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08/12/2020 | FRANCE | N°19NC00355

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 19NC00355


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une ordonnance n° 415732 du 11 décembre 1017, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application des dispositions de l'article R. 312-5 du code de justice administrative, attribué au tribunal administratif de Nancy le jugement de la demande de Mme D... E..., présentée initialement devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le compte-rendu initial de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 et

le compte rendu d'entretien révisé du 24 octobre 2017.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une ordonnance n° 415732 du 11 décembre 1017, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application des dispositions de l'article R. 312-5 du code de justice administrative, attribué au tribunal administratif de Nancy le jugement de la demande de Mme D... E..., présentée initialement devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le compte-rendu initial de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 et le compte rendu d'entretien révisé du 24 octobre 2017.

Par un jugement n° 1703448 du 29 novembre 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme F....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, Mme D... F..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703448 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 29 novembre 2018 ;

2°) d'annuler le compte-rendu initial de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 et le compte rendu révisé du 24 octobre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité, dès lors qu'il a été rendu à l'issue d'une procédure méconnaissant le caractère contradictoire de l'instruction ;

- la magistrate désignée a omis de répondre au moyen tiré de ce que le compte-rendu révisé du 24 octobre 2017 a modifié défavorablement sur certains points le compte-rendu initial de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, alors que, dans sa demande de révision, elle avait sollicité une augmentation ou, a minima, aucune modification ;

- le premier juge a méconnu le principe de l'égalité des armes en accordant, s'agissant du respect du délai de convocation de huit jours, institué au troisième alinéa de l'article 2 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010, relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat, et de la compétence de l'autorité signataire du compte-rendu révisé du 24 octobre 2017, plus de crédit aux dires de l'administration qu'aux siens ;

- la magistrate désignée a inversé la charge de la preuve en faisant peser sur elle le soin de démontrer que la réunion du 14 juin 2017, qui s'est tenue après l'entretien professionnel du 11 avril 2017, était constitutive d'un vice de procédure obligeant l'autorité hiérarchique à le rapporter à l'issue du recours en révision dont il était saisi ;

- en s'abstenant de constater, dans le cas particulier, qu'un nouvel entretien professionnel par l'autorité hiérarchique était nécessaire, le juge de première instance a méconnu l'étendue de son office ;

- en relevant qu'elle " n'a pas toujours suivi les consignes et les procédures définies par sa hiérarchie au sein du service ", la magistrate désignée a également méconnu l'étendue de son office, en substituant son appréciation à celle de l'administration ;

- le compte-rendu révisé du 24 octobre 2017 a été pris par une autorité incompétente ;

- le compte-rendu révisé du 24 octobre 2017 est entaché d'une erreur de droit, dès lors que l'autorité hiérarchique a modifié le compte-rendu initial de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 sur des points dont elle n'avait pas demandé la révision ;

- les objectifs qui lui ont été assignés pour l'année 2017, lors de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, ont été définis en dehors de tout échange contradictoire ;

- le compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il lui a été notifié après la tenue, le 14 juin 2017, d'une réunion non prévue par les textes avec la directrice départementale déléguée, son adjointe et sa supérieure hiérarchique directe ;

- l'autorité hiérarchique aurait dû annuler le compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, dès lors que, en raison du conflit l'opposant à sa supérieure hiérarchique directe, celle-ci ne disposait pas de la neutralité et de l'objectivité nécessaire pour l'évaluer ;

- l'autorité hiérarchique aurait dû annuler le compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, dès lors que celui-ci constitue une sanction déguisée ;

- l'autorité administrative aurait dû annuler le compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, dès lors que sa supérieure hiérarchique directe a, deux jours après sa tenue, modifié substantiellement et unilatéralement les objectifs assignés ;

- l'autorité administrative aurait dû annuler le compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 en raison de l'intervention dans la procédure d'évaluation de personnes extérieures ;

- le compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa manière de servir et quant à ses perspectives d'évolution professionnelle ;

