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23/02/2021 | FRANCE | N°19NC03423

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 23 février 2021, 19NC03423


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le président du syndicat mixte d'énergies, d'équipements et de e-communication (SIDEC) du Jura a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation.

Le syndicat mixte d'énergies, d'équipements et de e-communication (SIDEC) du Jura a demandé au même tribunal d'annuler l'avis du 10 septembre 2018 par lequel le conseil de discipline de recours de la fonction publique territo

riale de la région Bourgogne - Franche-Comté a estimé qu'une exclusion temporaire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le président du syndicat mixte d'énergies, d'équipements et de e-communication (SIDEC) du Jura a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation.

Le syndicat mixte d'énergies, d'équipements et de e-communication (SIDEC) du Jura a demandé au même tribunal d'annuler l'avis du 10 septembre 2018 par lequel le conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Bourgogne - Franche-Comté a estimé qu'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an devait être infligée à M. D....

Par un jugement no 1801124, 1801887 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'avis du conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Bourgogne - Franche-Comté du 10 septembre 2018 et rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. D... et du SIDEC du Jura.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 novembre 2019 et 5 février 2020, M. H... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1801124, 1801887 du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le président du SIDEC du Jura a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation ;

3°) de mettre à la charge du SIDEC du Jura la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient le SIDEC du Jura, sa requête d'appel est régulièrement motivée et, par suite, recevable ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en ce qu'il se borne à reprendre les griefs invoqués depuis le début de la procédure disciplinaire et à rappeler l'avis du conseil de discipline du 6 avril 2018, et ne comporte qu'une seule phrase pour expliquer que la sanction retenue aille au-delà de celle proposée par ce dernier ;

- les griefs tirés de l'absence d'autorisation pour son congé du 15 décembre 2017 et de sa participation à cette date, sans habilitation du SIDEC du Jura, à une réunion pour le compte de la SEM Enr citoyenne ne sont pas fondés, dès lors que le président du SIDEC du Jura avait donné son accord ;

- la sanction de révocation est disproportionnée ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 janvier et 10 mars 2020, le SIDEC du Jura, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la requête d'appel est irrecevable, faute d'être régulièrement motivée, et que, subsidiairement, aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. D... et de Me G... pour le SIDEC du Jura.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ingénieur en chef territorial de classe normale, affecté au syndicat mixte d'énergies, d'équipements et de e-communication du Jura (SIDEC du Jura) depuis 1998, y exerçait les fonctions de " chargé de mission énergies ". A compter du 1er juin 2017 et à raison de 9 heures par semaine, il avait été mis à la disposition de la société d'économie mixte " énergies renouvelables citoyenne " (SEM Enr), dont le SIDEC du Jura est l'actionnaire principal, pour y prendre en charge les démarches d'acquisition, par cette SEM, d'une société détenant une éolienne. Après avoir, le 14 décembre 2017, mis fin à cette mise à disposition, le président du SIDEC du Jura a engagé à l'encontre de M. D... une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle, par un arrêté du 27 avril 2018, il a prononcé sa révocation. Sur le recours de M. D..., le conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Bourgogne - Franche-Comté a, le 10 septembre 2018, estimé que la sanction de révocation était disproportionnée et s'est prononcé, comme avant lui le conseil de discipline départemental, en faveur d'une exclusion temporaire d'un an ferme.

2. M. D... relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, fait droit à la demande du SIDEC du Jura en annulant l'avis du conseil de discipline de recours du 10 septembre 2018 et, d'autre part, rejeté sa propre demande tendant à l'annulation de la sanction de révocation prise à son encontre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise les textes appliqués et rappelle les griefs retenus à l'encontre de M. D..., en précisant les obligations statutaires qu'il a méconnues, comporte ainsi un énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la sanction en litige. Aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait qu'il énonce, en outre, les raisons pour lesquelles ladite sanction est plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline dans son avis du 6 avril 2018. Au surplus, la circonstance que ces explications tiennent en une unique phrase dans l'arrêté n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'elles seraient insuffisantes. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, en vertu de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans l'échelle des sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées à un fonctionnaire territorial, qui en compte dix réparties en quatre groupes, la révocation constitue la plus lourde des sanctions disciplinaires.

5. Il est reproché à M. D... d'avoir, le 6 décembre 2017, diffusé de fausses informations auprès de sa hiérarchie en adressant à la directrice générale des services du SIDEC du Jura un courrier électronique faisant état de la position favorable des services de la préfecture sur la légalité du projet d'acquisition de la SEM, alors que ces derniers ne s'étaient jamais prononcés à ce sujet, et comportant, en outre, la copie d'un courrier électronique falsifié, présenté comme envoyé par un agent de la préfecture pour corroborer cette position. Il lui est également reproché d'avoir, le 15 décembre 2017, participé à Paris à une réunion de négociation dans le cadre du projet d'achat d'éolienne pour le compte de la SEM, sans y avoir été habilité par le SIDEC du Jura qui, la veille, avait mis fin à sa mise à disposition auprès de cette dernière et sans avoir obtenu de jour de congé à cette fin. Enfin, il lui est reproché d'avoir utilisé son adresse électronique professionnelle au SIDEC du Jura pour communiquer avec différents acteurs institutionnels, dont la région Bourgogne - Franche-Comté et l'ADEME, en sa qualité de président de l'AJENA, alors que cette association intervient, comme le syndicat, dans le domaine des énergies renouvelables.

