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28/12/2020 | FRANCE | N°17NC02185

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 28 décembre 2020, 17NC02185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le Centre hospitalier de Belfort-Montbéliard a rejeté la demande qu'il a présentée, tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des congés de maladie pris depuis le 5 février 2001, ensemble la décision implicite du Centre hospitalier Saint-Jacques de Thann ayant le même objet, ensemble la décision implicite du directeur de l'Agence régionale de santé de Franche-Comté a

yant le même objet, ensemble la décision de rejet notifiée par courrier du 28 n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le Centre hospitalier de Belfort-Montbéliard a rejeté la demande qu'il a présentée, tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des congés de maladie pris depuis le 5 février 2001, ensemble la décision implicite du Centre hospitalier Saint-Jacques de Thann ayant le même objet, ensemble la décision implicite du directeur de l'Agence régionale de santé de Franche-Comté ayant le même objet, ensemble la décision de rejet notifiée par courrier du 28 novembre 2014 du directeur de l'Agence régionale de santé d'Alsace ayant le même objet, ensemble la décision implicite du préfet du Haut-Rhin ayant le même objet, ensemble la décision implicite du préfet du Territoire de Belfort ayant le même objet, d'autre part, de condamner solidairement le Centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, le Centre hospitalier Saint-Jacques de Thann, le directeur de l'Agence régionale de santé de Franche-Comté, le directeur de l'Agence régionale de santé d'Alsace, le préfet du Territoire de Belfort et le préfet du Haut-Rhin à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500438 du 4 juillet 2017 le tribunal administratif de Besançon a rejeté la requête de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt avant-dire droit du 26 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a :

1°) rejeté les conclusions de M. D... tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 2017 du tribunal administratif de Besançon, en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre de prétendues décisions implicites de rejet de l'agence régionale de santé de Franche-Comté, des centres hospitaliers de Belfort-Montbéliard et Saint-Jacques de Thann et des préfets du Territoire de Belfort et du Haut-Rhin ainsi que contre la décision de l'agence régionale de santé d'Alsace du 25 janvier 2015, ensemble les conclusions tendant à l'annulation de telles décisions ;

2°) rejeté les conclusions présentées l'un contre l'autre par M. D... et le Groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) avant de statuer sur le surplus des conclusions, ordonné un supplément d'instruction afin d'appeler en cause le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et de recueillir ses observations en défense ;

4°) réservé les autres droits et moyens des parties jusqu'en fin d'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2007-704 du 4 mai 2007 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et modifiant le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- les brèves observations de M. D...,

- et les observations de Me C..., pour le Groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace.

Une note en délibéré présentée par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a été enregistrée le 10 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., praticien hospitalier, a exercé ses fonctions au Centre hospitalier de Thann, puis, à compter de 2006, au Centre hospitalier de Belfort-Montbéliard. Souffrant d'un syndrome dépressif, il été placé en congé de maladie à compter du 5 février 2001 et en congé de longue durée du 6 avril 2001 au 31 mars 2004. Il a de nouveau bénéficié d'un congé de longue durée du 15 février 2013 au 14 août 2014 pour une pathologie identique. Par courrier du 17 novembre 2014, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie depuis le 5 février 2001 auprès du Centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, du Centre hospitalier Saint-Jacques de Thann, de l'Agence régionale de santé de Franche-Comté, de l'Agence régionale de santé d'Alsace, du préfet du Haut-Rhin et du préfet du Territoire de Belfort. M. D... a demandé au tribunal administratif de Besançon l'annulation de la décision expresse du 25 janvier 2015 par laquelle l'Agence régionale de santé d'Alsace s'est déclarée incompétente pour statuer sur sa demande et des décisions implicites nées, selon lui, du silence gardé par les autres autorités administratives destinataires de son courrier du 17 novembre 2014. Il a relevé appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par un arrêt du 26 juin 2020, la présente cour a rejeté les conclusions de M. D... relatives aux prétendues décisions implicites de rejet de l'ARS de Franche-Comté, des centres hospitaliers de Belfort-Montbéliard et Saint-Jacques de Thann et des préfets du Territoire de Belfort et du Haut-Rhin ainsi que celles dirigées contre la décision de l'ARS d'Alsace du 25 janvier 2015. Elle a en outre rejeté les conclusions présentées l'un contre l'autre par M. D... et le Groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace au titre des frais d'instance et ordonné, avant dire droit, un supplément d'instruction afin d'appeler en cause le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) et de recueillir ses observations en défense.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 9 de l'arrêt de la présente cour du 26 juin 2020, les demandes adressées par M. D... aux centres hospitaliers de Belfort-Montbéliard et de Thann, aux agences régionales de santé de Franche-Comté et d'Alsace et aux préfets du Haut-Rhin et du Territoire de Belfort ont fait naître, eu égard à l'obligation de transmission qui pesait, même sans texte, sur ces derniers en raison de leurs rapports de collaboration avec le CNG, une décision implicite de rejet, réputée prise par ce dernier. Les conclusions présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Besançon à l'encontre des prétendues décisions implicites prises par les autorités citées ci-dessus devaient être regardées comme dirigées également contre la décision implicite de rejet du CNG. Il appartenait dès lors au tribunal de mettre en cause ce dernier afin qu'il produise ses observations en défense. En s'abstenant de le faire et en ne statuant pas sur la légalité de la décision implicite du CNG, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu d'annuler ce jugement dans cette mesure.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. D... dirigées contre la décision implicite de rejet du CNG.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet du CNG :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 6152-36 du CSP, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Un comité médical, placé auprès de chaque préfet, est chargé de donner un avis sur l'aptitude physique et mentale des praticiens régis par le présent statut à exercer leurs fonctions, ainsi que sur toute question d'ordre médical les intéressant pour l'application des dispositions du présent statut (...) ". L'imputabilité au service d'une pathologie affectant un praticien hospitalier ne constitue pas, au sens des dispositions qui précèdent, une question d'ordre médical pour laquelle ces dispositions imposent la consultation du comité médical. Par suite, le moyen tiré par M. D... de ce que le comité médical n'a pas été saisi pour avis ne peut qu'être écarté comme inopérant.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 6152-37 du code de la santé publique : " En cas de maladie dûment constatée et attestée par un certificat médical mettant un praticien dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé par décision du directeur de l'établissement. Le praticien en congé de maladie conserve la totalité des émoluments prévus au 1° de l'article R. 6152-23, pendant une durée de trois mois ; ces émoluments sont réduits à la moitié pendant les neuf mois suivants. Lorsqu'à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un praticien est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. Lorsqu'un praticien a obtenu des congés de maladie d'une durée totale de douze mois consécutifs, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical ; en cas d'avis défavorable, il est mis en disponibilité. Au cas où un praticien est atteint d'une affection ou d'une infirmité entraînant une incapacité professionnelle, le directeur général du Centre national de gestion peut prononcer d'office la mise en disponibilité du praticien en cause, après avis du comité médical et dans les conditions fixées aux articles R. 6152-62, R. 6152-63 et R. 6152-65. ". Aux termes de l'article R. 6152-41 du même code : " Les dispositions des articles R. 6152-37 à R. 6152-39 ne s'appliquent pas en cas de maladie imputable au service ou d'accident survenu dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion desdites fonctions. En ce cas, l'intéressé continue à percevoir la totalité des émoluments qui lui sont accordés en application du 1° de l'article R. 6152-23 dans la limite d'une année. A l'issue de cette période, son cas est soumis par le préfet du département au comité médical qui propose, soit sa réintégration, soit la prolongation du congé dans les mêmes limites de durée et de rémunération, à concurrence d'un total de cinq années ".