- en indiquant " néant " dans la rubrique " Observations de l'agent sur la conduite de l'entretien et les appréciations portées " du compte-rendu modifié du 24 octobre 2017, l'administration a commis un faux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Une note en délibéré, présentée pour Mme F..., par Me C..., a été reçue le 17 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Attachée d'administration de l'Etat, Mme D... F... exerce, depuis le 1er mars 2016, les fonctions de chargée de mission " Politique de la ville " au sein la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de la région Grand Est. Elle a fait l'objet, le 11 avril 2017, d'un entretien professionnel au titre de l'année 2016, dont le compte-rendu lui a été notifié le 26 septembre 2017. Le 9 octobre 2017, la requérante a formé un recours hiérarchique tendant à la révision de ce compte-rendu, qui a donné lieu, le 24 octobre 2017, à une révision partielle de celui-ci. Mme F... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation du compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 et du compte rendu révisé du 24 octobre 2017. L'intéressée ayant exercé les fonctions d'agent de greffe au tribunal administratif de Strasbourg entre 2007 et 2013, la présidente de ce tribunal, par une ordonnance du 30 août 2018 prise en application des dispositions de l'article R. 312-5 du code de justice administrative, a transmis sa demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, qui, par une nouvelle ordonnance du 10 décembre 2018, en a attribué le jugement au tribunal administratif de Nancy. La requérante relève appel du jugement n° 1703448 du 29 novembre 2018, par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy, statuant sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". Il résulte des dispositions de l'article R. 613-3 du code de justice administrative que, lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire, après la clôture de l'instruction, une production de l'une des parties, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction.

3. Il est constant que le mémoire en défense du préfet du Bas-Rhin a été enregistré le 29 mai 2018, soit deux jours seulement avant la clôture de l'instruction fixée au 31 mai 2018 à 17 heures. S'il est vrai que la réception de cette production n'a pas eu pour effet de reporter la clôture de l'instruction, il ressort des pièces du dossier que le mémoire en réplique de Mme F..., reçu le 13 juin 2018, a finalement été communiqué au préfet le 2 octobre 2018, entraînant ainsi une réouverture de l'instruction, et a donc été soumis au débat contradictoire. Par suite, alors que le jugement de première instance a visé et analysé ce mémoire en réplique et répondu, dans ses motifs, aux moyens nouveaux qu'il contenait, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ledit jugement serait entaché d'irrégularité pour méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la magistrate désignée a répondu, au point n°13 de son jugement, au moyen tiré de ce que " certaines modifications apportées à son entretien d'évaluation au terme de son recours hiérarchique ont porté sur des rubriques dont elle n'avait pas demandé la modification ", en estimant que, dans les circonstances de l'espèce, l'autorité hiérarchique n'avait commis, ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation, ni pris à l'encontre de la requérante une sanction déguisée. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que le jugement de première instance serait entaché d'irrégularité en raison d'une omission à répondre à un moyen qui n'était pas inopérant.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le premier juge aurait méconnu l'étendue de son office en s'abstenant de constater, dans le cas particulier, qu'un nouvel entretien professionnel par l'autorité hiérarchique était nécessaire et en relevant que Mme F... " n'a pas toujours suivi les consignes et les procédures définies par sa hiérarchie au sein du service ". Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement de première instance serait irrégulier pour ces motifs ne peut être accueilli.

6. En quatrième et dernier lieu, la requérante fait valoir successivement, d'une part, que la magistrate désignée aurait méconnu le principe de l'égalité des armes en accordant, s'agissant du respect du délai de convocation de huit jours, institué au troisième alinéa de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010, et de la compétence de l'autorité signataire du compte rendu révisé du 24 octobre 2017, plus de crédit aux dires de l'administration qu'aux siens, d'autre part, qu'elle aurait inversé la charge de la preuve en faisant peser sur elle le soin de démontrer que la réunion du 14 juin 2017 était constitutive d'un vice de procédure. Toutefois, de telles circonstances, à les supposer même établies, si elles sont susceptibles, le cas échéant, d'affecter le bien-fondé du jugement de première instance, sont, en revanche, sans incidence sur sa régularité. Par suite, ces moyens doivent être écartés comme inopérants.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le compte-rendu révisé du 24 octobre 2017 :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article 17 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte-rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. / La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance. ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant de ses observations. Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. / Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier. ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " L'autorité hiérarchique peut être saisie par le fonctionnaire d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / Ce recours hiérarchique est exercé dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de notification à l'agent du compte rendu de l'entretien. L'autorité hiérarchique notifie sa réponse dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de réception de la demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / (...) / L'autorité hiérarchique communique au fonctionnaire, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l'entretien professionnel. ".

