulation et que d'autre part, ce dernier ne démontre pas que sa fille réside habituellement en France avec lui depuis qu'elle a atteint l'âge de treize ans ;

- la décision contestée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne viole pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2020, M. G..., en sa qualité de représentant légal de sa fille Winnie H..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient les moyens soulevés par le préfet de l'Aube ne sont pas fondés.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2020.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 mai 2018, M. G... a sollicité du préfet de l'Aube la délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur en faveur de sa fille Winnie C... H... née le 15 août 2003, de nationalité centrafricaine. Par une décision du 27 juin 2018, le préfet de l'Aube a refusé cette demande. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision pour erreur de fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des conventions internationales, les étrangers mineurs de dix-huit ans dont au moins l'un des parents appartient aux catégories mentionnées à l'article L. 313-11, au 1° de l'article L. 314-9, aux 8° et 9° de l'article L. 314-11, à l'article L. 315-1 ou qui relèvent, en dehors de la condition de majorité, des prévisions des 2° et 2° bis de l'article L. 313-11, ainsi que les mineurs entrés en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois reçoivent, sur leur demande, un document de circulation qui est délivré dans des conditions fixées par voie réglementaire ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit :/1° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident, ainsi qu'à l'étranger entré en France régulièrement dont le conjoint est titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes, s'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au livre IV ;/ 2° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, la filiation étant établie dans les conditions prévues à l'article L. 314-11 ; (...) ". Aux termes de l'article D 321-16 dudit code : " Le document de circulation est délivré de plein droit à l'étranger mineur résidant en France, non titulaire d'un titre de séjour et ne remplissant pas les conditions pour obtenir la délivrance du titre d'identité républicain institué par l'article L 321-3 s'il satisfait aux conditions posées par l'article L 321-4 ". Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'un document de circulation au bénéfice d'un étranger mineur qui n'appartient pas à l'une des catégories mentionnées par l'article précité, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'un refus de délivrance d'un tel document ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles " dans toutes les décisions qui concernent les enfants...l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier du document de circulation, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire national après un déplacement hors de France, s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.

3. En premier lieu, le préfet ne saurait utilement soutenir que la demande de M. G... ne pouvait pas aboutir au motif qu'il n'était pas lui-même titulaire d'un des titres de séjour prévus l'article L. 321-4 dès lors que cet article prévoit également la situation des étrangers mineurs de dix-huit ans qui relèvent, en dehors de la condition de majorité, des prévisions des 2° et 2° bis de l'article L. 313-11, ce qui est le cas de Winnie C.... Par suite, le moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des termes dans lesquels est rédigée la décision du 27 juin 2018 critiquée, que le préfet de l'Aube a refusé de délivrer le document de circulation sollicité par le requérant pour sa fille Winnie C... aux motifs que : " votre fille, Winnie C..., âgé de 14 ans, ne remplit aucun des critères ci­ dessus énoncés sachant que vous êtes titulaire d'un récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile suite à un recours devant la CNDA, relevant de l'article L. 743-1 du code précité, et que votre fille ne justifie pas être entrée en France avant l'âge de 13 ans. ". Or, comme l'ont retenu les premiers juges, il se déduit de la comparaison des deux visas de court séjour octroyés par l'Ambassade de France en Centrafrique à Winnie C... et à son frère Michel Junior, pour la période du 17 juillet au 10 septembre 2008, que ces derniers, alors âgés respectivement de 5 et 6 ans, sont entrés sur le territoire français le 18 juillet 2008, comme en atteste le tampon d'arrivée à l'aéroport de Roissy à cette date figurant sur le passeport de Michel Junior et dont seule la partie basse est visible sur le passeport de Winnie C... en raison d'une étiquette posée par le consulat général de France à Bangui. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré, dans le jugement critiqué, que la décision du 27 juin 2018 était entachée d'une erreur de fait. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat de scolarité pour l'année scolaire 2015/2016, produit pour la première fois en défense par M. G..., que la jeune D... C..., qui était domiciliée à l'adresse de son père, était scolarisée en France en classe de sixième, alors qu'elle était âgée de douze ans. Par suite, c'est à tort que le préfet de l'Aube a considéré que l'entrée en France de la jeune D... C... avant qu'elle n'ait atteint l'âge de 13 ans n'était pas justifiée.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aube n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 27 juin 2018 et lui a enjoint de réexaminer la demande de document de circulation pour étranger mineur présentée par M. G... en faveur de sa fille Winnie C... H... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

7. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. G..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par le préfet de l'Aube sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Par contre, M. G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 janvier 2020. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... la somme de 1 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de l'Aube est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me A..., conseil de M. G..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation par l'avocat à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... et au ministre de l'intérieur.

N° 19NC03286 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03286
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCP ANCELET DOUCHIN ELIE SAUDUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-03;19nc03286 ?
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