6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

7. S'agissant, d'une part, de la période au cours de laquelle M. D... a été affecté au Centre hospitalier de Thann, il ressort des pièces versées au dossier, en particulier des attestations d'anciens collègues de l'intéressé et d'un rapport d'enquête d'un inspecteur de la caisse primaire d'assurance maladie du 12 décembre 2002, que cet établissement hospitalier était alors marqué par un contexte professionnel tendu, lié notamment à un management agressif. Ce rapport mentionne à cet égard que " l'audition du directeur actuel de l'établissement parait suffire en elle-même pour accréditer la vraisemblance d'un lien entre la pathologie du Dr D... et son activité professionnelle, dans le cadre routinier du premier niveau de la législation sur les risques professionnels ". Toutefois, ces seuls éléments portant sur l'ambiance générale dégradée au sein du centre hospitalier, dépourvus de précisions sur la situation particulière de M. D... dans ce contexte professionnel, ne permettent pas d'établir que la pathologie dépressive ayant fait suite à l'affectation de l'intéressé au Centre hospitalier de Thann pour laquelle il a été placé en congé de longue durée de 2001 à 2004, présentait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail.

8. D'autre part, M. D... soutient que, pour la reprise de son service à mi-temps thérapeutique après trois ans de congé de longue durée, il a été affecté au Centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, situé à une heure en voiture de son domicile, et placé sur des fonctions éprouvantes au sein du service d'anesthésie en raison d'un sous-effectif chronique. Il produit à cet égard une attestation du Dr Rathay, collègue médecin-anesthésiste, faisant état, d'une part, des conséquences de ce sous-effectif sur la charge de travail des médecins, facteur aggravant, selon lui, d'un " management agressif dicté par des impératifs budgétaires et d'efficience économique " et, d'autre part, de ce que M. D... aurait souvent exercé dans des secteurs à faible attractivité et/ou très forte pénibilité et aurait dû souvent remplacer des collègues. Cette attestation, au demeurant isolée, ne permet cependant pas d'établir que M. D... se serait effectivement vu confier une charge de travail ou aurait été placé dans une situation professionnelle incompatible avec son état de santé ou de nature à l'affecter. Il ressort au contraire des autres pièces du dossier, notamment d'une décision de la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins du 7 juillet 2015, que M. D... a été affecté au centre hospitalier de Belfort-Montbéliard sur un poste aménagé tenant compte de son état dépressif et du fait qu'il était atteint d'une maladie, reconnue comme maladie professionnelle en juin 2010. Dès lors, eu égard à son affectation sur un poste adapté à son état de santé et au temps écoulé depuis son affectation antérieure, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état dépressif de l'intéressé, postérieurement à 2006, doive être regardé comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec de ses conditions de travail.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite du CNG refusant de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée dont il a bénéficié de 2001 à 2004.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 juillet 2017 est annulé en tant qu'il n'a pas appelé en cause le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et n'a pas statué sur la décision implicite née du silence gardé par ce dernier sur la demande d'imputabilité au service de M. D....

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Besançon est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, au Groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace, à l'Agence régionale de santé de Franche-Comté, à l'Agence régionale de santé d'Alsace, au préfet du Territoire de Belfort et au préfet du Haut-Rhin.

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N° 17NC02185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NC02185
Date de la décision : 28/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CM.AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-28;17nc02185 ?
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