8. Il résulte de ces dispositions combinées qu'il incombe au seul supérieur hiérarchique direct de l'agent de conduire son entretien professionnel, puis d'en établir et d'en signer le compte-rendu. Il revient ensuite à l'autorité hiérarchique de viser ce compte-rendu et, si elle l'estime utile, de formuler ses observations préalablement à la notification définitive de l'évaluation au fonctionnaire intéressé. Il appartient en outre à cette même autorité de statuer sur les recours hiérarchiques formés en application des dispositions de l'article 6 du décret du 28 juillet 2010. En pareil cas, s'il est loisible à l'autorité hiérarchique de rejeter la demande de révision du compte-rendu initial, dont elle est saisie, ou, à l'inverse, d'y faire droit totalement ou partiellement, en revanche, elle ne saurait légalement, de sa seule initiative, indépendamment de toute demande en ce sens, modifier ou compléter l'appréciation portée par le supérieur hiérarchique direct sur la valeur professionnelle de l'agent concerné, spécialement en vue de la rendre moins favorable.

9. Il ressort des pièces du dossier que la demande de révision du compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, formée par Mme E... le 9 octobre 2017, a été examinée par la directrice régionale et départementale par intérim de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de la région Grand Est. A cette occasion, l'autorité hiérarchique ne s'est pas contentée de rejeter cette demande, mais s'est estimée à tort autorisée à compléter et à modifier le compte rendu initial sur un certain nombre de points. En particulier, elle a considéré que les items " esprit d'initiative ", " aptitude au dialogue, à la communication et à la négociation " et " capacité d'évaluation et d'adaptation ", jugés " satisfaisant " pour le premier et " sans objet " pour les deux autres par la supérieure hiérarchique directe, étaient " à développer ". De même, alors que l'appréciation littérale initiale relative à la manière de servir de l'agent, après avoir souligné que Mme F... travaille avec efficacité et compétence, s'est bornée à inviter l'intéressée à " prendre en compte le degré d'autonomie et la capacité d'initiative qui lui sont laissées par sa hiérarchie pour l'exercice de ses missions ", l'autorité hiérarchique a ajouté que les compétences de la requérante en matière de savoir-faire et de savoir-être doivent être améliorées, lui reprochant de n'agir avec efficacité que lorsque le cadre est fixé, de se satisfaire de propositions inadaptées lorsque la situation nécessite de faire preuve d'une réflexion plus approfondie et de manquer à son obligation de loyauté en contestant régulièrement les instructions de sa supérieure hiérarchique directe devant ses collaborateurs et sa hiérarchie. Par suite, Mme F... est fondée à soutenir que, en portant sur sa manière de servir une appréciation moins favorable que celle résultant du compte-rendu initial de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, le compte-rendu révisé du 24 octobre 2017 est entaché d'une erreur de droit et qu'il doit être annulé pour ce motif.

En ce qui concerne le compte-rendu initial de l'entretien professionnel du 11 avril 2017 :

10. En premier lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que, le 16 mars 2017, la cheffe de la mission " Ville " à la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de la région Grand Est a proposé aux agents placés sous son autorité et, singulièrement, à Mme F... les dates des 22, 23, 28 et 29 mars 2017 pour la fixation de leur entretien professionnel, en joignant à ses courriels la grille de cet entretien, une note explicative, une synthèse de la fiche d'entretien professionnel et la fiche de poste de la personne concernée. En l'absence de réponse de la requérante, celle-ci a été destinataire d'un nouveau courriel daté du 6 avril 2017 lui confirmant la tenue de son entretien pour le 11 avril 2017 à 14h30. Si Mme F... soutient ne pas avoir reçu ces deux courriels, elle n'établit pas, ni même n'allègue, que la méconnaissance éventuelle du délai de huit jours, institué au troisième alinéa de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010, aurait eu des incidences sur le déroulement de son entretien professionnel, la privant ainsi d'une garantie, ou sur la teneur du compte rendu qui en est résulté. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la réunion du 14 juin 2017, qui a été organisée entre Mme F..., la directrice départementale déléguée, son adjointe et sa supérieure hiérarchique directe en vue d'évoquer la situation de la requérante au sein du service, aurait eu pour objet de modifier ou de compléter le compte-rendu de son entretien professionnel ou de faire intervenir des " personnes extérieures " dans la procédure d'évaluation de sa valeur professionnelle au titre de l'année 2016. Par suite, ce moyen doit également être écarté.

