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22/12/2020 | FRANCE | N°18NC03008

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 décembre 2020, 18NC03008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Balan à lui payer la somme de la somme de 2 857,69 euros au titre des loyers échus impayés et de l'indemnité contractuelle de résiliation du contrat de location de matériel bureautique conclu le 22 juillet 2016, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2018 et de leur capitalisation. Elle a également demandé que la commune soit condamnée à lui restituer le matériel lo

ué à ses frais et risques.

Par une ordonnance n° 1801993 du 24 septembre 2018, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Balan à lui payer la somme de la somme de 2 857,69 euros au titre des loyers échus impayés et de l'indemnité contractuelle de résiliation du contrat de location de matériel bureautique conclu le 22 juillet 2016, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2018 et de leur capitalisation. Elle a également demandé que la commune soit condamnée à lui restituer le matériel loué à ses frais et risques.

Par une ordonnance n° 1801993 du 24 septembre 2018, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2018, la société Grenke Location, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1801993 du 24 septembre 2018 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de condamner la commune de Balan à lui verser la somme de 2 857,69 euros au titre des loyers échus impayés et de l'indemnité contractuelle de résiliation du contrat de location de matériel bureautique conclu le 22 juillet 2016, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2018 et de leur capitalisation ;

3°) de condamner la commune de Balan à lui restituer, à ses frais et risques, le matériel objet du contrat de location ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Balan une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa requête comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître dès lors que le contrat de location litigieux est un marché public ayant le caractère d'un contrat administratif en application de l'article 3 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- elle a procédé à la résiliation par anticipation du contrat de location en application de l'article 11 des conditions générales de location dès lors que la commune a cessé de payer les loyers contractuels tout en disposant du matériel ;

- compte tenu de la résiliation qu'elle a prononcée le 18 mai 2018, elle est fondée à demander le paiement des loyers échus impayés (907,20 euros), assortis des intérêts (20,49 euros), des mensualités à échoir (1 890 euros) et des frais de recouvrement (40 euros) en application de l'article 11 des conditions générales de location, soit une somme totale de 2 857,69 euros ;

- la commune doit également être condamnée à lui restituer le matériel dont elle demeure le propriétaire.

Par une ordonnance du 16 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

- Vu :

- le code civil ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hexapage Finance et la commune de Balan ont conclu le 22 juillet 2016 un contrat de location de longue durée portant sur du matériel bureautique moyennant le paiement de 12 loyers trimestriels de 378 euros hors taxes (HT). Ce contrat a ensuite été cédé à la société Grenke Location, qui s'est substituée à la société Hexapage Finance dans les droits et obligations de la bailleresse. Après avoir mis la commune en demeure de payer ses loyers le 13 avril 2018, la société Grenke Location a prononcé le 18 mai 2018, la résiliation anticipée du contrat et réclamé le versement de l'indemnité de résiliation qu'il prévoyait. La société Grenke Location a ensuite saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 2 857,69 euros au titre des loyers échus impayés et de l'indemnité contractuelle de résiliation prévue par le contrat, et à lui restituer le matériel objet de la location. La société Grenke Location relève appel de l'ordonnance du 24 septembre 2018 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance susvisée du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, en vigueur à la date de conclusion du contrat litigieux : " Les marchés publics relevant de la présente ordonnance passés par des personnes morales de droit public sont des contrats administratifs. ". Aux termes de l'article 4 de cette ordonnance : " Les marchés publics soumis à la présente ordonnance sont les marchés et les accords-cadres définis ci-après. / Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services (...) ". Aux termes de l'article 9 de la même ordonnance : " Les acheteurs publics ou privés soumis à la présente ordonnance sont les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices définis respectivement aux articles 10 et 11 ". Aux termes de son article 10 : " Les pouvoirs adjudicateurs sont :1° Les personnes morales de droit public (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les marchés entrant dans le champ d'application de l'ordonnance relative aux marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. Dès lors, le contrat conclu entre la commune de Balan, personne morale de droit public, et la société Hexapage Finance, aux droits de laquelle est venue la société Grenke Location pour la location de matériel bureautique, est au nombre des marchés publics définis à l'article 3 de cette ordonnance. En conséquence, et quelles que soient les modalités selon lesquelles il a été effectivement conclu, le présent litige relatif à l'exécution de ce contrat administratif relève de la compétence de la juridiction administrative, sans que puisse y faire obstacle la clause de ce contrat attribuant au tribunal de commerce de Paris le règlement des différends relatifs à son exécution. Par suite, la société Grenke Location est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 24 septembre 2018 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Grenke Location devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, tiré notamment des exigences du service public.

