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02/02/2021 | FRANCE | N°19NC02005

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 février 2021, 19NC02005


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, la décision du 4 juin 2018 par laquelle le préfet de l'Aube a porté à dix-huit mois le délai de son transfert à destination de l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, la décision du 15 juin 2018 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, qui lui avaient été accor

dées en qualité de demandeur d'asile.

Par un jugement n° 1802023-1802024 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, la décision du 4 juin 2018 par laquelle le préfet de l'Aube a porté à dix-huit mois le délai de son transfert à destination de l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, la décision du 15 juin 2018 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, qui lui avaient été accordées en qualité de demandeur d'asile.

Par un jugement n° 1802023-1802024 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes de Mme D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2019, Mme C... D..., représentée par Me B..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802023-1802024 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 décembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Aube et de la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration des 4 et 15 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de condamner l'Etat aux éventuels dépens et de mettre à sa charge le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que les décisions en litige sont entachées d'une inexactitude matérielle et d'une erreur d'appréciation, dès lors que son comportement ne caractérisait pas une situation de fuite au sens des dispositions du deuxième paragraphe de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions à fin d'annulation, en tant qu'elles sont dirigées contre la décision du 15 juin 2018, sont irrecevables et, en tout état de cause, non fondées.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... est une ressortissante zimbabwéenne, née le 8 octobre 1980. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 25 juillet 2017, accompagnée de son fils et de sa fille, nés respectivement les 12 septembre 2001 et 4 juin 2011. Le 25 septembre 2017, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Toutefois, les recherches effectuées sur le fichier Visabio ayant révélé que l'intéressée était titulaire d'un visa d'entrée " Schengen " délivré par les autorités italiennes le 5 juillet 2017, celles-ci ont été saisies, le 2 octobre 2017, d'une demande de reprise en charge aux fins de l'examen de cette demande d'asile, qui a donné lieu à un accord implicite intervenu le 12 décembre 2017. Par deux arrêtés du 16 mai 2018, le préfet de l'Aube a décidé de transférer la requérante à destination de l'Italie et l'a assignée à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours. La mesure d'éloignement n'ayant pu être exécutée en raison du refus de Mme D... d'embarquer sur le vol à destination de Milan, organisé à cet effet le 29 mai 2018 à 9h25, le préfet a considéré, le 4 juin 2018, que l'intéressée se trouvait en situation de fuite et a porté à dix-huit mois le délai de son transfert en application des dispositions du deuxième paragraphe de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Pour le même motif, la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a prononcé, le 15 juin 2018, la suspension des conditions matérielles accueil, qui avaient été accordées à la requérante en sa qualité de demandeur d'asile. Mme D... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de deux demandes tendant à l'annulation des décisions des 4 et 15 juin 2018. Elle relève appel du jugement n° 1802023-1802024 du 21 décembre 2018, qui rejette ces demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / Si les transferts vers l'État membre responsable s'effectuent sous la forme d'un départ contrôlé ou sous escorte, les États membres veillent à ce qu'ils aient lieu dans des conditions humaines et dans le plein respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine. / (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. / (...) ".

3. Il résulte clairement de ces dispositions que la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. Dans l'hypothèse d'un départ contrôlé, dont l'Etat responsable du transfert assure l'organisation matérielle en prenant en charge le titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français, ainsi que, le cas échéant, le pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination, le demandeur d'asile qui se soustrait délibérément à l'exécution de son transfert ainsi organisé doit être regardé comme en fuite au sens de ces dispositions.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile (...) n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; (...). / La décision de suspension, de retrait ou de refus des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / La décision est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. / Lorsque le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aube a organisé le transfert de Mme D... et de ses enfants à destination de l'Italie sous la forme d'un départ contrôlé, d'une part, en retenant des places sur un vol à destination de Milan le 29 mai 2018 à 9 heures 25, d'autre part, en prononçant les 16 et 28 mai 2018 l'assignation à résidence des intéressés dans le département de l'Aube, puis leur placement en rétention administrative à Troyes, enfin, en procédant à leur acheminement de Troyes vers l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle le jour même du départ à partir de 5 heures. Il résulte des procès-verbaux des services de police des 28 et 29 mai 2018, produits en première instance par l'administration, que la requérante, après avoir donné son accord la veille pour exécuter la mesure d'éloignement, a refusé catégoriquement de quitter les locaux de la police aux frontières de l'aéroport pour se rendre à l'embarquement, malgré les tentatives pour la raisonner et a persisté dans son refus jusqu'à l'envol de l'appareil à 9 heures 25. Mme D..., qui, contrairement à ses allégations, a bénéficié d'un entretien individuel à la préfecture le 25 septembre 2017 au cours duquel la situation lui a été exposée, ainsi que de l'assistance d'un interprète en langue anglaise tout au long de la procédure, ne saurait sérieusement soutenir qu'elle n'a jamais été conduite à l'aéroport, ni qu'elle s'est trouvée dans l'incapacité de comprendre ce que les autorités lui demandaient et de se faire comprendre d'elles. Par suite, le préfet de l'Aube a pu, sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation, considérer que la requérante était en fuite et porter à dix-huit mois le délai de son transfert à destination de l'Italie. De même, la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation en suspendant les conditions matérielles d'accueil de l'intéressée au motif qu'elle n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions des 4 et 15 juin 2018. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ses conclusions à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour Mme C... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, au ministre de l'intérieur et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

N° 19NC02005 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02005
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-02;19nc02005 ?
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