13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le compte-rendu de l'entretien de l'évaluation professionnelle de Mme F... du 11 avril 2017 a été signé par la cheffe de la mission " Ville " à la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de la région Grand Est, dont il n'est pas contesté qu'elle est la supérieure hiérarchique directe de l'intéressée. S'il est vrai que la requérante a, le 13 septembre 2016, présenté une demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, dont elle aurait été victime de la part de sa cheffe de service, laquelle demande a été rejetée par la directrice régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de la région Grand Est, cette seule circonstance, en l'absence de tout autre élément, ne suffit pas à démontrer que la supérieure hiérarchique directe de Mme F... était dans l'incapacité de porter une appréciation objective et impartiale sur la valeur professionnelle de sa subordonnée. En outre, il ne ressort, ni du compte rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, ni d'aucune autre pièce du dossier, qu'une telle appréciation serait fondée sur des considérations étrangères à la manière de servir de l'agent. Par suite, le moyen ne peut être accueilli.

14. En quatrième lieu, contrairement aux allégations de la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le compte-rendu de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, qui comporte également des appréciations très favorables sur la manière de servir de l'intéressée, présenterait le caractère d'une sanction déguisée.

15. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de ce même décret, dans sa rédaction alors applicable : " L'entretien professionnel porte principalement sur :/ 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ;/ 3° La manière de servir du fonctionnaire ;/ 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; / 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; / 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ; / 7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité. ".

16. S'il est vrai que les objectifs assignés à l'agent pour l'année 2017 ont été renseignés de manière très succincte dans le compte-rendu initial de l'entretien professionnel du 11 avril 2017, l'administration soutient, sans être sérieusement contredite sur ce point, qu'ils ont été discutés et fixés en concertation avec Mme F... lors de son entretien. Elle produit, au soutien de ses allégations, un courriel adressé à l'intéressée dès le 12 avril 2017 à 9h05 par sa supérieure hiérarchique directe, dans lequel ces mêmes objectifs sont formalisés de façon exhaustive et détaillée. Par suite, alors que la requérante ne saurait utilement se prévaloir à cet égard des mentions figurant dans le " Mémento pratique sur l'entretien professionnel des personnels relevant de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur ", lequel document est dépourvu de toute valeur juridique, elle n'est pas fondée à soutenir que les objectifs, qui lui ont été assignés pour l'année 2017, auraient été définis en dehors de tout échange contradictoire.

17. En sixième et dernier lieu, Mme F... reproche à sa supérieure hiérarchique directe, d'une part, s'agissant de l'item " capacité à communiquer ", d'avoir coché la case " pratique " au lieu de la case " expert ", d'autre part, d'avoir considéré que les items permettant d'apprécier " l'aptitude à la conduite de projet " étaient " sans objet ", à l'exception de celui relatif " la capacité, de conception et de planification ", évaluée au niveau " supérieur ", enfin, d'avoir indiqué que ses qualités relationnelles étaient " à développer ". Elle fait valoir, en outre, que, en ce qui concerne ses perspectives d'évolution professionnelle, elle relève de la catégorie des agents " présentant un potentiel leur permettant d'accéder à des responsabilités similaires, y compris dans un environnement différent " et non pas, ainsi qu'il ressort du compte-rendu, de ceux " dont certaines aptitudes ou capacité sont à consolider ". S'il n'est pas contesté que les fonctions de chargée de mission " Politique de la ville " impliquent la conduite de projets, l'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite sur ce point, que la requérante a pris ses fonctions en mars 2016 en intégrant une équipe déjà constituée autour de projets antérieurement définis. Elle n'a donc pas été amenée, au cours de la période de référence à prendre en compte pour l'appréciation de sa manière de servir, à constituer et à animer une équipe dans le cadre d'objectifs et de délais nouvellement définis. De même, il ressort des échanges de courriels produits en défense que l'intéressée n'a pas toujours suivi les consignes et les procédures définies par sa hiérarchie, qu'elle a rencontré des difficultés relationnelles avec certains de ses interlocuteurs et qu'elle ne s'est pas suffisamment concertée avec ses collègues en ce qui concerne le montage de la procédure d'instruction des demandes d'adultes relais. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut être accueilli.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... est seulement fondée à demander l'annulation du compte-rendu révisé du 24 octobre 2017. Par suite, elle est également fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en tant qu'elle tend à l'annulation du compte-rendu révisé du 24 octobre 2017.

Sur les frais de justice :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme F... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1703448 du 29 novembre 2018 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de Mme E... dirigées contre le compte-rendu révisé du 24 octobre 2017.

Article 2 : Le compte-rendu révisé du 24 octobre 2017 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à Mme F... en application de l'article L. 761-1 de code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et au ministre de l'intérieur.

N° 19NC00355 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00355
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-06-01 Fonctionnaires et agents publics. Notation et avancement. Notation.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : CAVELIUS-FONTAINE ANNE-CLAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-08;19nc00355 ?
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