6. Aux termes de l'article 11 des conditions générales du contrat de location litigieux : " Le bailleur dispose d'un droit de résiliation sans préavis et d'indemnisation, d'une part, lorsque, malgré une mise en demeure, le locataire ne respecte pas une des obligations du contrat et notamment lorsque le locataire est en retard de paiement d'une échéance de loyers, même partiel (...). Dès résiliation du contrat, le locataire doit immédiatement restituer le matériel comme prévu à l'article 10 ci-dessus et verser au bailleur, outre les sommes impayées au jour de la résiliation ; une indemnité en réparation du préjudice subi égale au montant total des loyers HT restant à échoir à la date de la résiliation, une clause pénale de 10% des sommes impayées et du montant total des loyers HT restant à échoir à la date de résiliation ".

En ce qui concerne les loyers échus et leurs intérêts :

7. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par la commune de Balan, qui n'a pas produit de mémoire en défense, que cette dernière n'a pas réglé deux loyers trimestriels d'un montant de 453,60 euros toutes taxes comprises (TTC) pour les échéances d'octobre 2017 et avril 2018. Par suite, la société Grenke Location est fondée à demander, sur le fondement des stipulations précitées, la condamnation de la commune de Balan à lui payer la somme de 907,20 euros correspondant aux loyers impayés pour ces périodes, assortie des intérêts contractuels prévus par le contrat, s'élevant à la somme de 20,49 euros.

En ce qui concerne les loyers restant à échoir :

8. Il résulte des stipulations précitées de l'article 11 des conditions générales de vente que la société Grenke Location peut prétendre au versement d'une indemnité de résiliation qui comprend notamment le montant des loyers hors taxes (HT) restant à échoir à la date de la résiliation, seul demandé dans la présente instance, qui s'élève à la somme de 1 890 euros. Par suite, la société Grenke Location est fondée à demander la condamnation de la commune de Balan à lui payer cette somme.

En ce qui concerne les frais de recouvrement :

9. Aux termes de l'article 7 du décret n°2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée. ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros ".

10. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de faire droit à la demande de la société Grenke Location tendant à ce que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros soit versée par la commune de Balan.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Balan est condamnée à verser à la société Grenke Location les sommes de 2 817,69 et 40 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation :

12. En premier lieu, la société Grenke Location a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 2 817,69 euros, à compter du 24 mai 2018, date de réception par la commune de la lettre portant résiliation du contrat et demande de paiement des sommes dues, et non comme elle le demande à compter du 18 mai 2018. En revanche, elle n'est pas fondée à demander que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement à laquelle elle a droit, soit assortie des intérêts au taux légal compte tenu du caractère forfaitaire de cette indemnité.

13. En second lieu, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière.

14. La capitalisation des intérêts a été demandée à compter de l'enregistrement de la demande de première instance le 19 septembre 2018. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 24 mai 2019, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur la demande de restitution des matériels :

15. En application des stipulations précitées de l'article 11 des conditions générales du contrat, la société Grenke Location est fondée à demander la restitution des biens, objet du contrat résilié. Il y a en conséquence lieu d'enjoindre à la commune de Balan d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Balan la somme de 800 euros demandée à verser à la société Grenke Location au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 24 septembre 2018 est annulée.

Article 2 : La commune de Balan versera à la société Grenke Location une somme de 2 817,69 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2018. Les intérêts échus le 24 mai 2019 seront capitalisés, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : La commune de Balan est condamnée à verser 40 euros à la société Grenke Location au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Article 4 : Il est enjoint à la commune de Balan de restituer le matériel loué par la société Grenke Location dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : La commune de Balan versera à la société Grenke Location une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grenke Location et à la commune de Balan.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

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N° 18NC03008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03008
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : THIERY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-22;18nc03008 ?
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