6. Dans une attestation produite par M. D... et dont le SIDEC du Jura ne conteste pas la teneur, M. F..., à l'époque dirigeant de la SEM, indique que, informé le matin même du 14 décembre 2017 de la décision de mettre immédiatement fin à la mise à disposition de M. D... qui, dans le cadre de cette dernière, était jusqu'alors chargé du projet d'acquisition, il a obtenu, en début d'après-midi, l'accord verbal du président du SIDEC du Jura pour que M. D..., comme cela était initialement prévu, l'accompagne à la réunion du 15 décembre 2017. Dans ces conditions et alors même que l'autorisation ainsi donnée à M. D... de s'absenter du service et de participer à cette réunion n'a pas été formalisée, il est fondé à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne présentent pas de caractère fautif.

7. Par ailleurs, si l'utilisation par M. D..., même par inadvertance, de son adresse électronique professionnelle au SIDEC du Jura pour communiquer avec différents acteurs institutionnels en sa qualité de président de l'AJENA, a pu susciter dans l'esprit de ses interlocuteurs, et au détriment du syndicat, une confusion entre ses différentes fonctions et présente, par suite, un caractère fautif, la gravité de cette faute demeure relative, dès lors qu'elle s'est limitée à l'envoi d'un unique message électronique le 18 octobre 2017.

8. En revanche, le courrier électronique que M. D... a adressé à la directrice générale des services du SIDEC du Jura le 6 décembre 2017 présente un caractère délibérément trompeur, dès lors qu'il fait état d'un avis que les services préfectoraux n'avaient pas émis, et inclut, selon ses termes, la " copie " d'un courrier électronique corroborant cet avis, dont son émetteur allégué, un agent de la préfecture, atteste ne pas être l'auteur et analyse de manière circonstanciée le caractère falsifié. Il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'enjeu financier de l'opération d'acquisition projetée, représentant un investissement à hauteur de cinq millions d'euros pour la SEM, dont le SIDEC du Jura est l'actionnaire principal, l'avis des services préfectoraux sur sa légalité revêtait à ses yeux une importance déterminante. Cette dernière ne pouvait avoir échappé à M. D..., à qui le SIDEC du Jura avait, dès le départ, et de façon répétée ensuite, demandé d'obtenir l'avis des services préfectoraux à ce sujet. En outre, le courrier électronique en litige, qui après plusieurs réponses verbales évasives constituait la première réponse écrite à ces demandes répétées du syndicat, est intervenu à un moment important, quelques jours avant la réunion prévue à Paris le 15 décembre et alors que, selon l'attestation de M. F... mentionnée au point 7, la date du 31 décembre 2017 était, à l'époque, la " date butoir pour la concrétisation du projet ". Si M. D... fait valoir qu'il aurait rédigé ce courrier électronique dans un contexte d'instructions contradictoires et de pressions de la part de la SEM et du SIDEC du Jura, il ne l'établit pas. Ni la circonstance que ce courrier ait été destiné à un nombre restreint de personnes, dès lors qu'il s'agissait de sa hiérarchie qui attendait ces éléments, ni celle que l'engagement financier du SIDEC du Jura dans l'opération aurait été moins important que les cinq millions d'euros de l'investissement requis, ne sont de nature à l'exonérer même partiellement des faits qui lui sont reprochés. Enfin, eu égard à la teneur du courrier électronique que M. D... a adressé le 16 novembre 2017 à l'un des administrateurs de la SEM, dans lequel il lui fait part de ses manoeuvres de rétention d'information et de " passages obligés " par lui en vue de conserver son poste au sein de la SEM et de dissuader le SIDEC de le réintégrer, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... n'aurait tiré aucun profit personnel du comportement qui lui est reproché.

9. Dans ces conditions, eu égard à la nature de ces faits, qui caractérisent des manquements d'une particulière gravité aux obligations d'obéissance, de probité et de loyauté vis-à-vis du SIDEC du Jura qui lui incombaient, au contexte dans lequel ces manquements ont été commis, à son expérience, à son grade et à ses fonctions, et alors même que, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, les autres faits relevés à son encontre, soit ne sont pas fautifs, soit ne le sont pas de manière grave, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le président du SIDEC du Jura a commis une erreur d'appréciation en lui infligeant la sanction de révocation.

10. En troisième lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le SIDEC du Jura, que les conclusions à fin d'annulation de M. D... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du SIDEC, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... la somme de 1 000 euros à verser au SIDEC en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera au syndicat mixte d'énergies, d'équipements et de e-communication du Jura la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour M. H... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au syndicat mixte d'énergies, d'équipements et de e-communication du Jura.

N° 19NC03423 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03423
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions. Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : AFM AVOCATS ASSOCIÉS FAIVRE-MONNEUSE - ANGEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-23;19nc03423 ?
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